Les risques d’impayés continuent à augmenter à l’export, en témoigne les tendances dégagées par la dernière étude mondiale d’Euler Hermes sur les défaillances d’entreprises dans le monde, Global Insolvency Report. Elle prévoit une nouvelle progression de 6 % des faillites sur le plan mondial en 2020, après une année 2019 marquée par une hausse de 9 %.
Si le risque pays augmente un peu partout, comme l’a montré la récente étude de Willis Towers Watson, le risque client doit donc être placé en tête des préoccupations des exportateurs. Car si une certaine décélération est perceptible, le rythme de hausse des faillites dans le monde reste élevé et, selon l’assureur-crédit, il s’agira de la quatrième année consécutive de hausse des défaillances dans le monde.
En cause, la « combinaison de deux facteurs », selon Euler Hermes : d’une part « l’installation durable d’une dynamique de croissance faible, notamment dans les économies avancées et dans le secteur industriel » et d’autre part « les effets des conflits commerciaux, des incertitudes politiques et des tensions sociales ». Autant de facteurs qui entraînent une faiblesse de la demande et une concurrence féroce sur les prix que ne pourront compenser les taux d’intérêt maintenus bas par les politiques monétaires accommodantes des banques centrales.
L’Asie tire la tendance, avec l’Europe et l’Amérique du Nord
En 2020 comme en 2019, la zone Asie apportera la plus forte contribution à cette tendance (+ 8 %, après + 17 %). Si en 2019 la Chine tirait cette dynamique (+ 20 %), en 2020 elle fera jeu égal (+ 10 %) avec l’Inde (+ 11 %).
Mais les deux autres grandes zones économiques que sont l’Europe de l’Ouest (+ 3 %) et l’Amérique du Nord (+ 4 %) n’en affichent pas moins des orientations inquiétantes pour 2020, avec une inversion de tendance et des faillites qui repartent à la hausse.
Dans le détail, voici les tendances dégagées par Euler-Hermes :
– Amérique latine : + 13 % en 2020 (après + 19 % en 2019 et + 34 % en 2018) ;
– Asie-Pacifique : + 8 % en 2020 (après + 17 % en 2019 et + 41 % en 2018) ;
– Afrique et Moyen-Orient : + 5 % en 2020 (après + 7 % en 2019 et 0 % en 2018)
– Amérique du Nord : + 4 % en 2020 (après + 3 % en 2019 et – 4 % en 2018)
– Europe de l’Ouest : + 3 % en 2020 (après + 2 % en 2019 et 0 % en 2018)
– Europe centrale et orientale : + 3 % en 2020 (après + 4 % en 2019 et – 17 % en 2018)
Chine, Hong Kong, Singapour au-dessus de la moyenne mondiale
Dans le détail, sur les 44 pays passés en revu par l’étude d’Euler Hermes, seuls quatre enregistrent en 2020 un recul de leurs défaillances : Brésil et Hongrie (-3 % chacun) et Grèce et Lituanie (- 2 % chacun).
Une stabilité est anticipée pour cinq autres pays (0 %) : Nouvelle-Zélande, Pologne, Norvège, Luxembourg et France.
Ce sont là les seules bonnes nouvelles. Car dans 34 autres pays, la progression des faillites va de 1 % à 21 %, et six pays sont au-dessus de la progression moyenne mondiale de 6 %, dont trois pays asiatique majeurs pour le commerce mondial (Chine, Hong Kong Singapour) :
– + 1 % : Lituanie, Suisse ;
– + 2 % : Australie, Autriche, Belgique, Corée du Sud, Estonie, Finlande, Japon, Portugal, Russie, République tchèque, Suède, Taiwan ;
– + 3 % : Allemagne, Roumanie, Royaume-Uni ;
– + 4 % : Afrique du Sud, États-Unis, Italie ;
– + 5 % : Canada, Colombie, Espagne, Irlande, Maroc, Pays-Bas, Turquie ;
– + 6 % : Danemark ;
– + 8 % : Bulgarie ;
– + 9 % : Hong Kong ;
– + 10 % : Chine, Singapour ;
– + 12 % : Slovaquie ;
– + 21 % : Chili.
Au total, relève Euler Hermès, quatre pays sur cinq (80 %) enregistreront une progression des faillites d’entreprises en 2020 contre deux sur trois en 2019 (66 %).
A noter que les statistiques officielles de dépôts de bilan restant très disparates en qualité et exhaustivité d’un pays à l’autre, selon les variations des cadres juridiques et réglementaires, les comparaisons n’ont pas grand sens dans ce domaine. Dans le tableau par pays que publie Euler Hermes dans son étude, si la France, l’un des pays les plus transparent au monde en la matière, affiche plus de 52 000 défaillances en 2019, le nombre le plus élevé, le Royaume-Uni en est à 22 325, l’Allemagne à 19 370 et les États-Unis à 22 900. Mais l’on ne peut que rester sceptique face aux 12 750 faillites officielles de la Chine ou aux 2660 du Brésil. D’où l’intérêt de mettre en avant des tendances.
L’explosion du montant des grosses faillites
A cet égard, une autre évolution négative est relevée par Euler Hermes : le haut niveau des grosses faillites, ces défaillances qui concernent des entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Ainsi, au cours des neuf premiers mois de 2019, 249 défaillances ont concerné des entreprises de cette taille, presque autant (+ 1 %) qu’en 2018. Le montant global de chiffre d’affaires concerné a lui explosé, de 39,1 milliards d’euros à 145,2 milliards d’euros alors que l’année n’était pas terminée !
Sans aucun doute, ces grosses défaillances ont ou vont avoir des effets négatifs sur les sous-traitants et fournisseurs des entreprises concernées. Selon Euler Hermes, les secteurs qui ont le plus souffert au niveau mondial au cours des neuf premiers mois de 2019 sont la distribution de détail (37 faillites majeurs, dont quelques unes au Royaume-Uni), la construction (33), et les services (27).
Par grandes zones géographiques, c’est l’Europe de l’Ouest qui a fourni le plus important contingent (104 grosses faillites), suivie par l’Asie (64) et l’Amérique du nord (51).
Le « too big to fail » est décidément une idée d’un passé révolu !
Christine Gilguy
*L’étude d’Euler Hermes est disponible (en anglais) en ligne au lien suivant : https://info.eulerhermes.com/rs/133-WKC-682/images/eh-insolvency-report-jan20.pdf
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