La fin du blocus régional pesant sur le Qatar est une bonne nouvelle pour les entreprises françaises opérant au Moyen-Orient, par les perspectives positives qu’elle ouvre dans cet émirat gazier et toute la région du Golfe. Le climat des affaires y était plombé depuis trois ans et demi par ces tensions dans le contexte d’une chute des cours des hydrocarbures et d’un durcissement des relations avec l’Iran.
Pour certains observateurs, cet apaisement est en effet de bon augure alors que Doha doit accueillir en 2022 la prochaine coupe du monde de football et que l’ensemble des pays de la région sont en quête de levier pour relancer leurs économies après la pandémie de Covid-19 et la chute des cours des hydrocarbures.
Le Qatar s’est adapté mais a pâti du blocus
Selon le cabinet d’analyse économique Oxford Economics, si le Qatar s’est bien adapté au blocus en réorganisant ces circuits d’approvisionnement et d’exportation, avec l’appui de ses alliés la Russie et la Turquie, son économie, malgré le pactole gazier, a tout de même pâti de cette rupture diplomatique accompagnée d’une fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes avec l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn.
Par le canal du tourisme d’abord. Ces pays généraient 45 % des quelque 2 millions de visiteurs étrangers qui se rendaient chaque année au Qatar avant le blocus, soutenant le secteur touristique. Leur nombre a chuté de 90 % entre 2017 et 2019, tirant à la baisse le nombre de visiteurs (-40 %).
Par le canal commercial ensuite. On estime que 60 % des importations du Qatar passaient par ces pays voisins, notamment le hub portuaire émirati de Jebel Ali. La nécessité de créer de nouvelles routes commerciales – notamment via la Turquie- et de réorganiser les circuits d’approvisionnement, de même que l’obligation de contourner l’espace aérien interdit, a entraîné des complications et des coûts supplémentaires qui ont nui au pays.
Les secteurs non gaziers, priorité du gouvernement, connaissent une certaine atonie depuis : ils ont connu une modeste croissance de 1,2 % en moyenne entre 2017 et 2019, après avoir connu une récession de – 1 % en 2017. A comparer aux 8,5 % de croissance qu’ils affichaient les trois années précédentes.
Un impact sur l’attractivité de toute la région
Plus largement, ce blocus, intervenu en pleine crise des cours pétroliers, a créé de l’incertitude supplémentaire et plombé l’attractivité de toute la zone.
Selon Oxford Economics, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)* ont globalement diminué de moitié depuis 2009 -seuls les Emirats arabes unis ayant maintenu voire augmenté ces flux.
Le Qatar en a particulièrement souffert : depuis 2017, il a enregistré des désinvestissements nets, malgré un programme de réformes des conditions d’investissements libéral et la présence de zones franches. L’émirat a en effet prévu d’introduire la possibilité pour les investisseurs étrangers de contrôler 100 % du capital d’une société locale et de rapatrier la totalité des bénéfices.
La fin du blocus pourrait donc favoriser un retour à la confiance et, après la crise sanitaire, favoriser une reprise de la croissance et des investissements dont tous ces pays ont grand besoin après l’impact de la Covid-19. Globalement, en 2020, les membres du CCG devraient en effet connaître une forte récession de leur PIB à la suite de la crise sanitaire mondiale. Le FMI table sur -4,5 % pour le Qatar, -5,4 % pour l’Arabie Saoudite, – 4,9 % pour Bahreïn, – 6,6 % pour les EAU, -8,07 % pour le Koweït et – 10 % pour le sultanat d’Oman.
Le Qatar, premier client de la France dans le Golfe
Les entreprises françaises sont bien placées pour tirer leur épingle du jeu dans ce contexte plus favorable.
Les échanges commerciaux entre la France et le Qatar ont été florissants ces dernières années, malgré le blocus, l’émirat devenant le premier client de la France dans cette région avec 3,839 milliards d’euros (Md EUR) exportés en 2019, en progression de 26,75 % sur 2018. Les exportations françaises ont presque doublé en trois ans, avec un bond de 48 % entre 2017 et 2018 et la balance commerciale bilatérale est très largement excédentaire avec + 3,16 Md EUR en 2019.
La diplomatie économique française, portée par Jean-Yves Le Drian dont c’est une zone de prédilection, y a fait merveille en termes de commerce et d’investissement. En témoigne les 12 Md EUR de contrats signés lors de la visite officielle effectuée par Emmanuel Macron les 7-8 décembre 2017, incluant des domaines sensibles comme la Défense (12 Rafale de Dassault supplémentaires vendus à cette occasion, s’ajoutant aux 24 commandés quelques mois plus tôt, ainsi que 490 véhicules blindés de combat d’infanterie de Nexter).
Autre contrat emblématique signé à l’occasion de cette visite officielle, celui, en cours d’exécution aujourd’hui, de l’exploitation et de la maintenance du métro automatique sans conducteur de Doha et du tramway de la ville de nouvelle Lusail, décroché par RKH Qitarat, co-entreprise associant RATP Dev et Keolis (49 %) et côté qatari Hamad Group (51 %). Qatar Airways avait pour sa part confirmé l’achat de 20 nouveaux A 321 et posé une option sur 30 supplémentaires. Enfin, Suez avait signé une grosse affaire de dépollution des sols des lagons d’Al Karaana.
Certaines PME et ETI française ont d’ores et déjà posé des jalons sans attendre : le concepteur d’engin de manutention à propulsion électrique Gaussin vient d’y tester son premier véhicule assemblé au Qatar sous licence par le groupe qatari Al Attiya.
Christine Gilguy
*Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, sultanat d’Oman, Qatar