La France ne peut être passive face aux conséquences économiques de l’expansion du coronavirus en Chine et en Asie sur de multiples secteurs, du tourisme aux voyages en passant par l’industrie ou l’agroalimentaire. Bercy a ainsi promis des mesures d’accompagnement des TPE, PME et ETI, après à une réunion tenue, le 21 février au matin, avec l’ensemble des organisations, fédérations patronales ou professionnelles, et des comités stratégiques de filières (automobile, santé, chimie matériaux, construction, mode & luxe…).
Pour mémoire, 76 775 cas d’infection par le nouveau coronavirus et 2 248 décès ont été recensés en Chine continentale depuis son émergence en décembre à Wuhan, capitale de la province de Hubei.
Annoncées à l’issue de la réunion par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, en présence de sa secrétaire d’État, Agnès Pannier-Runacher (notre photo), ces mesures immédiates vont porter sur la trésorerie, l’information, les procédures d’agrément pour certaines filières et la pérennité des entreprises frappées par les conséquences de l’épidémie.
De façon détaillée, pour soulager la trésorerie des sociétés, le mécanisme mis en place lors des manifestations des « gilets jaunes » et les mouvements de grève est réactivité sous forme d’appui au chômage partiel et de dérogations au système d’heures supplémentaires.
Le rôle de la Direction générale des entreprises
S’y ajoute l’étalement des charges fiscales et sociales pour lesquelles « les entreprises doivent saisir la direction générale des Entreprises » si elles veulent bénéficier du dispositif, a précisé, Agnès Pannier-Runacher.
Au passage, Bruno Le Maire a indiqué qu’il était demandé aux donneurs d’ordre de faire preuve de « compréhension » et de « solidarité », notamment dans le luxe, la mode et l’automobile vis-à-vis des sous-traitants de deuxième et troisième rangs, « notamment pour les pénalités de retard ».
Deuxième mesure, l’information pour laquelle le Service économique à Pékin est mis à contribution. A lui de renseigner quotidiennement les acteurs économiques et de la logistique de la situation dans toutes les provinces chinoises et les grands ports.
Troisième mesure immédiate, l’amélioration des procédures d’agrément dans la construction et la chimie pour les sources d’approvisionnement.
Quatrième mesure d’urgence, pour éviter le pire, il s’agit « de saisir les juristes pour étudier la possibilité que des cas spécifiques » soient considérés comme « des cas de force majeure » quand les entreprises ne peuvent pas remplir toutes leurs obligations.
Défendre la zone euro et la viticulture française
Le 21 février, Bruno Le Maire s’adressait à la presse, avant son départ à Riyad, en Arabie saoudite, où, les 22 et 23 février, vont se retrouver les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G20, à l’exception notable de leurs homologue chinois. Le coronavirus sera au centre des discussions portant sur la croissance mondiale.
Pour sa part, Bruno Le Maire a réitéré sa prévision d’une réduction de 0,1 point du PIB pour l’économie française, « estimation réaliste à l’heure où je vous parle », étant entendu que cette évaluation devrait être revue en fonction de la persistance ou non de l’épidémie et du redémarrage plus ou moins rapide de l’activité dans les ports ou aéroports.
Le ministre de l’Économie et des finances a affirmé qu’il plaiderait à Riyad, comme il l’a déjà fait au sein de l’Eurogroupe, pour « que les 19 États membres de la zone euro ne restent pas inactifs » pour relancer l’activité.
« Surtout avec la crise sanitaire, on ne peut pas se contenter de 1 à 1,1 % en moyenne de croissance économique dans les années qui viennent dans la zone euro. C’est insuffisant », a martelé le ministre français.
L’ancien ministre de l’Agriculture de Nicolas Sarkozy (juin 2009-mai 2012), a aussi indiqué qu’il se rendrait au Salon de l’agriculture (22 février-1er mars) pour rencontrer les viticulteurs. « Un fonds d’indemnisation a été demandé par le président de la République », a-t-il souligné, ce qui devrait ravir les exportateurs tricolores qui, non seulement sont touchées par les nouvelles taxes américaines de 25 % dans le cadre du dossier Airbus, mais aussi sont confrontées en Chine, leur deuxième marché après les États-Unis, « à des difficultés d’accès et à des commandes moindres » en raison du coronavirus.
Mettre en place une stratégie d’approvisionnement à long terme
A Paris, les participants à la réunion du 21 février sont aussi convenus de mener une réflexion à long terme sur « la vulnérabilité » de la France au chocs externes en matière d’approvisionnement.
Certaines filières doivent absolument être considérées comme stratégiques. C’est cette démarche qui aurait déjà permis dans l’automobile à l’Allemagne et la France, pour ne pas dépendre la Chine ou de l’Asie, de se rapprocher avec la création en France et en Europe d’une filière de la batterie électrique.
Ce qui est vrai de l’automobile l’est aussi de la santé où la France serait trop dépendante de la Chine pour les principes actifs entrant dans la composition de nombreux médicaments. Dans les jours à venir, à la suite d’une mission confiée par le Premier ministre à Jacques Biot, l’ancien président de l’École polytechnique devrait rendre ses conclusions sur les causes profondes de pénurie de certains médicaments dans l’Hexagone.
Interrogé par Le Moci sur l’intervention éventuelle de Bpifrance dans le dispositif d’appui aux sociétés touchées par les conséquences de la crise sanitaire, Agnès Pannier-Runacher a rappelé qu’un plan d’accompagnement était déjà en place depuis le 2 décembre dernier dans l’automobile.
De façon concrète, la banque publique d’investissement a été chargée de mettre en place un fonds pour garantir des prêts ou accorder des facilités de trésorerie. La garantie pourrait porter sur 70 % des financements bancaires pour certaines PME. L’objectif est donc aujourd’hui d’accélérer le fonctionnement de ce mécanisme, en raison la crise sanitaire en Chine.
François Pargny