L’administration Trump a ressorti l’artillerie lourde des droits de douanes ciblés pour faire reculer le gouvernement français sur la taxe dites « Gafa », une taxe sur les revenus réalisés en France par les entreprises du numérique d’une certaine taille* adoptée en juillet dernier.
Le 2 décembre, le bureau du Représentant au commerce (USTR), Robert Lighthizer, qui considère que les entreprises américaines (dont les 4 Gafa leaders mondiaux que sont Google, Amazon, Facebook et Apple) sont injustement visées par cette nouvelle taxe française, a proposé d’imposer des droits de douane additionnels à l’importation pouvant atteindre à 100 % sur 2,4 milliards de dollars de produits en provenance de France : champagne, sacs de luxe, fromage (Roquefort, gruyère) et yoghourts, produits cosmétiques sont ainsi menacés.
L’USTR ne précise aucune date d’entrée en vigueur. Sa recommandation doit encore être validée de par le président Donald Trump.
La recommandation de l’USTR se fonde sur les conclusions d’une enquête qu’il a engagé dès cet été sur la nouvelle législation française dans le cadre de la section 301 du Trade Act de 1974. Utilisé également pour justifier, en 2017, le déclenchement des augmentations de droits de douane contre la Chine, la section 301 autorise l’USTR à déclencher des enquêtes et recommander des mesures de rétorsions sur toutes les pratiques commerciales d’un pays étranger jugées injustes.
Selon ce rapport de l’USTR, publié le 2 décembre, les taxes françaises sont « incompatibles avec les principes en vigueur de la politique fiscale internationale » et « inhabituellement lourdes pour les entreprises américaines concernées ». « L’USTR s’attache à lutter contre le protectionnisme croissant des Etats membres de l’Union européenne, qui ciblent injustement les entreprises américaines » a également commenté Rober Lightzhizer dans un communiqué publié le même jour.
« Inacceptable » selon Le Maire
Le ministre français de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, a réagi par la fermeté dès le 3 décembre : « Le simple projet, qui pourrait s’appliquer d’ici 30 jours, de nouvelles sanctions contre la France, c’est inacceptable », a affirmé le ministre sur Radio Classique. « Ce n’est pas le comportement que l’on attend des États-Unis vis-à-vis de l’un de ses principaux alliés, la France, et d’une manière générale l’Europe ».
Selon Bruno Le Maire, son gouvernement a pris contact avec la nouvelle Commission européenne afin, selon lui, de « nous assurer que s’il devait y avoir de nouvelles sanctions américaines, il y aurait bien une riposte européenne, une riposte forte ». Sa secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher a renchéri sur Sud Radio en affirmant : « Il est très clair que nous n’avons pas à reculer par rapport à un sujet qui économiquement a du sens, et qui est de justice fiscale (…) on doit être pugnace sur ce sujet ».
Le rapport de force privilégié par l’administration Trump
Alors que les autorités américaines ont affirmé jusqu’à présent être désireuses de poursuivre les discussions sur le sujet de la taxation des multinationales du numérique au sein de l’OCDE, un compromis avait été scellé en marge du dernier G7 de Biarritz entre Bruno Le Maire et son homologue américain le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin : la France s’était engagée à rembourser les sociétés américaines du trop perçu si un mécanisme de taxation globale voyait le jour sous l’égide de l’OCDE, plus avantageux que celui mis en place en France.
Mais ce compromis n’a jamais été validé officiellement par la Maison Blanche. L’administration Trum a donc privilégié à nouveau le rapport de force pour parvenir à ses fins, il est vrai pressées par les principaux acteurs américains du numérique, hostiles à la démarche française et aux velléités européennes.
Comment va évoluer ce nouveau différent ? Le président Donald Trump doit donc encore donner son aval à la proposition de l’USTR. A cet égard, un événement était très attendu aujourd’hui : une rencontre bilatérale prévue à la mi-journée entre Donald Trump et Emmanuel Macron, en marge du 27ème Sommet de l’Otan qui se tient à Londres.
A suivre…
Desk Moci
* La taxe sur les entreprises du numériques adoptées en juillet 2019 en France cible les entreprises du numérique dégageant plus de 750 millions d’euros de revenus annuels mondiaux, dont 25 millions en France. Elle doit s’élever à 3 % du chiffre d’affaires issu de la publicité en ligne, de l’utilisation des données personnelles et des ventes réalisées sur les places de marché. Plus d’une vingtaine d’entreprises seraient concernées pour la France selon certaines études, dont Google, Apple, Facebook et Amazon, mais aussi des acteurs non américains, français, européens ou asiatiques, à l’instar de Criteo, Priceminister (Rakuten), Alibaba ou encore Leboncoin (Schibsted).