Depuis mercredi matin 23 mars, l’Ever Given, un monstre maritime de 400 m de long et 59 de large bloque le passage du canal de Suez dans les deux sens et l’on a compté jusqu’à 185 navires, porte-conteneurs et vraquiers, bloqués aux entrées du canal. Un événement rare sur ce point de passage stratégique du commerce entre l’Europe et l’Asie, et qui survient alors que les compagnies de fret maritime peinent déjà à fournir la demande asiatique.
Combien de temps ce porte-conteneurs va-t-il rester en travers du canal ? C’est la question qui agite le monde du fret maritime depuis que ce navire de 20 000 EVP, battant pavillon panaméen, propriété de la société japonaise Shoei Kisen et exploité par le Taïwanais Evergreen Marine Corp, s’est échoué dans la matinée du 22 mars en raison d’une rafale de vent, le nez fiché dans une paroi sableuse.
A l’heure où nous rédigeons cet article les opérations sont toujours en cours. Des dragues sont mobilisées afin de creuser une souille et des pelleteuses s’affairent pour dégager le bulbe d’étrave. Selon l’Autorité du Canal de Suez, il faudra déplacer entre 15 000 et 20 000 mètres cubes de sable pour remettre ce géant des mers à flot.
Si ces méthodes ne suffisent pas il faudra délester ce navire de 200 000 tonnes d’au moins une partie de sa marchandise, ce qui allongerait considérablement cette opération de sauvetage. Quel sera l’impact sur le commerce international de cet événement rarissime ?
Le Canal de Suez voit en effet passer chaque année entre 12 % et 13 % du volume des échanges mondiaux. Une cinquantaine de navires l’empruntent chaque jour avec à leur bord environ 10 milliards (Md USD) de marchandises.
Selon les analystes de l’assureur-crédit Euler Hermes chaque jour d’immobilisation pourrait coûter entre 6 et 10 Md USD au commerce mondial et faire baisser sa croissance annuelle de – 0,2 à – 0,4 points. Ils estiment néanmoins que l’Ever Given devrait ne pas rester bloqué plus d’une semaine.
Le problème vient surtout du contexte : cet accident survient en effet alors que les perturbations des chaînes d’approvisionnement depuis le début de la crise sanitaire ont déjà couté 1,4 point à la croissance réelle des échanges mondiaux, soit 230 Md USD.
Les délais de livraison des marchandises à destination de l’Europe sont depuis le début de cette année plus longs qu’au début de la crise sanitaire, avec, selon certains professionnels, des retards de 5 jours en moyenne pour les navires, liés à l’engorgement de certains ports et à la pénurie de conteneurs qui persistent. Le prix du fret entre l’Asie est l’Europe a quasi quadruplé ces derniers mois et Euler Hermes anticipe une hausse de 6 % d’ici à fin avril.
Les importateurs et exportateurs n’ont d’autre choix que de prendre leur mal en patience…
Sophie Creusillet