Le regain d’optimisme des investisseurs américains vis-à-vis de la France, déjà constaté par les annonces d’investissements étrangers faites lors du dernier sommet Choose France à Versailles, se confirme. C’est ce que révèle le dernier baromètre sur le moral des investisseurs américains en France, réalisé par la Chambre de commerce américaine en France (AmCham) et le cabinet de conseil en stratégie américain Bain & Company.
« Ce baromètre est très attendu », a déclaré d’entrée Stéphanie Barreau, présidente de l’AmCham France, lors de la présentation des résultats le 6 février à Paris. Car « c’est un baromètre très significatif », a indiqué pour sa part Marc-André Kamel, vice-président de l’AmCham France et associé chez Bain & Company.
Le baromètre, dont c’est la 20ème édition, a été mené auprès des dirigeants de 135 filiales françaises de groupes américains issues de différents secteurs d’activité (transport et logistique, industrie pharmaceutique, informatique, banque et assurance, études et conseil…). « Les réponses ont été recueillies entre décembre 2019 et janvier 2020, au plus fort de la contestation sociale », a livré Marc-André Kamel.
Le niveau d’optimisme des investisseurs américains remonte
Malgré un climat social perturbé par les mouvements sociaux ayant émaillé la fin d’année, les investisseurs sont confiants quant à l’évolution du contexte économique français (loi Pacte, réformes fiscales du gouvernement pour les entreprises…). Ainsi, 41 % des dirigeants interrogés estiment que le contexte économique de la France évoluera positivement pour leur secteur d’activité dans les deux à trois années à venir, contre 30 % dans la précédente édition du baromètre.
Ce regain d’optimisme se traduit par des perspectives positives de création d’emplois. Ainsi, 51 % des entreprises américaines en France interrogées déclarent que leurs effectifs augmenteront d’ici 2 ou 3 ans, contre 42 % en 2018.
La France consolide par ailleurs sa place de destination d’investissement attractive en Europe pour les Américains. Ainsi, 55 % des investisseurs affirment que leur maison-mère a une « bonne » perception du pays en comparaison avec d’autres destinations, contre 50 % dans le précédent baromètre. En 2014, seules 10 % des maisons-mères des filiales implantées dans l’Hexagone en avaient une « bonne » perception. « Il y a une augmentation continue depuis six ans de la perception de la France », observe Marc-André Kamel.
Néanmoins, les Pays-Bas, l’Irlande et le Royaume-Uni demeurent les principaux concurrents de la France, en tant que destination d’investissement, sur le critère coûts et fiscalité.
La qualification de la main-d’œuvre, un critère prédominant
La qualification de la main-d’œuvre, la sécurité juridique et le contexte économique sont perçus comme les trois principaux critères pour investir. Les entreprises américaines accordent de l’importance à ces trois facteurs dans leurs décisions d’investissement.
À cet égard, la qualification de la main-d’œuvre est pour 99 % des groupes américains investissant en France un enjeu « important » tout comme sa disponibilité et son coût pour 96 % d’entre eux. En outre, la perception de l’écosystème d’innovation français, auprès des investisseurs, est très bonne, et s’explique notamment par la qualification de la main- d’œuvre (ingénieurs, développeurs…). Ainsi, 93 % des dirigeants interrogés ont une perception positive de l’écosystème de l’innovation en France.
Qualité de vie, service de santé, infrastructures… principaux atouts
L’environnement culturel de l’Hexagone est identifié comme un atout par 77 % des investisseurs ainsi que sa localisation géographique (76 %). « On est la porte d’entrée de l’Europe pour les Américains », a glissé le vice-président d’AmCham France. Viennent ensuite dans le Top 5 la qualité de vie (72 %), la R&D (65 %) et la qualification de la main-d’œuvre (64 %).
En outre, la qualité de vie et la culture locale, le système social (accès aux services de santé) et la qualité des infrastructures de transport et de communication restent les principaux atouts de la France. Ces facteurs sont même des « stimulants » de l’attractivité de la France pour des collaborateurs étrangers. Néanmoins, des facteurs « irritants » demeurent.
Malgré ces atouts, la France a encore des chantiers prioritaires à mettre en œuvre pour améliorer son attractivité. Car des freins structurels subsistent parmi lesquels le coût et la souplesse du travail, les licenciements, les procédures administratives et la fiscalité. « La fiscalité des salariés et le climat social restent des facteurs irritants pour les investisseurs américains », a assuré Marc-André Kamel.
Le rythme des réformes est jugé globalement « bon »
Les investisseurs « applaudissent le rythme des réformes », a indiqué Marc-André Kamel. Le rythme des réformes du gouvernement est jugé globalement conforme aux attentes par une forte majorité de répondants (59 %). De plus, 36 % jugent que le rythme des réformes du gouvernement s’est accéléré par rapport au début du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron.
La perception de l’effet des réformes du gouvernement sur l’attractivité économique de la France est demeurée largement positive en 2019.
Les investisseurs sont vigilants face au climat social français
Reste que les investisseurs sont majoritairement inquiets de l’évolution du climat social. Ainsi, leur sentiment de confiance dans l’évolution du contexte économique français, s’accompagne d’une grande vigilance vis-à-vis du contexte social. « La France est un pays réformateur », a exposé Stéphanie Barreau, soulevant le paradoxe de la situation. Les investisseurs américains (86 %) estiment positif l’impact des réformes conduites par le gouvernement mais sont largement inquiets de l’évolution du climat social. « Le climat social est une preuve que nous réformons », a souligné la présidente d’AmCham France.
Néanmoins, l’impact des grèves contre la réforme des retraites sur l’attractivité de la France est plus nuancé. Ainsi, pour 66 % des dirigeants de filiales interrogés, les mouvements sociaux de 2019 ont impacté « marginalement » la vision de l’attractivité de la France par leur siège, contre 29 % qui ont répondu « significativement ».
Pour inscrire dans la durée le regain d’attractivité observé depuis 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron, l’AmCham recommande la mise en place de trois mesures concrètes :
– Renforcer la compétitivité fiscale. La France doit tenir les engagements de baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) – de 33,3 % à 25 % en 2022, à la fin du quinquennat – et engager une baisse des impôts de production pour recréer les conditions permettant à la France d’être à nouveau compétitif sur le plan fiscal par rapport à ses voisins européens.
– Moderniser son marché du travail afin d’en faire un avantage compétitif en continuant à réduire les charges sociales et en donnant une flexibilité accrue aux entreprises pour les inciter à embaucher.
– Amplifier et diffuser l’effort d’innovation dans l’ensemble des régions, en décentralisant l’effort pour démultiplier les investissements étrangers sur le territoire et en faire un levier pour renforcer l’attractivité des régions.
Aux yeux des Américains, le pays a donc toutes les cartes en main pour consolider et renforcer son attractivité aux yeux des investisseurs américains.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consulter le baromètre annuel de l’AmCham et de Bain & Company sur le moral des investisseurs américains en France en PDF ci-dessous