En matière d’aide à l’export et à l’internationalisation des PME et ETI, l’année 2020 sera à marquer d’une pierre blanche : face aux effets dévastateurs et inédits de la pandémie mondiale de Covid-19, les pouvoirs publics ont déployé un arsenal de mesures pour soutenir les entreprises, incluant le renforcement d’outils existants et la mise en place de nouvelles aides. Leur mise en œuvre est une priorité de l’agenda des opérateurs publics dans le cadre des dispositifs « Team France Export ». Les opérateurs privés ont, pour leur part, déployé des efforts d’adaptation et commencé un mouvement de consolidation. Toutes ces nouveautés sont détaillées dans les différents chapitres de ce numéro spécial. Nous livrons ci-dessous quelques repères pour s’y retrouver.
1/ Les mesures d’urgence du plan de soutien
Face à l’impact des mesures de restriction d’activité partout dans le monde à partir du mois de mars 2020, le gouvernement a déployé en avril un véritable arsenal pour aider les entreprises à tenir, dont les reports de charges, mesures de chômage partiel et prêts garantis par l’état (PGE) ont été les mesures phares en France.
Les aides à l’export ont été également mises à contribution pour s’adapter aux circonstances.
Côté acteurs publics, sous la houlette de la Team France Export, une veille gratuite sur les marchés a été mise en place par Business France via une carte interactive mise à jour quotidiennement et les programmes d’événements pays, de missions de prospection et autres rencontres d’acheteurs ont été massivement digitalisés. Rien qu’au premier semestre, quelque 25 000 entreprises ont suivi en ligne les 180 webinaires mis en place par la Team France Export.
Sur le plan financier, Bpifrance a pris des mesures d’urgence pour s’adapter au contexte de crise : prolongation d’un an des contrats d’assurance prospection en cours ;
hausse de la couverture des cautions de 80 % à 90 % ; extension de 4 à 6 mois du délai de mise en place des crédits de préfinancements export.
Parallèlement, l’État a réactivé et renforcé le dispositif de réassurance pour l’assurance-crédit export court terme Cap Francexport, le dotant de 5 milliards d’euros de capacité et l’ouvrant à tous les pays sans restriction. Objectif :
éviter que les assureurs-crédit privés ne se retirent brutalement de certains marchés comme cela s’était produit lors de la crise économique et financière de 2008-2009.
Repère
Le « guichet unique » Team France Export
La « Team France Export » est le nom du nouveau dispositif de « guichet unique » des aides à l’export en place sur le territoire.
Il repose sur le rapprochement entre les Régions, les CCI, Business France et Bpifrance mais a l’ambition d’être ouvert à des partenariats avec tous les acteurs de l’export, publics et privés.
Il repose sur deux outils numériques : un CRM (logiciel de gestion de la relation client) commun aux CCI et à Business France et un site portail avec des déclinaisons régional www.teamfrance-export.fr.
Cette stratégie a son prolongement à l’étranger, où le gouvernement veut rationaliser l’action des différents opérateurs publics et privés et créer des « correspondants uniques » pour les entreprises exportatrices via un système de référencement.
2/ Des mesures de relance à l’export : « chèques » et assurance prospection accompagnement
Les mesures du plan de soutien restent en vigueur. S’y ajoutent à présent celles mises en œuvre dans le cadre du volet export du plan de relance dévoilé le 3 septembre par le Premier ministre Jean Castex. D’un montant de 247 millions d’euros, ce volet export comprend des mesures applicables dès le 1er octobre et des mesures applicables au 1er janvier 2021 car nécessitant des crédits qui sont votés dans le cadre de la Loi de Finance pour 2021.
• Mesure applicable au 1er octobre : il s’agit du « chèque export » que déploie Business France, qui prendra en charge jusqu’à 50 % des frais de participation à un salon international ou d’achat d’une mission de prospection (individuelle ou collective) un prestataire public ou privé. Les prestataires privés ont été appelés à se faire référencer auprès de Business France dès la mi-septembre.
Objectif : 15 000 prestations subventionnées d’ici fin 2021.
• Mesures applicables au 1er janvier : il s’agit du « chèque V.I.E » et de la nouvelle assurance prospection « accompagnement ».
Le « chèque V.I.E » est une subvention forfaitaire de 5 000 euros pour l’envoi d’un V.I.E (volontaire international en entreprise) avec un effort sur les profils à formation courte ou venant des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cela représente entre 10 % et 20 % du coût moyen annuel d’un V.I.E.
Objectif : financer 3 000 V.I.E d’ici fin 2021.
L’assurance prospection « accompagnement » est un nouveau produit proposé par Bpifrance dédiée aux plus petites entreprises et primo exportateurs. Il s’agira de prendre en charge le coût d’une pres-
tation d’accompagnement fournie par un consultant public ou privé, pour des projets de prospection de plus petit montant dans la limite de 40 000 euros. Comme pour le chèque export, les consultants privés devront au préalable se faire référencer auprès de Bpifrance.
Objectif : 700 à 800 nouveaux dossiers par an.
Enfin, il est à noter que l’enveloppe budgétaire allouée au FASEP (Fonds d’étude et d’aide au secteur privé), dispositif géré par la DG Trésor et destiné à financer par des subventions des études de faisabilité ou des démonstrateurs de projets, a été doublée pour atteindre un montant de 50 millions d’euros.
Repère
Un plan spécial pour sauver l’aéronautique
En souffrance depuis le début de la pandémie en raison de l’effondrement du trafic aérien, l’aéronautique, premier poste à l’exportation de biens (64,2 Md EUR en 2019) bénéficie d’un ambitieux plan de soutien de 15 Md EUR lancé le 9 juin. Il compile aides, investissements, prêts et garanties. Le volet export du plan a instauré un moratoire sur les remboursements des crédits à l’exportation octroyés aux compagnies aériennes, qui pourront reporter ces remboursements de 12 mois à partir de fin mars 2020. Ce plan a été étroitement coordonné avec le Gifas (Groupement des industries aéronautiques et spatiales).
3/ Consolidation des acteurs privés de l’accompagnement
La constitution et le déploiement du dispositif de « guichet unique » Team France Export, dont les quatre piliers sont des organismes publics (Régions, Business France, CCI, Bpifrance) a été l’une des principales nouveautés dans le domaine des dispositifs d’accompagnement à l’export ces deux dernières années. Bien qu’affirmant sa volonté d’ouverture à l’ensemble des organismes publics et privés des métiers de l’accompagnement export, notamment via des partenariats et des systèmes de référencement, cette réforme majeure de l’écosystème public du soutien au commerce extérieur voulue par le gouvernement alors dirigé par Édouard Philippe, a sans aucun doute entraîné un besoin de resserrer les rangs dans le secteur privé de l’accompagnement, lui-même relativement segmenté entre différents organismes.
Parmi les rapprochements notables observés ces derniers mois, un accord de partenariat inédit entre l’OSCI, fédération qui regroupe des sociétés privées spécialisée dans les services d’accompagnement à l’export, et CCI France International, tête de pont des CCI françaises à l’étranger : signé le 20 janvier 2020 à Paris entre ces deux entités jusqu’à présent plutôt rivales, il organise de nouvelles collaborations entre elles.
Autre rapprochement notable : la fusion-absorption de l’Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires), qui fédère 200 PME et ETI du secteur des équipements et intrants de l’agroalimentaire, par Medef International, association d’entreprises indépendantes mais proche du Medef spécialisée dans l’organisation de missions d’entreprises à l’étranger et l’accueil de délégations étrangères.
Medef International, qui héberge également dans ses bureaux l’équipe permanente de l’OSCI, tend ainsi à devenir un des pôles de consolidation du secteur privé de l’accompagnement à l’international. Il rejoint ainsi une entité plus ancienne mais qui accélère le déploiement de ses « clubs » sur le territoire pour promouvoir un coaching personnalisé de chefs d’entreprises sur l’international : Stratexio, association créée par différentes organisations patronales et professionnelles (Medef, Medef international, France Industrie, CCI, CNCCEF, fédérations professionnelles dont l’OSCI…).
Les entrepreneurs n’ont jamais eu autant le choix des compétences à l’export !
Christine Gilguy
Un ministère de plein exercice pour le Commerce extérieur
Ce n’était pas arrivé depuis 2012 et cette recréation a ravi plus d’un observateur de l’ écosystème français de l’export car il témoigne de l’importance accordée aux enjeux de l’internationalisation des entreprises, particulièrement les PME et ETI : le gouvernement Castex annoncé le 6 juillet comporte un ministre du Commerce extérieur de plein exercice au sein du Quai d’Orsay, Franck Riester, dont le portefeuille est certes élargi à l’attractivité mais qui ne comporte plus les multiples thématiques de son prédécesseur. Ce dernier, Jean-Baptiste Lemoyne, n’était en outre que secrétaire d’Etat et jonglait avec des sujets aussi variés que le commerce extérieur, le tourisme, les français de l’étranger ou la coopération. La feuille de route de Franck Riester, qui donne priorité à la relance, est beaucoup plus recentrée et son cabinet plus étoffé, ce qui devrait lui permettre d’être plus efficace et plus visible dans ses actions.
Les PME auront un choix élargi de compétences pour la mise en œuvre
Le volet export du plan de relance a été largement inspiré par les recommandations d’un groupe de réflexion informel dénommé « Solex » (pour Solutions export), composé de représentants de différents organismes publics et privés et présidé par Alain Bentéjac, le président du Comité national des conseillers du commerce extérieur (CNCCEF). S’y sont retrouvés régulièrement, via des audioconférences, des représentants de Business France, Bpifrance, CCI France, des CCEF, de l’OSCI (Fédération des sociétés d’accompagnement et de gestion déléguée de l’export et de négoce), de Medef International, du think tank la Fabrique de l’exportation, notamment. Cette concertation public-privé a abouti à ce que les aides visant à mieux préparer les PME à l’export grâce à du conseil, comme le chèque « export » ou l’assurance prospection accompagnement, pourront couvrir les frais de conseil émanant de prestataires publics ou privés. Une mesure qui devrait permettre aux entrepreneurs de bénéficier d’un choix élargi de compétences.
À ne pas perdre de vue : Direction de la diplomatie économique, DG Trésor, AFD et les autres
• La Direction de la diplomatie économique : c’est le nouveau nom de l’ancienne Direction des entreprises et de l’économie internationale (DEEI) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) – surnommé le Quai d’Orsay –, qui est en charge du Commerce extérieur.
Contact : www.diplomatie.gouv.fr/fr
• La DG Trésor : la Direction générale du Trésor (DG Trésor), rattachée aux ministères de l’Économie et des finances – surnommé Bercy –, est une administration clé puisque son ministère de tutelle participe, avec le MEAE, à la définition des orientations de la politique de commerce extérieur. Elle a la haute main sur les garanties publiques et instruments financiers et est aussi à la tête du réseau des Services économiques à l’étranger. Contact : www.tresor.economie.gouv.fr
– L’Agence française de développement (AFD) : (www.afd.fr), opérateur pivot de la politique d’aide au développement française, elle est incontournable dans les pays en développement (voir chapitre 5). Sa filiale Proparco (http://proparco.fr), spécialisée dans le financement des investissements privés dans les pays en développement et émergents, est déjà un partenaire des entreprises.
– Expertise France : (www.expertisefrance.fr), l’opérateur pivot
de l’assistance technique publique française sur les marchés internationaux, est depuis peu une filiale de l’AFD.