Mercredi 27
avril, Medef International avait convié quatre ministres du gouvernement
provisoire en Tunisie, tous anciens chefs d’entreprises appelés aux lendemains
de « la révolution du jasmin » pour servir leur pays jusqu’à l’établissement d’un nouveau régime. Très à l’aise pour présenter les aides d’urgence en faveur des populations
et des régions défavorisées, des jeunes diplômés au chômage et des entreprises
que les évènements ont lourdement frappées, leurs réponses étaient plus
évasives lorsqu’il s’agissait de dresser des perspectives à moyen et long
terme.
Les quatre ministres – Jalloul Ayed (Finances), Mehdi
Houas (Commerce, tourisme et artisanat), Saïd Aïdi (Formation professionnelle
et emploi) et Yassine Ibrahim (Transports et équipement) – ont cherché à rassurer leurs
interlocuteurs. Il n’est pas certain qu’ils y aient totalement réussi. Leurs
compétences et leur volonté de relancer la machine économique ne sauraient être
mises en doute. Le fait qu’ils appartiennent à un gouvernement provisoire n’y est certainement
pas étranger. Les quatre ministres se sont en effet engagés, comme les
autres membres du gouvernement de transition, à
quitter le pouvoir après l’établissement d’une nouvelle Constitution
nationale. Le 24 juillet prochain, une Assemblée constituante sera élue.
De fait, « la révolution du 14 janvier » a affecté l’activité du pays. « L’économie
s’essouffle », reconnaît Jalloud Ayed, 60 ans, ancien vice-président de
BMCE Bank, filiale de la Banque marocaine du commerce extérieur à Londres. La
croissance de l’économie, qui devait s’élever à 5,5 % cette année, sera
finalement inférieure à 1 % et le nombre d’emplois créé (85 000 prévus pour 2011) tomberait à 20 000 environ. Or, le taux de chômage est déjà élevé, de l’ordre de
20 %. Et sur les 500 000 demandeurs d’emploi recensés en janvier,
160 000 étaient des diplômés de l’enseignement supérieur.
Alors que le patronat et les syndicats tunisiens
entament un dialogue social tout neuf, les grands projets sont relégués à l’arrière plan. Directeur Moyen Orient-Afrique
d’Alstom, Paul Moneyron a fait part de « son inquiétude » aux quatre
ministres tunisiens. A l’instar de l’autoroute Sfax-Gabes,
qui concerne 2 000 emplois directs et 5 000 indirects, « les
grands projets en cours ne sont pas stoppés », a répondu Yassine Ibrahim,
qui a aussi cité d’autres pistes, comme le creusement d’un tunnel à
Bizerte pour remplacer le pont mobile défectueux et des études pour un train à
grande vitesse.
Selon le
ministre des Transports et de l’équipement, le projet de réseau ferroviaire
rapide (RFR),
équivalent du RER parisien pour le Grand Tunis, « avance toujours ».
Mais, reconnaît-il dans le même temps, « le pays n’a pas la capacité de
relancer des grands travaux », ce qui va amener le gouvernement à
organiser une conférence sur la logistique pour exposer les différents thèmes,
comme le rail et les autoroutes. Les conclusions pourraient servir de base de
décision « aux futurs gouvernements », estime Yassine Ibrahim.
Qu’en
sera-t-il du grand port dont l’ancien régime voulait doter le pays à Enfidha,
près de Sousse ? Yassine Ibrahim a instillé le doute en déclarant qu’il faut
« mieux utiliser les ports existants avant d’aller vers un port en eau
profonde ». Autre incertitude : Jalloud Ayed promet une
restructuration profonde du secteur bancaire et l’établissement d’un marché
financier « pour lever des fonds pour des projets à moyen et long
terme », mais l’Etat n’est toujours pas parvenu à donner un nouveau patron à la Société tunisienne
d’assurances et de réassurances (Star).
L’ancien
président de la Star, dont Groupama détient 35 %, a été expulsé fin janvier.
François Pargny