Si le commerce extérieur a subi de plein fouet le choc de la Covid-19, qu’en est-il de l’appareil exportateur français ? Il a plutôt bien résisté, selon le rapport annuel du commerce extérieur de la DG Trésor, publié le 9 février. Mais il faudra sans doute attendre la reprise, attendue au deuxième semestre de cette année, pour voir si le nombre d’exportateurs qui manquent à l’appel augmentent.
La remontée du nombre d’exportateurs, entamée en 2012, était bien partie pour continuer : au premier trimestre 2020, fin mars, alors que le premier confinement venait d’être mis en place, ils ont atteint un pic de 129 685, frôlant les 130 000, selon les données des douanes. C’est encore moins que l’Italie (créditée régulièrement de près de 200 000 exportateurs) ou l’Allemagne (300 000), mais la tendance était positive.
« La crise de la Covid a mis en suspens cette dynamique de croissance » constate le rapport de la DG Trésor, publié peu après la présentation par Franck Riester, le ministre en charge du Commerce extérieur, du bilan du commerce extérieur pour 2020. Pour autant, on n’a pas assisté à un effondrement.
Seulement 1362 exportateurs en moins
Au troisième trimestre 2020, à fin septembre, leur nombre avait chuté à 128 323. « La progression du nombre d’entreprises exportatrices françaises observées en 2018 (+1,2 %) et 2019 (+ 3,1 %) a donc été interrompue par la crise de la Covid » analyse le rapport.
Toutefois, la perte est relativement modeste au regard de l’ampleur du choc de cette crise mondiale. Seulement 1362 exportateurs de moins entre mars et septembre 2020, soit un recul de -1 %. Difficile d’en tirer une conclusion définitive.
D’autant plus que l’une des évolutions positives observées depuis quelques années est l’augmentation du nombre d’entreprises qui s’installent durablement à l’export, depuis 5 ans au moins. Ces opérateurs « réguliers » ont franchi le cap des 60 000 à partir de 2012 et atteignaient le 70 000 en 2019. Une tendance qui « renforce l’appareil exportateur français » estime la DG Trésor.
Le recul manque pour savoir si leur nombre va être affectée par cette crise planétaire.
La forte concentration demeure
En attendant, dans le détail, le rapport de la DG Trésor relève qu’entre octobre 2019 et septembre 2020, soit sur un an, environ 29 000 entreprises se sont engagées à l’international (on les appelle les « entrants ») soit un peu moins que sur l’année 2019 (30 000). A l’inverse, 29 000 se sont désengagées, soit 2000 de plus qu’en 2019 (27 000).
Toutefois on retrouve dans cette masse d’entreprises un peu volatiles qui constituent près de 22 % des exportateurs français, une caractéristique structurelle de l’appareil exportateur français, marquée par un très grand nombre de petites structures de moins de 20 salariés : elles forment 85 % des nouveaux « entrants », contre 8 % pour les 20-250 salariés et le reste (300) pour les plus de 250 salariés.
D’une manière générale, les entreprises de 20 salariés et moins constituent 77 % du nombre d’entreprises exportatrices totales, contre 18 % pour celles entre 20 et 250 salariés – typiquement les PME-, et 3 % pour celles qui comptent plus de 250 salariés, typiquement les ETI et grandes entreprises. Le commerce représente 45 %, l’Industrie 24 %, les services hors commerce 16 % et l’agriculture 11 %.
Cela dit, ces petits opérateurs, malgré leur nombre, pèsent modestement dans les exportations françaises. Le poids des ETI et grandes entreprises de plus de 250 salariés est en effet quasiment inverse à ce qu’elles représentent en nombre : elles cumulent près de 80 % du montant total exporté (428,1 milliards d’euros en 2019).
Le rapport ne dit pas si, en nombre, la France est toujours loin derrière l’Allemagne et l’Italie. Mais le phénomène de concentration des exportations au sein d’un petit nombre de PME, ETI et grandes entreprises est similaire dans ces pays : les plus de 250 salariés concentrent près de 80 % des exportations allemandes, et un peu moins de 50 % des exportations italiennes et espagnoles. Au Royaume-Uni, c’est près de 60 %.
Le plus gros contingent de filiales étrangères au monde
Mais en matière d’internationalisation, la France peut compter sur un autre atout méconnu du grand public : le réseau de filiales à l’étranger que ses entreprises ont tissé.
« Depuis le début des années 2000, les entreprises françaises ont privilégié les investissements plutôt que les exportations pour se développer à l’international » avance la DG Trésor dans son rapport. Des stratégies qui « ont pu affecter la valeur ajoutée produite en France » mais qui, selon elle, « reflétaient une perte de compétitivité, un positionnement en gamme moyen ou encore la prédominance des grandes entreprises ».
En Allemagne, les investissements directs étrangers (IDE) ont davantage suivi une logique de fractionnement des chaînes de production, « en conservant les segments à plus forte valeur ajoutée sur le territoire national ».
En attendant, le résultat est là : les entreprises françaises comptent aujourd’hui 46 488 filiales à l’étranger, le contingent le plus important au monde, selon la DG Trésor. Et la France affiche le 8e stock mondial d’IDE, avec 1364 milliards d’euros fin 2019, et le 4e au niveau européen.
Par secteur, 31 % sont enregistrés dans l’industrie manufacturière, contre 25 % dans la finance et les assurances et 7 % dans l’immobilier.
La crise de la Covid-19 va-t-elle rebattre les cartes des cette orientation stratégique des entreprises françaises ?
Pas facile de répondre car la pandémie n’est pas encore terminée et nul ne sait quand elle sera définitivement endiguée. Mais les risques de rupture de chaînes d’approvisionnement qu’elle a mis en valeur (sur les équipements de protection médicale notamment) pourrait accélérer une tendance au ralentissement des IDE et à une certaine relocalisation déjà constatée avant la pandémie.
Selon la DG Trésor, cela « pourrait conduire certaines entreprises françaises à revoir leur stratégie en développant des capacités locales de production, pour sécuriser leurs approvisionnements ». Dans quelle proportion, et dans quels secteurs ? Il faudra attendre encore attendre quelques mois pour le savoir.
Christine Gilguy
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