Le modèle économique de l´Allemagne, reposant sur l´exportation, profite aussi aux principaux fournisseurs du pays. La deuxième puissance exportatrice mondiale est ouverte aux importations et sa consommation domestique commence à alimenter la croissance.
« L´Allemagne a adopté un modèle économique foncièrement ouvert, reposant sur une industrie très compétitive, dans lequel l´importation est indissociable de l´exportation », affirme René Lasserre, directeur du Centre d´information et de recherche sur l´Allemagne contemporaine (Cirac). Les importations représentent entre 33 et 35 % du produit intérieur brut (PIB) de l´Allemagne « et l´excédent commercial, de l´ordre de 5 à 7 % du PIB selon les années, est utilisé pour financer les achats (hydrocarbures, matières premières, biens intermédiaires, produits de consommation courante), la création d´emplois, la formation et la recherche et développement », soulignait-il lors d´une conférence du Comité d´études des relations franco-allemandes (Cerfa), organisée en décembre dernier à l´Institut français des relations internationales (Ifri), sur le thème de « l´économie allemande après la crise ».
« L´Allemagne importe le plus où elle exporte aussi le plus », observe René Lasserre. Au demeurant, la France figure parmi les premiers bénéficiaires de la bonne santé économique du pays. D´après la base de données GTA/GTIS, l´Hexagone disposait à fin septembre 2010 de 7,7 % de parts de marché, occupant la troisième place parmi les pays fournisseurs de l´Allemagne, derrière la Chine (9,4 %) et les Pays-Bas (7,8 %). Au total, sur les neuf premiers mois, la patrie de la chancelière Angela Merkel a importé pour 589 milliards d´euros et exporté pour 703 milliards d´euros, dégageant un confortable surplus de 114 milliards d´euros.
La deuxième puissance exportatrice mondiale derrière la Chine (peut-être dépassée par les États-Unis en 2010), malgré un reflux de 1,1 % en octobre 2010, a affiché un bond spectaculaire de 19,8 % de ses ventes extérieures sur les dix premiers mois de 2010. En octobre, ses importations ont légèrement progressé (+ 0,3 %), dépassant de peu son niveau d´octobre 2008.
Mais les exportations ne sont plus tout à fait seules à tirer la croissance. Pour Steffen Kampeter, secrétaire d´État aux Finances allemand, « la croissance économique en 2010 est aussi alimentée par la consommation intérieure ». « Les succès économiques de l´an dernier » ont permis au gouvernement d´adopter « les plus fortes baisses d´impôt depuis 16 ans », précisait-il lors de la réunion de l´Ifri. Preuve, ajoutait-il, un brin malicieux, que « les exportations ne sont pas incompatibles avec une demande interne stable ou forte ». Des propos en tous points semblables à ceux de René Lasserre, qui affirmait, quelques heures avant l´arrivée du ministre, que « le moteur de l´exportation permet petit à petit de remettre en marche le moteur de la demande intérieure ».
Pour le directeur du Cirac, nul doute que la consommation domestique va continuer à croître. Un optimisme que ne semble pas partager Jacques Mistral, le directeur des études économiques de l´Ifri. Il rappelle que « depuis 40 ans, on espère le développement de la consommation intérieure ». Or, dans la pratique, constate-t-il, « la demande interne reste très en arrière de la consommation française ».
René Lasserre a défendu sa position, en soulignant que les salaires ont recommencé à croître cette année, « de 3 % jusqu´à maintenant », a-t-il précisé, et que la consommation domestique « a progressé de 1,5 % ». Outre la baisse des prélèvements obligatoires, il note un recul de 3 % du chômage. Mieux encore, assure le directeur du Cirac, à l´horizon 2015, l´Allemagne devrait connaître le plein emploi.
François Pargny
L´industrie, clé de voûte du système
Le modèle économique de l´Allemagne repose sur une industrie très compétitive hors des frontières nationales, avec des taux d´exportation allant de 40 % pour l´ensemble de la production manufacturière à 50 % pour la machine-outil ou la chimie et à 60 % pour l´automobile. « Le rapport export sur produit intérieur brut était de 41,2 % en 2008, deux salariés sur trois en Allemagne travaillent uniquement pour l´export et la part de marché mondial de ce pays s´élève à 9 %, malgré les économies émergentes comme la Chine et l´Inde », affirme René Lasserre, directeur du Centre d´information et de recherche sur l´Allemagne contemporaine (Cirac).
À long terme, l´exportation serait un « atout fort et durable », car « la demande des pays émergents en biens d´équipement est élevée ». Mais, de toute façon, estime René Lasserre, pour l´Allemagne, « il n´y a pas d´alternative au modèle économique fondé sur l´exportation, en raison du déclin démographique et du vieillissement de la population ».
F. P.