Il y a urgence. Au tournant du millénaire, l´industrie tricolore était plus compétitive que celle de l´Allemagne. Ce n´est plus le cas aujourd´hui. La faute essentiellement à nos coûts. « Nous allons devoir réaliser un recalage de l´ordre de 5 à 10 % par rapport à l´Allemagne », a ainsi souligné, le 20 janvier, Eric Besson, ministre de l´Industrie, à l´occasion de la remise par le cabinet Coe-Rexecode d´une étude, intitulée « enrayer la divergence de compétitivité entre la France et l´Allemagne ».
Le retard de la France est aujourd´hui alarmant. « En 2000, ses exportations représentaient 55 % de celles de l´Allemagne. Or, cette part n´est plus que de 40 % », selon Michel Didier, président de Coe-Rexecode. La France a perdu des parts de marché « dans tous les secteurs », a-t-il ajouté lors de la remise du rapport, et « le prix moyen de ses exportations a progressé d´environ 8 % de plus que les ventes allemandes entre 2003 et 2008 ». Enfin, remarque encore le dirigeant du cabinet français, « les pertes de marchés se sont accompagnées d´une contraction de la base industrielle. La valeur ajoutée créée dans l´Hexagone, qui représentait 50 % de celle créée outre Rhin, n´en constitue plus que 40 %, et, de 2000 et 2007, la France a perdu par rapport à son voisin environ 13 % de ses entreprises industrielles ».
La France est principalement handicapée par ses coûts salariaux. Entre 2000 et 2008, les coûts salariaux complets (avec les charges) ont augmenté de 28 % en France et de 16 % en Allemagne. Les coûts salariaux unitaires ont même progressé d´environ 10 % dans l´Hexagone, alors qu´ils ont reculé de 15 % en Allemagne. Cerise sur le gâteau : la composante des charges sociales sur les salaires est nettement supérieure en France (44 % du salaire brut contre 30 % outre Rhin). Résultat : pour une hausse salariale de 100 euros nets, un employeur doit payer 175 euros en France et seulement 155 euros en Allemagne.
Pour autant, Eric Besson, en charge de l´Industrie depuis novembre 2010, en est persuadé : la perte de compétitivité de la France n´est pas irrémédiable. D´abord, l´Allemagne, à fois partenaire et rival en Europe, a démontré, en obtenant son meilleur chiffre de croissance depuis la réunification – 3,6 % en 2010 – que les pays les plus industrialisés traversent plus facilement les crises. D´où l´affirmation d´Eric Besson : « l´industrie est la colonne vertébrale de toute économie ». En France, rappelle-t-il, « l´industrie génère 80 % des exportations et 90 % de l´effort de recherche et développement ».
Ensuite, nul doute pour Eric Besson que la France demeure une puissance industrielle. « Airbus, les développements dans le véhicule du futur, par exemple, le prouvent », mais, reconnaît-il, « il y a encore des lacunes, notamment en matière de recherche, d´innovation » et la France doit, en particulier, s´impliquer « dans les technologies de rupture des vingt années à venir ». A cet égard, si la compétitivité de l´Allemagne est supérieure à celle de la France aujourd´hui, c´est en partie parce que le voisin européen est plus tourné vers la recherche appliquée. « Ses entreprises déposent trois fois plus de brevets », selon le membre du gouvernement. Les relations enseignement-recherche-entreprise y sont aussi plus naturelles.
Ce qui n´empêche pas la France de prendre des initiatives. C´est ainsi que les entreprises allemandes envient les sociétés françaises bénéficiant d´un crédit impôt recherche. « Le montant du crédit impôt recherche a été multiplié par trois en quelques années », insiste Eric Besson. Par ailleurs, des pôles de compétitivité à vocation mondiale ont été lancés et des coopérations ont été organisées dans certaines filières. « J´ai découvert en arrivant au ministère que constructeurs et sous-traitants automobiles avaient constitué une plateforme sectorielle qui fonctionne bien », relate Eric Besson.
Enfin, il y a les Etats généraux de l´industrie, initiés par le précédent ministre de l´Industrie, Christian Estrosi. A leur issue, une conférence nationale de l´industrie (CNI) a été installée, le 8 juillet dernier. Onze comités stratégiques de filière ont aussi été instaurés pour renforcer leur compétitivité et une semaine de l´Industrie a été décidée du 4 au 10 avril. « Les Etats généraux ont été une fenêtre pour lancer la convergence entre les différents partenaires – entre autres, et c´est fondamental, avec les syndicats – pour parvenir à un consensus social », explique le président de la CNI, Jean-François Dehecq. Une des grandes réussites du modèle allemand, c´est la cogestion entre tous les partenaires (Etat, entreprises, syndicats…), qui a permis à Berlin de mener une politique de modération salariale et d´assouplissement du marché du travail depuis dix ans.
C´est pourquoi Coe-Rexecode appelle à l´instauration d´un pacte de compétitivité industrielle entre tous les acteurs sociaux, économiques et politiques. Une idée reprise par Eric Besson, qui veut entamer la concertation, « dès début février », en associant Xavier Bertrand, son collègue en charge du Travail, et Nadine Morano, responsable au gouvernement notamment de l´apprentissage. La CNI, a annoncé Eric Besson, devra remettre « le résultat de cette concertation dans un délai court » : le 30 mai au plus tard.
François Pargny