Les chiffres peuvent donner le
tournis : 100 milliards de dollars d’investissement en 2012, 120
milliards, selon les prévisions, cette année. L’Irak, dont les exportations de
pétrole ne cessent de croître (2,6 millions de barils par jour (b/j) à l’heure
actuelle, 4,3 millions b/j attendus en 2020 et 6,2 millions en 2025) aurait ainsi
besoin de « 600 milliards au total pour réussir sa reconstruction »,
soulignait Henri Baïssas, directeur général adjoint d’Ubifrance, le 18 juin à
Paris, en introduisant un atelier d’informations sur l’Irak organisé par
l’agence publique.
Aujourd’hui encore, l’Irak
consacre 49 % de son budget à l’investissement. Fin 2012, ses réserves de
change s’élevaient à 70 milliards de dollar, ce qui équivaut à un an
d’importations. Quant au montant de ses réserves de change, il oscille entre 8
et 9 milliards de dollars par mois. Adjoint au chef du Service économique à
Bagdad, François de Charrette distingue ainsi deux marchés principaux :
celui des infrastructures, « qui repose surtout sur la commande publique,
observe-t-il, même si depuis 2003 un secteur privé émerge, principalement au
Kurdistan » ; et un marché de consommation, reflet de l’émergence
d’une classe moyenne.
« Le produit intérieur brut
par habitant a déjà doublé en cinq ans, grâce à l’afflux de revenus pétroliers,
ce qui crée un appel d’air pour des biens de consommation », se félicite
François de Charrette. Or, la croissance de l’économie, qui est rapide, va
encore passer de 8 à 9 % entre 2012 et 2013, alors que l’inflation, qui est
importée, ne dépasse pas 6 %.
Nicole Bricq participera à l’inauguration de la Foire de Bagdad
Avec une part de marché de 2 % et
des exportations de l’ordre de 750 millions et 800 millions d’euros en 2011 et
2012, la France se situe loin derrière les grands pays fournisseurs de l’Irak,
à savoir la Chine et la Turquie. « Il n’y a pas seulement le volume, il y
aussi la volonté stratégique de Pékin. Pensez qu’en Chine nous délivrons 100 à
150 visas par jour à des entreprises chinoises, alors qu’ici à Paris ce chiffre
ne dépasse pas 100 par mois », a lancé, à l’intention des sociétés
françaises réunies par Ubifrance, Fareed Yasseen, ambassadeur d’Irak en France.
Et pourtant, sous la houlette de la société Bureau des
Opérations Internationales (BOI) et d’Ubifrance, des opérations
d’accompagnement sont proposées aux PME tricolores (voir ci-dessous Pour en
savoir plus). « Nicole Bricq , la ministre française du Commerce extérieur, participera, le 10 octobre prochain, à l’inauguration de la Foire
internationale de Bagdad, avant de se rendre sur le Pavillon France », se
félicite Christian Valéry, directeur associé de BOI. Depuis deux ans,
rappelle-t-il aussi, « le Service économique de Bagdad propose d’organiser
des rendez-vous individuels sur le Pavillon France ».
Pour Maurice Iskandar, directeur
international de la SBA à Paris (groupe Banque libano-française/BLF), les
risques sont au nombre de quatre : l’exposition du pays aux fluctuations
des cours pétroliers, la faiblesse des institutions qui retarde la
reconstruction de l’Irak, l’accessibilité limitée aux devises étrangères et
l’instabilité politique et sécuritaire. Les règlementations sont déficientes,
quand elles existent, l’Administration est lente et les coûts d’approche,
devant inclure les dépenses de sécurité, sont particulièrement élevés.
Une solution pour les PME, selon
Pierre Fournol, avocat du cabinet éponyme, serait qu’elles soient domiciliées –
« au moins dans un premier temps » le temps que la structure locale
soit enregistrée auprès du ministère du Commerce – au Centre français d’affaires,
situé en face de l’ambassade de France à Bagdad. « Le coût y est
relativement modique – 2 500 euros par mois – par rapport à la location
d’une villa sécurisée », précise Pierre Fournol.
Nombreuses opportunités : pétrole, électricité, eau, transport, agroalimentaire…
Dans un pays en totale
reconstruction, les opportunités sont multiples. Dans le pétrole, « la
priorité au départ était l’exportation du brut. Maintenant, le gouvernement
développe la pétrochimie dans l’espoir de livrer à l’étranger des produits
raffinés », expose François de Charrette. Dans l’électricité, souligne-t-il
aussi, « alors que budget d’investissement public est de l’ordre de 5,2
milliards de dollars cette année, l’objectif est de porter la capacité actuelle
de 7 000 mégawatts (MW) à 42 000 MW en 2030 en développant la
production, qui était la priorité de départ, et aujourd’hui également la
transmission et la distribution ».
Dans le transport, tous les modes
sont concernés, ce qui ouvre des fenêtres d’opportunités dans la signalisation
ferroviaire comme dans la rénovation des aéroports, l’acquisition de navires
marchands, le balisage, les radars côtiers, ou encore l’élargissement et
l’extension des routes et autoroutes. Dans le secteur routier, un
investissement de 2,1 milliards de dollars sur financement souverain et avec
des prêts de la Banque mondiale et de la Banque islamique de développement
(BID) doit permettre de lancer rapidement des appels d’offres internationaux.
En ce qui concerne les ports,
celui en eaux profondes d’Al-Fao, « qui est amené à devenir le premier
port d’import-export en Irak », selon François de Charrette, comprendra
100 quais au total. Les investissements programmés s’élèvent à six milliards de
dollars et deux digues ont déjà été attribuées pour un montant de 200 à 300
millions de dollars chacune.
Autre secteur intéressant,
notamment parce qu’il a été négligé dans le passé, l’eau-l’assainissement. Une
enveloppe de 700 millions de dollars est ainsi réservée au projet d’eau du
Grand Bassora et 300 millions seront aussi consacrés à l’adduction d’eau
d’Erbil, de Dohouk, d’Halabja et de Souleymaniyeh. Dans la construction, les
entreprises françaises souffrent en matière de prix par rapport à leurs
concurrentes turques, coréennes, chinoises, indiennes, mais François de
Charrette estime qu’elles ont une carte à jouer dans les services (études, conseil,
analyse des appels d’offres…) et les produits à valeur ajoutée pouvant être
offerts dans le cadre de réalisations prestigieuses, comme les bâtiments de la
Banque centrale irakienne, du Parlement et de l’Opéra de Bagdad.
De même, dans l’automobile, il serait
possible de faire pièce à la présence coréenne, chinoise ou iranienne en nouant
des partenariats industriels ou commerciaux avec des entreprises publiques ou
en distribuant avec un partenaire privé. Enfin, dans l’agriculture et
l’agroalimentaire, l’Irak, qui importe 80 % de ses besoins alimentaires, visant
l’autosuffisance, toute une série de possibilités s’offre aux fournisseurs
d’équipements, d’expertise, d’infrastructures (canaux, barrages…), d’animaux
vivants, de semences et d’engrais.
Comment trouver un bon agent
Pour espérer conclure des
affaires, il faut, néanmoins, trouver le bon agent, ce qui n’est pas toujours
évident. Ainsi, « nous avons perdu du temps avec un agent irakien qui
n’était pas intéressé par notre offre de produits très techniques pour le
bâtiment », explique Sébastien Joly, responsable Marketing de Riou Glass. Aujourd’hui,
la PME de l’Hexagone aide une société publique irakienne, dont l’outil de
production de vitrage est cassé, à le moderniser et à installer de nouvelles
lignes de fabrication.
PDG d’Autexier, un spécialiste de
la robinetterie industrielle, Pascale Sebille, qui annonce avoir trouvé la
quasi-totalité de ses clients pendant la Foire de Bagdad, a, pour sa part, pallié
à la difficulté de trouver un bon agent local, en signant un accord avec un professionnel d’Abu Dhabi. « Il connaît très bien l’Irak, mais, s’agissant de la
démarche commerciale auprès des ministères et des pétroliers, je l’assure
moi-même », assume cette femme d’affaires française.
« Il faut vous souvenir que
mon pays a été isolé pendant de très longues années », relativise Mohammed
Kubba (notre photo), directeur général du groupe multisectoriel H.H. Kubba. Ce
qui explique, selon lui, que « si les Irakiens font naturellement
confiance aux investisseurs internationaux, en revanche, il leur faut du temps
pour apprendre à connaître leurs interlocuteurs ». D’autre part,
« comme le secteur privé est encore limité, il faut accepter de transférer
de l’expertise et donc de former les Irakiens, « ce qui est la meilleure
solution pour parvenir à fidéliser les meilleurs ».
Enfin, « il faut parler
arabe », assène sans plaisanter Mohammed Kubba. Les langues étrangères se
sont perdues… « même l’anglais », affirme-t-il.
François Pargny
Pour en savoir plus :
– Foire de Bagdad, Pavillon France du 10
au 15 Octobre 2013
Organisateur : Ubifrance, en
collaboration avec le Bureau des Opérations Internationales (BOI).
Contact à Ubifrance : Jacqueline Huguin
Tél. 01 40 73 37 72
– Les premières Rencontres
« agri-agro, élevage » du 16 au 20 novembre 2013
Mission itinérante (Erbil et Bagdad) de
découverte du marché
Organisateur : BOI, en partenariat avec
le Service économique de l’ambassade en France en Irak.
Contact à BOI : Christopher da Silva
Tél. 01
45 35 48 48
– International Iraq Beauty and Hygiene
Expo, du 11 au 14 décembre 2013 à Erbil
Organisateur ICF, BOI agent exclusif pour la
participation française.
Contact à BOI : Christopher da Silva
Tél. 01
45 35 48 48
– Mission Oil & Gas, dates à définir
en décembre 2013
Mission itinérante (Bassora et Bagdad) de
découverte du marché
Organisateur : BOI
Contact à BOI : Christopher da Silva
Tél. 01
45 35 48 48