La conjoncture mondiale marquée par la chute brutale de la croissance et de la demande sur fond de lutte contre la pandémie de Covid-19 a des airs de catastrophe à court terme pour de nombreux exportateurs. Mais passée la première couche de l’épais brouillard ambiant sur leurs perspectives à court terme, on peut trouver quelques motifs d’être prudemment optimiste sur leur capacité de rebond. Pourquoi sans priver alors que la France, à l’instar de nombreux autres pays, a entamé prudemment le 11 mai sa phase de sortie du confinement après deux mois de mise sous cloche de pans entiers de son économie ?
55 % des PME et ETI ont maintenu leurs opérations export
Premier motif d’optimisme, les derniers chiffres du commerce extérieur méritent que l’on si attarde au-delà du simple constat d’un déficit plombé par le Covid-19 : il n’y a pas eu d’effondrement.
Les exportations de biens ont certes connu une forte chute au premier trimestre par rapport au trimestre précédent, de -7,3 % (à 117,8 milliards d’euros), tirées vers le bas par l’effondrement des ventes de matériels de transport (-19,6 %), dont celles des grandes filières industrielles que son l’aéronautique/spatial ( -25,2 %) et l’automobile (- 13,2 %).
Les matériels de transport pèsent 23,3 % des exportations totales de produits manufacturés, contre 20 % pour les équipements mécaniques, électroniques et informatiques, en recul moins prononcé (-7,4 %), 11,2 % pour l’agroalimentaire, et 45,3 % pour les « autres produits industriels », qui résistent mieux encore (-2,9 %). On le sait, l’aéronautique sera durablement plombée par la profonde crise dans laquelle est entrée le transport aérien avec l’effondrement du tourisme et des voyages.
Mais la chute a été bien moins spectaculaire pour de nombreux autres secteurs : les exportations de produits agricoles ont même progressé de 5 % et celles des produits agroalimentaires se sont maintenues, avec une légère contraction de -0,3 %. Dans la catégorie « autres produits industriels », le secteur pharmaceutique a bien tiré son épingle du jeu, certes grâce à une conjoncture de marché porteuse en raison de la crise sanitaire : ses exportations ont progressé de 13,3 %.
Cela signifie que l’appareil exportateur, s’il a mis un genou à terre, a conservé des capacités d’adaptation. Selon une récente étude menée par Team France Export auprès de PME et ETI exportatrices, 55 % des 2736 dirigeants d’entreprises interrogés à cette occasion ont déclaré avoir maintenu leurs opérations à l’export, malgré de grosses difficultés liées au manque de visibilité à court terme sur l’évolution des marchés et à la désorganisation des chaînes logistiques durant les deux derniers mois.
Le retour à une situation normale mettra du temps mais elle pourra s’appuyer sur un socle d’opérateurs et d’infrastructures qui a tenu bon, sans doute aidé par les mesures de soutien massif mis en œuvre par le gouvernement.
La réflexion sur les nouveaux modèles
Deuxième motif d’optimisme, la réflexion sur les nouveaux modèles d’exportation s’est amplifiée avec le confinement généralisé : comment continuer à prospecter quand les déplacements à l’étranger ne sont pas possibles ? Quelle solution mettre en place pour s’implanter sans envoyer un expatrié qui risquerait une mise en quarantaine ? Comment mieux collaborer avec d’autres opérateurs ?
Exemple emblématique d’agilité pour s’adapter au nouveau contexte : le secteur de l’événementiel professionnel, et plus spécifiquement des conférences marchés et rencontres d’affaires, un des outils pour préparer une prospection ou rechercher des solutions ou des partenaires potentiels.
Alors que les annonces d’annulations et reports de grands salons professionnels internationaux sont tombées en cascade à partir de la première quinzaine de mars – et plus tôt en Chine, alors déjà massivement confinée en raison de l’expansion de l’épidémie de Covid-19 sur son territoire – les agendas se sont remplis de nouveaux rendez-vous virtuels, webinaires et visioconférences, avec des applications comme l’américaine Zoom ou la française Livestorm, le plus souvent interactives, qui ont permis de maintenir les exportateurs en contact avec les marchés à l’étranger.
Certains des 170 webinaires programmés par le dispositif Team France Export ont enregistré jusqu’à 2000 participants. Mais ceux organisés par Bpifrance le Lab sur les questions pratiques de transports et de logistique avec la participation du commissionnaire de transport digital Ovrsea, ont réunis 70 à 80 participants régulièrement. On peut citer également les nombreux rendez-vous organisés pour les entreprises par des cabinets d’avocats, des professionnels de l’accompagnement export comme les sociétés de l’OSCI, Medef international pour ses membres.
Ce mode d’information, d’échanges et de réseautage virtuel va rester, à coup sûr, un outil clé de veille économique, de contact voire de prospection dans les mois qui viennent. Des pratiques telles que l’exportation collaborative, l’externalisation voire le recours à des sociétés de commerce, pourraient connaître un certain essor. Et les acteurs, publics ou privés, qui auront la capacité à mobiliser des réseaux d’expertises dans les pays cibles des entreprises, en propre ou dans le cadre de partenariats ou de collaborations, auront une longueur d’avance à cet égard.
Signe des temps, le premier salon virtuel de l’export, l’International Day Online, est annoncé pour le 25 juin prochain à l’initiative de la société d’accompagnement à l’export toulousaine Expansio, co-fondée et dirigée par Fabrice Benoliel et Sophie Guichard, en partenariat avec le réseau de professionnels de l’accompagnement Globalliance.
Organisé sur une journée avec un programme de webconférences et webinaires pré-enregistrés et de rencontres BtoB le jour même, cet événement est gratuit et ouvert, sur inscription, aux entreprises exportatrices. Les experts de Globalliance ont massivement répondu présent : 75 intervenants de 50 pays sont annoncés.
Imaginé il y a huit mois, bien avant la pandémie, dans le cadre d’une réflexion plus globale des deux dirigeants sur les pratiques de l’export et les apports de la digitalisation, dans un contexte de lutte contre le changement climatique et de nécessité de répondre mieux aux attentes des entreprises clientes, cet événement virtuel tombe à point nommé et l’engouement semble au rendez-vous.
Fabrice Benoliel s’en réjouit : « Nous n’avons pas de limitation sur la plateforme. Notre premier objectif était d’atteindre 3000 inscrits, puis nous sommes passés à 5000. Mais en une semaine, nous avons atteint les 1000 inscrits » nous confiait-il le 5 mai dernier, alors que les inscriptions venaient à peine d’être ouvertes.
Un plan de soutien spécifique pour les exportateurs
Troisième et dernier motif d’optimisme, les entreprises exportatrices, loin d’avoir été oubliées par le plan massif de soutien aux entreprises durant la crise sanitaire, puisqu’elles ont pu bénéficier de l’arsenal de mesures fiscales, sociales et financières (Prêts garantis par l’Etat, Fonds de solidarité) déployé en un temps record sous l’impulsion de Bercy et du Quai d’Orsay, vont pouvoir s’appuyer sur des leviers spécifiques renforcés, mis en œuvre par Business France sur le volet accompagnement, et par Bpifrance et sa filiale Bpifrance Assurance Export, pour le volet financements et garanties export.
Prolongation d’un an de la durée des contrats d’assurance prospection, hausse des quotités garanties en assurance-crédit export moyen terme (à 90 %), mise en place du dispositif de réassurance Cap France Export pour maintenir une capacité d’assurance-crédit export court terme (avec une capacité initiale de 2 milliards d’euros, portée à 5 milliards d’euros en avril) …
Les banques, comme les assureurs-crédits, pourront donc être au rendez-vous lorsqu’il faudra réamorcer la pompe.
De quoi reprendre le fil pour préparer la sortie de crise…
Christine Gilguy