« Je pense comme Mao que l´étincelle va mettre le feu, mais je ne sais pas si l´incendie s´étendra à toute l´Afrique du Nord, et quand et comment », a indiqué, le 17 janvier à Paris, François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, en évoquant la révolte contre le régime du président Ben Ali en Tunisie.
S´exprimant hier 17 janvier à l´occasion du colloque annuel de la Coface sur les risques pays 2011, François Heisbourg a expliqué que la Tunisie est « le premier pays du Moyen-Orient où il y a un renversement de régime depuis la fin de la monarchie en Irak en 1958 ». Une révolte engagée « par des petites gens en colère » et par « une bourgeoisie », fatiguée de subir « le racket et de voir leur droit de propriété bafoué ».
Les familles Ben Ali et Trabelsi (nom de jeune fille de la seconde épouse de l´ex-président) s´étaient taillées un empire économique (immobilier, hôtellerie, pêche, ciment, banque…), bloquant, selon leur volonté, tout investissement local et étranger. Résultat : « le taux d´investissement en Tunisie atteint 25 %, alors qu´il est dix points supérieur au Maroc », selon Yves Zlotowski, chef économiste de Coface.
La fin du « règne » de Ben Ali, qui a fui son pays pour aller se réfugier en Arabie Saoudite le 14 janvier, devrait donner un second souffle économique à un pays, handicapé par un chômage très élevé (32 %), notamment chez les jeunes diplômés. « Je crois que la transition politique a ses chances en Tunisie, car le niveau d´éducation y est élevé », soutient Yves Zlotowski. « Elle se fera, mais ce ne sera pas un long fleuve tranquille», prévoit François Heisbourg, qui observe que « toutes les structures politiques, parapubliques ou syndicales ont été laminées sous Ben Ali ».
Faut-il voir dans ce déficit d’élites politiques l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement d´union nationale, formé le 17 janvier, comprend essentiellement des membres de l´ancien gouvernement, dont le Premier ministre Mohammed Ghannouchi ? Même si on lui a promis des élections libres dans six mois, la rue pourrait à nouveau se faire entendre, alors même que l´armée doit toujours mener une guérilla contre des éléments armés fidèles à l´ancien chef d´Etat. « On est plus proche de la Roumanie que de la Pologne, du modèle portugais que post-Franco en Espagne. Et il a fallu au Portugal cinq ans pour parvenir à se stabiliser politiquement », rappelle François Heisbourg.
François Pargny