Le fabricant de dispositifs médicaux n’a pas été longtemps sidéré par la Covid-19 et a poursuivi au contraire son déploiement à l’international, sous l’impulsion de sa dirigeante Elisabeth Ducottet (notre photo) en finalisant l’acquisition de l’entreprise américaine Knit-Rite, négociée en… visioconférence. Thuasne renforce ainsi sa stratégie de développement à l’export via la croissance externe.
L’ETI stéphanoise Thuasne vient de finaliser l’acquisition de l’industriel américain Knit-Rite, spécialiste de la compression médicale et des chaussettes post-amputation. Cette croissance externe place le fabricant français d’orthèses et produits de compression médicale à 270 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 40 % à l’export) avec 2 300 salariés dont la moitié sont basés à l’étranger.
Elle lui permet en outre d’étendre sa gamme et de renforcer ses positions aux États-Unis, marché prioritaire dans son développement. Grâce à cette quatrième acquisition sur place en 10 ans, Thuasne réalisera désormais plus de 50 millions de dollars de chiffre d’affaires aux États-Unis.
Une acquisition en visio
En pleine crise Covid, alors que son activité 2020 a subi un impact de l’ordre de -8 % malgré le lancement de nouveaux produits (masques notamment), Thuasne poursuit ainsi malgré tout son développement à l’international. Mais dans le contexte des restrictions sanitaires en matière de déplacement, négocier cette acquisition a nécessité quelques adaptations de méthode.
« La stratégie de conquête est indispensable dans cet horizon gris. Cette opération a d’ailleurs été accueillie très positivement par nos collaborateurs car elle leur prouve que nous avançons, qu’il n’est pas question de s’arrêter d’avancer », lance Elisabeth Ducottet, dirigeante emblématique depuis 1991 de cette ETI industrielle.
Et de sourire : « c’est la première fois que j’achète une entreprise sans y avoir mis les pieds… La signature s’est faite le 31 décembre dernier, les discussions avaient été entamées quelques mois auparavant. Nous avons des équipes américaines sur place qui ont fait le travail de due diligence par exemple mais, sinon, les contacts et les entretiens se sont faits en visioconférence puisque les voyages ne sont pas possibles. Tout s’est parfaitement déroulé mais il faut bien reconnaître que c’est assez particulier, pour une entreprise comme la nôtre, d’acheter à distance… J’irai dès que possible !».
La dirigeante de Thuasne, ex-présidente du Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire), est désormais rodée à l’exercice. « Avec des filiales partout dans le monde, nous multiplions les visioconférences à longueur de journée. Et finalement, un ‘Teams’ à 180 personnes est parfaitement possible. Cela permet même à des personnes plus timides d’oser prendre la parole ou de poser des questions via les messageries ».
Déploiement à l’export d’une organisation très intégrée
Cette quatrième acquisition aux États-Unis s’inscrit dans la même veine que celle de deux usines allemandes en 1991 et 2008 : il s’agit de faciliter l’implantation locale sur des marchés très réglementés. « L’Allemagne et les États-Unis sont des zones clés de développement pour nous, souligne la dirigeante. Nous visons le même leadership que celui que nous avons en France. Les acquisitions nous permettent d’aller plus vite ».
Car le secteur de la santé a ses spécificités. « Chaque pays a ses réglementations, ses normes, mais aussi ses habitudes de soin. Par exemple, pour les chaussettes de compression, les hauteurs et les niveaux de compression diffèrent, détaille Elisabeth Ducottet. Sur les lombalgies, contrairement à la France, les Américains ont l’habitude de produits plus rigides. Sans compter que nous devons réaliser des essais cliniques. Pour toutes ces raisons, il est difficile de fonctionner avec des distributeurs, comme d’autres industries peuvent le faire sans difficulté ».
Thuasne a donc besoin d’implantations solides, et dans les secteurs clés, d’usines disposant des savoir-faire locaux. Dans ces conditions, l’entreprise privilégie une organisation presque complètement intégrée.
Pour l’Europe, elle dispose ainsi de filiales dans tous les pays européens, avec, sur place, des équipes commerciales, marketing et R&D. Plusieurs usines de fabrication, dont deux en Allemagne et une en Europe de l’Est, viennent compléter le dispositif. « Grâce à nos produits français, américains et allemands, nous sommes désormais en capacité de répondre à la plupart des normes internationales », conclut Elisabeth Ducottet.
Et ce n’est pas fini : la dirigeante ne cache pas tourner à présent son regard avec insistance du côté du Moyen-Orient et de la Chine …
Stéphanie Gallo