Le brouillard économique se lève pour les entreprises qui opèrent dans l’Union européenne au fur et à mesure que les effets de la pandémie de Covid-19 se stabilisent et qu’approche la phase de déconfinement, mais il n’est pas pour autant lumineux. Pour la première fois depuis le début de cette pandémie en Europe, la Commission européenne a publié, mercredi 6 mai, ses prévisions économiques de printemps.
Sans surprise la récession attendue s’annonce d’une ampleur sans précédent. Rendant d’autant plus nécessaire la mise en place d’un plan de relance de grande ampleur à l’échelle européenne, qui renforcerait les plans nationaux.
Voici un point détaillé.
Une récession profonde avant un rebond partiel en 2021
L’économie de la zone euro devrait connaître une contraction record de -7,7 % cette année et celle de l’UE de -7,4 %. Soit un recul d’environ 9 points par rapport aux précédentes prévisions de la Commission publiées à l’automne dernier.
« L’assouplissement progressif des mesures de confinement qui s’annonce devrait ouvrir la voie à une reprise », indique toutefois l’institution dans un communiqué. En l’absence d’une nouvelle vague de contamination, les économies européennes pourraient donc se redresser de manière vigoureuse.
La Commission européenne table ainsi sur une croissance du PIB de + 6,3 % pour la zone euro et de + 6 % pour l’ensemble de l’Union en 2021.
Mais aucun État membre ne devrait récupérer le terrain perdu d’ici là. « L’investissement restera faible et le marché du travail ne se sera pas complètement redressé », estime l’exécutif à Bruxelles.
Dans le détail, le PIB de la France devrait reculer de -8,2 % cette année avant de remonter à + 7,4% en 2021.
En Grèce, en Espagne et en Italie, les pays de la zone euro les plus touchés par la crise, ces chiffres sont respectivement de -9,7%, -9,4% et de -9,5% en 2020, et de +7,9 %, +7 % et +6,5 % en 2021.
Parmi les pays les mieux lotis, figurent l’Autriche (-5,5% en 2020 et +5 % en 2021), la Finlande (-6,3 % et +3,7 %), l’Allemagne (-6,5 % et +5,9%), les Pays-Bas (-6,8 % et +5%) mais aussi le Portugal (-6,8 % et +5,8%).
Un niveau d’incertitude élevé
La Commission européenne évoque cependant un niveau d’incertitude « exceptionnellement élevé » cette année, ses prévisions étant fondées sur une série d’hypothèses relatives à l’évolution de la pandémie et des mesures de confinement qu’elle génère.
Le scénario de référence défini par l’exécutif table sur une levée progressive de ces mesures de confinement dans le courant du mois de mai.
Mais si la crise devait se révéler plus grave et plus longue, « le PIB pourrait enregistrer une baisse bien plus forte que celle pronostiquée dans le scénario de référence de ces prévisions », explique-t-on à Bruxelles.
D’où la nécessité d’un plan de soutien commun et massif pour « relancer de manière sûre notre activité économique et à lui permettre de rebondir », a indiqué Valdis Dombrovskis, le vice-président exécutif pour une économie au service des personnes.
Creusement des inégalités au sein de l’UE
L’élaboration d’une réponse commune de grande ampleur est également jugée nécessaire pour éviter le creusement des inégalités entre les pays du bloc.
Car si la crise représente un choc symétrique – tous les pays devraient en effet subir une profonde récession cette année en même temps -, les États membres ne seront pas logés à la même enseigne quand il s’agira d’amorcer la relance de l’activité économique. En particulier les pays du sud très dépendants du secteur du tourisme, l’un des plus touchés par la crise et dont la reprise reste encore très incertaine à ce stade. C’est une des raisons pour lesquelles la Commission planche avec les Vingt-sept sur un plan de relance du tourisme à l’échelle européenne.
« De telles divergences constituent une menace pour le marché unique et la zone euro, mais une action commune et décisive au niveau européen peut permettre de l’atténuer. Nous devons nous montrer à la hauteur de ce défi », a insisté Paolo Gentiloni, le Commissaire en charge de l’ Économie.
Ursula Von der Leyen, la Présidente de l’exécutif européen, doit présenter d’ici à la fin du mois les contours et le montant du futur plan de relance ainsi qu’un projet de budget européen modifié pour la période 2021-2027.
Chômage en hausse
Autre effet collatéral de la crise, l’augmentation massive du taux de chômage sur l’ensemble du continent. Dans la zone euro, il atteindrait 9,6 % à la fin de l’année, en hausse de deux points par rapport à fin 2019.
Le taux de chômage franchirait ainsi la barre des 10 % en France, contre 8,5 % à fin 2019. En Allemagne, ce taux passerait de 3,2 à 4 %. Et dans les pays les plus touchés, soit en Grèce et en Espagne, il pourrait s’envoler, d’ici fin 2020, à respectivement 19,9 % et 18,9 %.
Les perspectives pour 2021 sont certes meilleures mais ne permettront pas de retrouver les performances enregistrées l’an passé. En France, par exemple, le taux de chômage devrait repasser sous la barre des 10 % l’an prochain, avec un taux estimé à 9,7%.
Une fois encore, certains États membres risquent d’être bien plus durement touchés que d’autres sur le terrain de l’emploi. « Ceux qui comptent un pourcentage élevé de travailleurs sous contrat de courte durée ainsi que ceux dont une forte proportion de la main-d’œuvre dépend du tourisme sont particulièrement vulnérables », reconnaît la Commission. Au même titre que les jeunes en recherche de leur premier emploi.
Dettes et déficit s’envolent
Les mesures budgétaires décidées pour limiter les conséquences économiques causées par la pandémie devraient entraîner une hausse des dépenses publiques partout en Europe, ce qui ne fut pas le cas au lendemain de la crise financière.
Dans la zone euro, le déficit public pourrait ainsi bondir d’à peine 0,6 % du PIB en 2019, à 8,5 % cette année puis retomber à 3,5 % du PIB fin 2021.
Avec un déficit estimé à 9,9 % du PIB en 2020, la France figure parmi les pires élèves de la classe européenne. Seuls l’Espagne (10,1%) et l’Italie (11,1%) enregistrent des taux plus élevés. Mais l’Allemagne, traditionnellement bon élève, connaîtra elle aussi, un déficit largement au-dessus des taux autorisés par le pacte de stabilité (3 %) avec 7 % en 2020, contre 1,4% l’an passé.
Après une tendance à la baisse depuis 2014, le ratio dette publique/PIB va lui aussi augmenter pour passer de 86 % à 102,7 % cette année.
Une fois encore la France se situe au-dessus de cette moyenne avec une dette estimée à 116,5 % du PIB, contre 75,6 % pour l’Allemagne et 62,1% pour les Pays-Bas. La Grèce s’approcherait d’un volume de dette équivalent à 200 % de PIB, avec un taux de 196 % contre 176,6 % à fin 2019. L’Italie verrait aussi sa dette publique augmenter dangereusement : 158 % contre 134%.
Une inflation en chute libre
La baisse de la demande et la chute brutale des prix du pétrole devraient provoquer une forte diminution des prix à la consommation. En conséquence, l’inflation, au sein de la zone euro, pourraient passer de 1,2 % en 2019, à 0,2 % cette année avant de remonter à 1,1% fin 2021.
En France l’inflation prévue à 0,4 % est légèrement supérieure à la moyenne. Elle pourrait remonter à 0,9 % l’an prochain selon les estimations de la Commission européenne.
Ces prévisions tombent donc à point nommé au moment où la Commission européenne et les Vingt-sept cherchent un accord sur les contours et l’ampleur du plan de relance européen.
A suivre…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour en savoir plus : les documents mis en ligne par la Commission européenne peuvent être téléchargés depuis ce site : https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-performance-and-forecasts/economic-forecasts/spring-2020-economic-forecast_en