Le Covid-19 n’a pas mis fin aux success stories à l’export. Toutenkamion, spécialiste de la conception et de la fabrication de camions aménagés et d’unités mobiles a livré cet été 10 véhicules au ministère de la Santé saoudien. Un marché que la PME du Loiret convoitait depuis longtemps et qu’il a pu décrocher grâce à un outil peu connu des petites et moyennes entreprises : le rachat de crédit fournisseur proposé par la banque publique Bpifrance.
Des salles de cinéma, des unités médicalisées (salles d’opérations, unités de dons du sang, dispensaires, hôpitaux de campagne etc.), des postes de commandement pour les sapeurs-pompiers, des régies de télévision… Toutenkamion conçoit et fabrique sur mesure tout ce qui peut tenir sur les essieux d’un camion.
Le Moyen-Orient, un débouché clé
Née en 1936 à Ladon, petite commune du Loiret, dans la Région Centre-Val de Loire, où elle est toujours basée, l’entreprise s’est tournée vers l’international dans les années 2000 afin de trouver des relais de croissance. Aujourd’hui elle exporte dans une quarantaine de pays et réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires à l’export, dont une grande part au Moyen-Orient.
La PME s’intéresse depuis 7-8 ans au Moyen-Orient, qui comprend des régions désertiques de faible densité, propices à l’utilisation de ce type de véhicules permettant d’aller aux devants des populations.
Elle a notamment travaillé et travaille encore avec le Koweit, le Qatar, le Pakistan et l’Arabie Saoudite.
Son aventure dans ce dernier pays pour la livraison de 10 unités mobiles de mammographie débute en 2013, avec la signature d’un contrat de distribution avec un distributeur local, Bassam Trading Company, en vue de répondre à l’appel d’offre du ministère de la Santé saoudien. Ce dernier est remporté par une entreprise turque avant d’être annulé. Puis relancé.
Le crédit fournisseur rassure les clients étrangers…
Toutenkamion est à nouveau sur les rangs avec cette fois un nouvel impératif : s’aligner sur les tarifs turcs.
Autre obstacle : les délais de paiement assez longs habituellement pratiqués par le ministère. Ce risque de ne pas être payé ou à des échéances trop longues rebute souvent les entreprises à répondre à des appels d’offres internationaux. Elles préfèrent souvent ne pas répondre alors que leur offre semble tout à fait pertinente. C’est là qu’intervient le crédit fournisseur de Bpifrance.
Concrètement, ce crédit est, dans le cadre d’un contrat commercial, octroyé par un exportateur (en l’occurrence Toutenkamion) à son client (le ministère saoudien), puis racheté par Bpifrance à l’entreprise.
C’est donc la banque publique qui se substitue à l’entreprise exportatrice pour ce qui concerne la créance du client étranger. Ce crédit peut être assorti d’une garantie, également fournie par Bpifrance via sa filiale Bpifrance Assurance Export.
Deux avantages à cet outil : l’entreprise exportatrice préserve sa trésorerie et propose à son client un argument commercial non négligeable. « Céder une créance à un Etat c’est quand même très rare, très différenciant et très rassurant pour le client étranger », souligne Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export de Bpifrance.
… mais difficile à mettre en place pour une PME
En effet, l’échelonnement des remboursements se fait sur 5 ans avec des taux bas (aux alentours de 3,5 %). Ce qui revient à adosser à un contrat commercial une solution de financement solide.
« J’ai mis du temps à m’approprier cet outil pour ne pas faire de promesse de Gascon, mais aujourd’hui je le recommanderais et je suis convaincu que nous allons nous en resservir », témoigne Stéphane Girerd, Pdg de Toutenkamion, qui attend la réponse d’un nouvel appel d’offre saoudien.
Seule ombre au tableau, expliquant en partie pourquoi le crédit fournisseur, en dehors de sa technicalité, reste peu utilisé par les PME : le ticket d’entrée est à un million d’euros.
« A Bpifrance, dans le cas d’un repeat business, c’est-à-dire d’un nouveau contrat sur une même destination ou avec un même client, nous songeons à abaisser ce seuil », dévoile Pedro Novo. Ce serait une solution pour convaincre de nouvelles PME exportatrices désireuses de recourir à cette formule pour sécuriser leurs contrats à l’international.
Sophie Creusillet