C’est une alliance originale que vient de nouer le spécialiste français du négoce international de certificats environnementaux Aera en ouvrant son capital à hauteur de 35 % à la société panafricaine Arise Industrial Services (Arise IS), permettant au passage aux fondateurs de cette ancienne startup de la finance environnementale, dont Fabrice Le Saché, actuel vice-président et porte-parole du Medef et président de Stratexio, d’empocher la coquette somme de 28,5 millions d’euros.
Arise IS, qui investit dans des parcs industriels en Afrique, est elle-même une coentreprise entre deux grands investisseurs sur le continent : le groupe singapourien Olam International Ltd, un géant de l’agro-industrie coté à la bourse de Singapour (32,0 milliards de dollars de CA en 2019), qui possède des actifs dans le monde entier, dont en Afrique (cacao, café, coton, huile de palme); et Africa Finance Corporation (AFC), une institution financière multilatérale africaine basée au Nigeria, dont la mission est de contribuer au financement d’infrastructures durables sur le continent (8,4 milliards de dollars investis).
« Arise développe des parcs industriels pour accompagner l’industrialisation du continent, nous nous sommes des négociant en certificats environnementaux que nous générons grâce aux projets dans lesquels nous investissons en Afrique : nous savons mesurer l’impact carbone d’une activité, fabriquer des certificats environnementaux garantis par des auditeurs indépendants, corriger ou compenser la production de Co2 », explique Fabrice Le Saché.
« Avec cette alliance, nous surmontons l’opposition entre le développement économique en Afrique et la préservation de l’environnement : nos partenaires vont pouvoir proposer des zones industrielles qui savent mesurer leurs émissions de CO2, et soit les corriger soit les compenser », ajoute le dirigeant.
Accélérer son ambitieux business plan
Un expert français pionnier dans le domaine du marché de la compensation carbone, un agro-industriel asiatique et un investisseur africain dans les infrastructures : l’alliance, via l’arrivée d’Arise IS, est quelque peu inédite.
« C’est l’illustration que les entreprises françaises ayant des savoir-faire pointus et reconnus sur le plan mondial ont la capacité de nouer des partenariats avec des acteurs issus de pays émergents et des acteurs locaux pour créer de la valeur » s’enthousiasme Fabrice Le Saché. Celui-ci ne manque pas d’insister sur le fait que la société Aera restera contrôlée par des investisseurs français et dirigée par ses fondateurs. Elle conservera son siège en France, à Paris.
Cette nouvelle alliance devrait aussi lui permettre d’accélérer son ambitieux business plan : actuellement, avec 39 projets en cours dans 16 pays africains – qui vont d’une centrale solaire au Sénégal, à un programme de fours améliorés en Guinée en passant par un barrage hydroélectrique en Côte d’Ivoire – son stock de certificats d’émissions de CO2 évitées pèse 4 millions de tonnes par an. « Nous souhaitons atteindre les 10 millions de tonnes d’équivalent émissions de CO2 évitées par an, explique Fabrice Le Saché. Et pour cela, nous voulons acquérir de nouveaux projets pour consolider notre portefeuille ».
Une passerelle vers de nouveaux projets et le marché asiatique
Ce métier de trader de certificats environnementaux est nouveau. Aera elle-même – qui s’appelait Ecosur à sa création – est née en 2015. A l’époque, on parlait non pas de certificats environnementaux mais de « crédits carbone ». Elle a contribué à le déployer avec une stratégie novatrice consistant à contracter avec des porteurs de projets performants sur le plan écologique en Afrique pour générer des certificats de réduction de CO2 de façon récurrente, contribuant au passage à financer les projets en question.
Les certificats sont ensuite revendus sur le marché international – principalement en Europe pour Aera – aux industriels qui doivent remplir leurs propres obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En achetant ces certificats – entre 3 et 5 euros la tonne -, ils compensent ces émissions à défaut de les réduire.
Le nerf de la guerre de ce genre de trader qu’est Aera, c’est donc les projets qui remplissent toutes les cases sur le plan écologique, en termes d’énergie propre, de respect de l’environnement, d’émissions de CO2. La société a d’ailleurs diversifié ses lignes de produits pour couvrir les énergies renouvelables, la protection de la biodiversité et l’eau. Elle affiche pour 2020 un chiffre d’affaire net de 5,9 millions d’euros en forte progression sur 2019 (+78 %), pour un bénéfice de 946 455 euros.
Avec l’arrivée d’Arise IS à son capital, Aera va pouvoir avoir accès à des projets nouveaux, qu’elle contribuera à hisser aux meilleurs standards environnementaux. Elle s’ouvre aussi des passerelles vers les projets d’AFC et d’Olam International Ltd en Afrique. Et, par l’intermédiaire de ce dernier, le marché asiatique des certificats environnementaux entre dans sa ligne de mire.
Christine Gilguy