Brexit or not Brexit ? L’expansion de la pandémie Covid-19 dans l’Union européenne (UE) semble avoir relégué au second plan les négociations pour l’après-Brexit de sorte que les spéculations vont bon train sur leur prolongation alors que le calendrier a été bouleversé.
Michel Barnier et David Frost, les négociateurs en chef du Brexit côté européen et britannique, qui ont tout deux été diagnostiqués positifs au nouveau coronavirus, s’entretiendront la semaine prochaine pour discuter du calendrier des négociations, a annoncé la Commission ce mardi 7 avril. Aucune date précise n’a toutefois été fixée à ce stade.
Et le mystère continue de planer quant à la détermination du gouvernement britannique, privé depuis peu de son Premier ministre, à refuser toute prolongation des discussions au-delà de la période de transition qui doit s’achever le 31 décembre prochain.
Des négociations au point mort
Initiées début mars dans un climat houleux, les négociations post-Brexit – destinées à définir les contours de la future relation commerciale entre l’UE et le Royaume-Uni – sont aujourd’hui au point mort.
L’irruption du coronavirus a grippé la machine en atteignant directement les principaux chefs d’orchestre de ces pourparlers. Le 19 mars, Michel Barnier révélait être contaminé par le virus. Le lendemain David Frost annonçait à son tour l’apparition des premiers symptômes.
Résultat, une seule table ronde s’est tenue à Bruxelles depuis le lancement des discussions. La seconde réunion, programmée le 20 mars à Londres, a été annulée.
L’hospitalisation du premier ministre Boris Johnson, admis depuis lundi 6 avril en soins attentifs dans un hôpital de Londres, et son remplacement à la tête du gouvernement par Dominic Raab, le ministre des Affaires étrangères, Brexiter de la première heure, laissent planer de sérieux doutes sur les prochaines étapes du processus.
Pour respecter le calendrier déjà très serré, trois sessions de négociation entre Londres et Bruxelles auraient déjà dû avoir lieu. En raison du confinement, les pourparlers sur la relation future n’ont, de facto, pas réellement commencé, à l’exception d’un échange de documents juridiques et de discussions informelles par vidéo-conférence.
C’est à Londres de faire la demande avant le 1er juillet
Compte tenu des circonstances exceptionnelles, le doute s’installe.
« Je ne vois pas comment le gouvernement britannique pourrait choisir de s’exposer à la fois au Coronavirus et à la sortie du marché unique de l’UE, ce qui ne fera qu’ajouter à la perturbation, accord ou pas accord. Je ne peux qu’espérer que le bon sens et la substance l’emporteront sur l’idéologie. Une prolongation de la période de transition est la seule chose responsable à faire », estime Christophe Hansen, eurodéputé conservateur (PPE) et négociateur des relations post-Brexit au sein de la Commission de commerce international (INTA) du Parlement européen.
Un appel relayé par la Commission européenne qui mise elle aussi sur une prolongation des négociations au-delà du 31 décembre 2020. Mais la décision « devra être demandée par Londres avant le 1er juillet », souligne un négociateur à Bruxelles.
Incertitudes côté britannique : les Brexiters durs inquiets
Côté britannique, silence radio, le gouvernement continue à traîner des pieds.
Les lourds dégâts infligés à l’économie du pays par le nouveau coronavirus ont fait passer le Brexit au second rang des priorités. Et si le gouvernement a récemment répété qu’il refuserait toute prolongation des négociations, l’ampleur qu’a pris la crise sanitaire pourrait faire flancher sa détermination.
Une perspective qui inquiète d’ailleurs les Brexiters durs au sein du parti conservateur. « La dernière chose dont nous avons besoin est de rallumer les vieilles querelles du Brexit », a commenté le député tory Mark François. Avec ses collègues les plus europhobes, il redoute les tirs croisés de la Commission et des modérés de la majorité pour faire dérailler le largage des amarres prévu à la fin de cette année.
Empêtré dans la crise sanitaire, le gouvernement britannique pourrait aussi « plier sous la pression des milieux des affaires », analyse l’élu conservateur. Une longue absence de Boris Johnson risque elle aussi de compliquer la donne.
Enfin, l’arrivée d’un nouveau chef à la tête du parti travailliste, Keir Starmer, accentue également les craintes des Brexiters durs. Décrit comme l’anti-Corbyn, cet urbain modéré est surtout un opposant au divorce avec l’UE, favorable à l’organisation d’un deuxième référendum.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles