Le Brexit n’a pas que des conséquences économiques et commerciales pour l’Union européenne (UE). Il a aussi d’ores et déjà des conséquences sur les rapports de forces au sein des différentes instances de gouvernance du bloc européen à Bruxelles entre les « libre-échangistes » et les partisans de la « réciprocité », affaiblissant les premiers tout en générant de nouvelles alliances. Avec quel impact sur les orientations de L’UE ? Un point s’impose.
La « nouvelle ligue hanséatique »
C’est un fait : le départ du Royaume-Uni de l’UE modifie les rapports de force au sein du Conseil, l’organe de représentation des États membres à Bruxelles.
Une aubaine, peut-être, pour les partisans d’une intégration plus poussée, souvent bloqués dans leur élan par le passé par le refus des Britanniques d’accorder plus de prérogatives à l’UE. Quant aux États plus souverainistes, ils perdent un allié de taille dans des négociations généralement dominées par le poids de l’axe franco-allemand.
Même constat dans la sphère commerciale. Si le départ du Royaume-Uni profite déjà à des pays qui, comme la France, prône une plus grande réciprocité dans les échanges et une Europe qui protège, il affaiblit le camp « libre-échangiste », qui perd ainsi son traditionnel chef de file.
Les Pays-Bas, la Suède et le Danemark font partie de ce groupe. Avec l’Irlande et les pays baltes, ils forment la « nouvelle ligue hanséatique ». Mais même ensemble, ils ne disposent pas d’une minorité de blocage, qui nécessite au moins quatre États membres représentant 35% de la population de l’UE.
La résurgence du protectionnisme, autre facteur
Après avoir façonné pendant deux décennies la politique commerciale de l’UE, ces pays voient donc, aujourd’hui, leur influence s’étioler sur la scène européenne. Mais le Brexit n’est pas le seul facteur à l’origine de ce changement.
Dans un contexte international marqué par une résurgence du protectionnisme, la Commission – longtemps acquise aux thèses libérales – s’est elle aussi fait l’apôtre d’une Europe plus protectrice.
Tout en multipliant les négociations de libre-échange, l’ex-président de l’exécutif, Jean-Claude Juncker, a ainsi proposé de renforcer l’arsenal de défense commercial de l’UE ou, plus tard, d’établir une surveillance plus étroite des investissements étrangers dans les secteurs européens jugés stratégiques. Objectif ? Doter l’Union des outils nécessaires pour lutter contre les pratiques déloyales de certains pays tiers.
Déjà sur le départ à l’époque, les Britanniques ont laissé faire. Au même moment, la France est revenue dans la course. « L’élection d’Emmanuel Macron a beaucoup contribué, aussi, à promouvoir cette idée d’une Europe plus offensive, moins naïve, ce qui aurait été impensable quelques années plus tôt », analyse un ex-conseiller de Jean-Claude Juncker, expert des questions commerciales.
« Au sein du Conseil Commerce, les rapports de force ont changé et de nouvelles alliances voient le jour », constate cette même source.
La Suède à la manœuvre
Sous l’impulsion de la Suède, le camp libre-échangiste pourrait ainsi bientôt repasser à l’offensive. Mardi 18 janvier, Anna Hallberg, la ministre suédoise du Commerce, a ainsi réuni à Stockholm ses homologues danois, allemand, finlandais, néerlandais et tchèque.
Si officiellement, cette rencontre avait pour but de préparer la prochaine conférence ministérielle de l’OMC, elle visait surtout à resserrer les rangs après le départ des Britanniques, « et encourager des pays aux vues similaires à prendre une position plus claire en faveur du libre-échange », confiait un diplomate suédois à Bruxelles.
A terme il s’agira de peser sur plusieurs projets de législations dans les tuyaux de la Commission, comme la nouvelle stratégie industrielle de l’UE. Et d’organiser la riposte face au groupe de pays menés par la France, qui pressent l’exécutif de durcir encore l’arsenal de défense commerciale ou d’assouplir les règles de concurrence afin de créer des champions européens capables de rivaliser avec la Chine.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles