Moins connu que son voisin le Brésil, géant d’Amérique latine aux 200 millions d’habitants, le Pérou, économie de 32 millions d’âmes longeant la cordillère des Andes, était à l’honneur lors d’une conférence donnée par le cercle France-Amériques le 14 octobre à Paris autour du thème « Le Pérou face aux défis climatiques : perspectives et opportunités ».
Cette table ronde organisée à l’initiative commune de l’Association France-Amériques et du cabinet DS Avocats était donc l’occasion de présenter aux entreprises françaises les challenges qui demeurent en matière de politique environnementale au Pérou, mais qui peuvent représenter de réelles opportunités.
Une croissance stable mais la pauvreté perdure
Parmi les économies les plus dynamiques d’Amérique latine, le Pérou affiche une croissance de son PIB stable et durable, estimée à 3,5 % cette année par Coface. Elle est tirée par l’augmentation de la classe moyenne et la consommation privée des ménages.
En dépit de la crise politique qu’il traverse actuellement, « le pays demeure une démocratie stable avec des fondements économiques solides », a estimé Geneviève des Rivières, présidente de l’Institut France-Amériques latine et Caraïbes du cercle France-Amériques.
Ainsi, comme le rappelait Sebastián Nieto-Parra, chef de l’unité de l’Amérique latine et Caraïbes au Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cet État d’Amérique du Sud est doté d’une banque centrale indépendante qui maintient le taux d’inflation à 2 %. La dette publique, très bien gérée, avoisine les 30 % du PIB. Un taux relativement faible en comparaison avec la moyenne des pays de l’OCDE.
La croissance de la classe moyenne « prête à consommer davantage », selon Sebastián Nieto-Parra, contribue également à la bonne santé de l’économie.
Néanmoins, une partie de cette classe moyenne est « vulnérable » et susceptible de tomber dans la pauvreté qui a connu « une recrudescence très importante » après avoir été divisée par deux ces quinze dernières années. Elle touche aujourd’hui environ 70 % de la population, principalement « des travailleurs qui ne cotisent pas sur le régime des pensions ou de la sécurité sociale », a précisé l’économiste.
Le secteur minier, un exemple de problématique environnementale
Un autre nuage vient obscurcir le tableau : la dépendance de l’économie péruvienne aux matières premières (75 % de ses exportations), en particulier à l’activité minière, par ailleurs très polluante en raison, notamment, de l’usage des produits chimiques et des dégradations qu’elle cause à l’environnement.
Un paradoxe pour ce pays leader mondial des exportations d’avocats, de raisins, d’asperges et de paprika. Mais le cuivre représente toujours 30 % des exportations.
Aujourd’hui, malgré les progrès socio-économiques notables enregistrés, le pays a encore d’importants défis à relever pour réussir à trouver un terrain d’entente entre transition sociale et économique et protection environnementale. Le secteur minier offre à cet égard un exemple de retard à combler, et des entreprises françaises ont d’ores et déjà positionné des solutions.
Séché Environnement sur le marché du traitement des déchets
Expert dans les solutions de valorisation, gestion et traitement des déchets dangereux ou non dangereux pour les collectivités et les entreprises, le groupe français Séché Environnement est présent depuis 2017 au Pérou.
Le groupe a fait l’acquisition en mars 2017 de l’entreprise Befesa Peru, implantée au sud de Lima, qui gère des installations de valorisation et de traitement de déchets dangereux, issus en grande partie des entreprises minières et du secteur de l’énergie. Séché Environnement a également investi dans une unité d’incinération de traitement thermique de déchets dangereux et médicaux. Il adresse une clientèle industrielle de l’extraction minière et de l’exploration pétrolière.
« Au Pérou, il existe un cadre réglementaire concernant la gestion des déchets », a relaté Nicolas Rogeau, directeur commercial International de Séché Environnement. Les entreprises internationales minières ont donc des obligations à respecter en la matière, mais la réalité est plus complexe. Selon le dirigeant, l’administration péruvienne rencontre des difficultés à « véritablement faire appliquer cette réglementation aux producteurs de déchets ».
Le groupe apporte pour sa part à ses clients des solutions locales pour le traitement et la mise en sécurité de leurs déchets afin qu’ils respectent leurs obligations. « On a un rôle d’éducation de nos clients », a expliqué le directeur commercial.
Engie veut aider ses clients miniers à aller vers le zéro CO2
Pour sa part, Engie dispose au Pérou d’une capacité installée de 2 496 mégawatts. L’énergéticien tricolore dispose de huit centrales électriques (six thermoélectriques et deux hydroélectriques) réparties dans différentes régions du pays, où plus de 3 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité.
« Le mix énergétique du Pérou est très propre », a livré Rik De Buyserie, CEO & country manager d’Engie Perú. La production d’électricité du pays repose à 50 % sur les hydrocarbures (gaz naturel) et à 50 % sur l’hydroélectricité.
Parmi ses clients, Engie Perú compte des grands groupes internationaux miniers. « On veut aider nos clients miniers à aller vers le zéro CO2 », a souligné son P-dg. Aujourd’hui, selon lui, la majorité de ses clients au Pérou a « des préoccupations » relatives à l’environnement. « Ils veulent de l’électricité verte », a confié Rik De Buyserie.
Les futurs projets que va développer l’énergéticien français au Pérou « sont 100 % renouvelables », a révélé Rik De Buyserie. Ils concerneront la production d’énergie solaire et éolienne.
Bilan des engagements climatiques et environnementaux
Si le secteur minier est un bon exemple d’opportunités pour les savoir-faire français, le Pérou en recèle bien d’autres. Deuxième pays amazonien après le Brésil, en termes de superficie de la forêt amazonienne, il est en effet exposé à une forte vulnérabilité au changement climatique. Sa politique a toutefois été parfois contradictoire.
Le Pérou a assumé la présidence de la Conférence des parties (COP) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en décembre 2014. Sur la scène mondiale, ce pays à la population deux fois moins élevée que l’Hexagone, a joué un rôle « de premier plan » dans les négociations qui ont mené au succès de l’Accord de Paris sur le climat conclu le 12 décembre 2015, a estimé Fabrice Mauries, directeur adjoint des Amériques et des Caraïbes au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Sur le plan domestique, la réalité est autre.
Le pays s’est ainsi doté en 2008 d’un ministère de l’Environnement pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais sous la présidence d’Ollanta Humala (2011-2016), le gouvernement a privilégié une politique de promotion des investissements dans le secteur minier, votant en juillet 2014 une loi affaiblissant les pouvoirs de son ministère de l’Environnement alors même que Lima allait devenir cinq mois plus tard l’hôte de la COP 20…
Les lignes en matière de politique environnementale ont à nouveau bougé par la suite. En 2018, le Pérou s’est ainsi doté d’une loi-cadre pour lutter contre les changements climatiques fruit de travaux lancés en 2014, selon Fabrice Mauries.
Des engagements forts en matière de déforestation
En réalité, le pays n’a pas le choix. En effet, de par sa complexité géographique, il est très vulnérable au changement climatique.
Bordé à l’ouest par l’océan Pacifique, il est divisé géographiquement en trois régions, toutes fragiles : une zone côtière désertique longeant le Pacifique, et la cordillère des Andes et l’Amazonie à l’Est. « Le Pérou, c’est 10 % de la forêt amazonienne », a exposé l’ancien ambassadeur de France au Pérou (2014-2017).
D’où une politique nationale de lutte contre la déforestation qui a connu quelques succès. « Le Pérou a pris des engagements de zéro déforestation nette d’ici 2021, en principe il y parviendra », a avancé Fabrice Mauries. La déforestation est principalement causée par l’agriculture commerciale.
Parallèlement, l’État a lancé deux initiatives « Pérou propre » (Perú Limpio) et « Pérou vert » (Perú Verde), portées par le ministère de l’Environnement, pour créer un pays propre et réduire la pollution de l’exploitation minière et du secteur de l’énergie.
Là encore, la France aurait tout intérêt à contribuer à cette politique environnementale en apportant son expertise dans ce pays sud-américain ouvert aux entreprises étrangères.
Venice Affre
Pour prolonger :
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