Le deuxième Forum France-Corée, qui s´est tenu le 20 janvier à Paris, a été l´occasion de faire un bilan de relations bilatérales déjà excellentes et d´esquisser les opportunités nées de l´accord de libre-échange signé par la Corée du Sud et l´Union européenne l´an dernier.
Côté français, le bilan dressé par les intervenants est en effet encourageant. « La France est devenue l´un des principaux partenaires de la Corée du Sud, se positionnant au 2e rang des pays de l´Union européenne avec un volume commercial à 8 893 milliards de dollars en 2010 », a déclaré Philippe Li, président de la Chambre de commerce et d´industrie franco-coréenne (FKCCI), à l´occasion du deuxième Forum France-Corée organisé le 20 janvier à Paris.
La France est également le seul pays européen à être présent dans tous les secteurs d´activité en Corée : finance, automobile, construction, luxe, tourisme, services, défense… « Elle se place en 4e position parmi les investisseurs étrangers présents en Corée avec plus de 200 sociétés implantées », a indiqué Edouard Champrenault, directeur de la FKCCI. D´après Elisabeth Laurin, ambassadrice de France en Corée du Sud, « 5 000 exportateurs français y travaillent, dont 60 % sont des PME ».
Côté coréen, la volonté de s´ouvrir davantage et de mieux faire connaître ses atouts auprès des Européens est manifeste. Ce petit pays « coincé » entre les deux géants asiatiques que sont la Chine au nord (en survolant la Corée du Nord) et le Japon au sud a bien résisté à la crise mondiale : selon l´ambassadeur sud-coréen en France, Park Heung-Shin, « la croissance coréenne en 2011 devrait atteindre 5 %. » Le diplomate a également expliqué que son gouvernement souhaite, grâce à l´Europe, faire de cette péninsule « le carrefour des échanges commerciaux et fiscaux d´Asie », tout en la rendant moins dépendante des marchés asiatiques et américains. Selon lui, l´Asie est le moteur du dynamisme économique mondial pour sortir de la récession. La Corée du Sud se place en « conquérante » qui ouvre ses marchés autant qu´elle devient offensive.
L´image de cet État a d´ailleurs progressivement changé avec les exemples de success stories mondiales à la coréenne : Samsung Electronics leader sur le marché de la téléphonie mobile et de la télévision en France, Hyundai-Kia classé quatrième constructeur automobile mondial, Séoul hôte du sommet du G20… mais aussi le développement des industriels coréens à l´étranger (contrat sur le nucléaire remporté par le consortium Kepco aux Emirats Arabes Unis face à Areva, grands investissements de STX en Europe), et, surtout, la signature en 2010 d´accords de libre-échange (ALE) avec l´Union européenne d´une part et avec les États-Unis d´autre part. À tel point que pour Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman (qui œuvre pour la construction européenne), l´Europe a trouvé avec la Corée « le meilleur partenaire d´Asie de l´Est ». En tant que onzième puissance économique mondiale et quatrième d´Asie, c´est un acteur de premier plan qui représente une porte d´entrée sur les marchés asiatiques.
Les négociations de l´ALE avec l´Union européenne, lancées en mai 2007, se sont conclues le 6 octobre dernier par une signature et une entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2011. Cet accord commercial est « l´un des plus ambitieux et les plus complets jamais négocié, qui doublera le volume des échanges commerciaux aujourd´hui à 75 milliards d´euros », a estimé Patrick Beaudoin, président du groupe parlementaire d´amitié franco-coréen. Même s´il a suscité, de part et d´autre, de fortes oppositions, notamment dans l´agriculture et l´automobile. L´ALE est, en l´occurrence, vu comme une alternative à la paralysie des négociations à l´OMC. En résumé, il prévoit la suppression des droits de douane pour 97 % des produits échangés entre la Corée et l´UE, et instaure un mécanisme bilatéral de traitement des litiges, laissant 150 jours de délai aux deux parties avant que l´affaire ne soit portée devant l´OMC. Tout en conservant certaines précautions sur la propriété intellectuelle et les normes de travail.
L´accord encadrera les aides à l´exportation avec des clauses de sauvegarde et sécurisera les relations commerciales, ce qui bénéficiera aux PME et les incitera à s´orienter vers le pays du Matin calme.
Selon Philippe Li, cela contribuera à ce que les entreprises d´Europe, notamment du secteur de la santé et de l´agroalimentaire, rencontrent moins de difficultés pour pénétrer le territoire coréen. « C´est un enjeu important pour la compétitivité de nos entreprises », souligne-t-il. Les procédures d´homologation seront simplifiées et les normes européennes devraient être reconnues. Pour certains, à plus long terme, l´ALE Corée-UE pourrait faire tache d´huile en Asie. Jean-Marc Giuliani a ainsi estimé qu´il aurait un « effet domino », incitant des pays voisins de la Corée à s´y rallier : Singapour, la Malaisie, les Philippines et, bien sûr, le Japon, qui est déjà en cours de négociation avec l´UE…
Alix Cauchoix
Une culture de management différente
Selon Frédéric Verbitzky, managing director chez Kia Motors France, la différence culturelle entre les deux nations se retrouve dans le rapport au management. « En France, on est individualiste alors qu´en Corée on a besoin du groupe, a-t-il expliqué lors du Forum France-Corée du 20 janvier. De plus, la ligne de temps est différente, la Corée veut aller vite et a des délais beaucoup moins longs. Les Coréens ont besoin d´une hiérarchie, ils sont persévérants et conquérants ; même une situation d´échec peut être une opportunité. L´influence du confucianisme est d´ailleurs très prégnante dans la culture d´entreprise. »
A. C.
Témoignage : Claire Besançon, Pdg de Création & Image
Claire Besançon, pd-g de Création & Image, PME parisienne réalisant des uniformes de prestige, jouit d´une expérience récente en Corée du Sud, mais plutôt positive. Cette entreprise parisienne, détentrice de la marque Balenciaga Uniformes, habille une clientèle d´entreprises mondiales : Air France, de grands hôtels internationaux ou encore les compagnies aériennes du Moyen-Orient. Implantée depuis dix ans au Japon, Création & Image a suivi les conseils de la Chambre de commerce et d´industrie franco-coréenne (FKCCI) l´incitant à se tourner vers la Corée. « Nous utilisions déjà du tissu coréen et nous connaissions le savoir-faire des créateurs du pays rien qu´en regardant les spectaculaires uniformes de la compagnie Korean Air », indique Claire Besançon. Il y a moins de deux ans, Edouard Champrenault, directeur de la FKCCI, a donc aidé la PME dans cette démarche d´implantation.
Première barrière à surmonter : la langue. « Nous avons rencontré des difficultés car la majorité des Coréens ne parle pas anglais », se souvient la dirigeante. La FKCCI a permis à Création et Image de trouver un interprète et de nouer un partenariat avec des entreprises locales, notamment Seoul Plaza Resort.
« Les Coréens ont apprécié notre grand professionnalisme et ont très vite accroché lorsque nous leur avons présenté nos maquettes, poursuit-elle. Nous avons eu une réponse positive le soir même ! […] Nous-mêmes avons été enthousiasmés par la qualité des contacts, la rigueur et le sérieux des Coréens. Nous y retournons d´ailleurs la semaine prochaine pour deux autres projets. »
A. C.