La violation des droits de propriété intellectuelle (DPI) à l’échelle mondiale reste préoccupante souligne la plus récente édition du rapport consacré à la protection et au respect des DPI dans les pays tiers, publié le 9 janvier dernier par la Commission européenne*. Plusieurs pays sont pointés nommément. Résultat : des milliers d’emplois sont menacés et les entreprises européennes doivent subir des pertes de recettes estimées à plusieurs milliards d’euros.
« Jusqu’à 82 % de l’ensemble des exportations de l’UE [Union européenne] proviennent de secteurs qui dépendent de la propriété intellectuelle » a averti Phil Hogan, le commissaire au Commerce, soulignant toutefois l’engagement de l’exécutif à Bruxelles pour rendre le système plus robuste. « Les informations recueillies dans le rapport nous permettront de continuer à améliorer l’efficacité de la protection des entreprises et des travailleurs de l’UE contre les atteintes à la propriété intellectuelle ».
Les pratiques et défaillances chinoises, en tête des préoccupations
Le document distingue trois groupes de pays sur lesquels l’UE devra concentrer son action.
En haut de la liste, sans surprise, la Chine où la faible protection des secrets commerciaux et le vol de propriété intellectuelle continuent de causer « un préjudice irréparable aux firmes européennes ». C’est le seul pays classé de « priorité 1 » car il suscite « le plus grand niveau de préoccupation pour les entreprises européennes ».
Autre problème « systémique », listé dans le rapport : les transferts de technologies forcés, imposés en échange d’un accès au marché, aux investissements ou d’approbations réglementaires. « Ces pratiques découragent l’investissement et exposent les opérateurs étrangers – en particulier dans les secteurs de haute technologie – au risque de perdre leur avantage concurrentiel », souligne le document.
Les failles du système de protection chinois facilitent également l’exportation de produits contrefaits au sein de l’UE, lésant à la fois les fabricants légitimes tout en posant de graves problèmes de sécurité et/ou de santé publique.
L’exemple du secteur pharmaceutique est de ce point de vue le plus révélateur. Selon l’office de l’UE pour la propriété intellectuelle (EUIPO), les entreprises européennes auraient ainsi perdu 3,6 % de leurs ventes, en moyenne, soit 9,6 milliards d’euros par an entre 2012 et 2016, en raison de la contrefaçon de médicaments. Plus de 80 % des marchandises contrefaites, saisies par les douanes européennes, sont « originaires de Chine et de Hong Kong », précise la Commission.
Les pays en « priorité 2 » et « priorité 3 »
La Chine n’est pas l’unique partenaire de l’UE listé dans le rapport. En « priorité 2 » figurent l’Inde, l’Indonésie, la Russie, la Turquie et l’Ukraine dans lesquels « de sérieux problèmes systémiques ont été identifiés dans la protection et la mise en œuvre des DPI », peut-on lire dans le document.
Aucune amélioration ou seuls des progrès très limités auraient été constatés dans ces pays par rapport au précédent rapport publié par la Commission sur le sujet.
Viennent ensuite l’Argentine, le Brésil, l’Équateur, la Malaisie et la Thaïlande qui restent quant à eux classés en « priorité 3 ». Une catégorie où figurent, cette année, deux nouveaux États, le Nigeria et l’Arabie Saoudite, du fait de leur rôle croissant, comme pays de transit, pour les produits contrefaits.
Les pays à surveiller
Une section distincte du rapport identifie ensuite les pays avec lesquels l’UE a conclu, ou est sur le point de conclure, des accords de libre-échange mais qui exigent une surveillance étroite en matière de DPI comme le Canada, la Corée du Sud, le Mexique et le Vietnam.
D’autres partenaires devront eux aussi faire l’objet de contrôles réguliers, estiment les auteurs du document. En ligne de mire : Israël, le Maroc, le Paraguay, les Philippines, l’Afrique du Sud, la Suisse et les Émirats arabes unis « où l’application des DPI suscite de sérieuses préoccupations ».
Les mauvais élèves seront sanctionnés
Autant d’éléments qui devraient permettre à l’UE de devenir « encore plus efficace pour protéger les entreprises et les travailleurs de l’UE contre les atteintes à la propriété intellectuelle », a insisté Phil Hogan.
Plus question d’être naïfs, les mauvais élèves seront sanctionnés a averti le commissaire au Commerce. Alors que la Commission a conclu des accords de coopération scientifiques avec plusieurs pays tiers, elle serait sur le point d’exclure la Chine de son futur programme de recherche Horizon Europe, en raison de ses piètres résultats en matière de protection des DPI.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Lien pour télécharger le rapport (en anglais) : https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2020/january/tradoc_158561.pdf