Le projet de nouveau cadre pour les PPP (partenariat public privé), mais aussi les problèmes de transfert et la nouvelle monnaie ouest-africaine Eco sont au menu d’une réunion au sommet des pays de la zone franc qui se tient le 11 octobre à Paris, à huit mois du prochain Sommet Afrique France.
Cette seconde réunion de la zone franc de l’année réunit les ministres de l’Économie et des finances et les gouverneurs de la Banque centrale des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine/Uemoa (Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Mali, Niger, Togo, Bénin), des six de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale/Cemac (Cameroun, Centrafrique, Tchad, Guinée Équatoriale, Gabon, Congo) et des Comores.
Ces réunions se déroulant traditionnellement peu avant les celles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, la première réunion de l’année avait été organisée en Afrique, à Niamey, capitale du Niger, le 28 mars.
Une directive sur les PPP bientôt dans l’Uemoa
Ce sera l’occasion de faire le point sur la santé économique de chaque région et d’aborder des questions plus techniques, comme le partenariat public-privé (PPP). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le PPP n’est pas un sujet nouveau, mais récurrent. Des travaux, à cet égard, ont débuté en 2016 au sein de l’Uemoa.
D’après nos informations, une directive sur les PPP serait rédigée, mais pas finalisée. Le document étant presque abouti, les membres de la Cemac se montreraient intéressés. Divers organismes ont proposé leur assistance technique : la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Agence française de développement avec, notamment sa filiale dédiée, Expertise France, qui a détaché des personnels au sein des services de la Commission, organe exécutif de l’Uemoa.
Sur les PPP, ce qui reste à régler entre les ministres toucherait à des questions juridiques et sur l’opportunité de les ouvrir à tous les secteurs. Tout en défendant un système d’association entre le secteur privé et public, on veut faire preuve de vigilance et de prudence. La mécanique des PPP est relativement complexe, qu’il s’agisse du montage financier et de l’externalisation des responsabilités. Or, la faible capacité administrative de certains pays et compétence pour négocier avec les acteurs privés internationaux inquiète.
Des PPP ont déjà été utilisés, en particulier en Côte d’Ivoire pour des programmes d’infrastructure. Aujourd’hui, la santé économique de la Côte d’Ivoire – 40 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Uemoa – ne se dément pas, avec une élévation de son PIB de 7,5 % en 2019.
L’Uemoa en forme, la Cemac en convalescence
Sur le plan économique, grâce aussi à d’autres États membres, comme le Sénégal (+ 6 % prévu en 2019), c’est l’ensemble de l’Uemoa qui est en grande forme, avec une activité attendue à + 6,6 % cette année, après + 6,3 % en 2018.
Se pose, néanmoins, la question de la soutenabilité de cette croissance, vue qu’elle est poussée par les investissements publics. Les PPP seraient justement une solution, puisqu’ils font appel au secteur privé. Reste à l’économie de l’Uemoa d’être plus inclusive, ce qui sera certainement rappelé lors de la réunion de Paris.
La Cemac sortant juste de la récession ou de la croissance nulle, selon les pays, sa situation est moins confortable. Le produit intérieur brut (PIB) y progresserait de 2,7 % cette année. Cette légère reprise est due à la remontée des cours du brut dont tous les États membres sont dépendants, à l’exception du Cameroun, seule économie diversifiée représentant plus de 40 % du PIB de la Cemac.
Le secteur privé en manque de devises dans la Cemac
A Paris, la sortie de crise de la Cemac sera un sujet central, car le plan de gestion du programme FMI lancé en 2017 arrive à sa fin. De nombreux aspects structurels doivent aussi être traités : transparence, gouvernance… Et de nombreuses entreprises se plaignent des blocages mis à la sortie de devises des États membres.
De source sûre à Paris, on explique que la Banque des États d’Afrique centrale (Beac), par souci de bonne gestion, a adopté début 2019 une réglementation des changes plus stricte, ce qui a amené à « une perception erronée » de la part de tous les acteurs économiques, entreprises et banques, sur la disponibilité et la liberté à délivrer des devises.
Cette situation paradoxale aurait connu un pic au printemps, avec une pénurie de devises. Conscient du problème, la Beac l’aurait saisi à bras le corps au cours de l’été, ce qui devrait rassurer à l’avenir importateurs locaux, exportateurs étrangers et pétroliers possédant un compte offshore, qui se plaignent.
La monnaie, le CFA, l’Eco, sujets incontournables
Autre sujet qui sera forcément discuté, même s’il n’est pas annoncé officiellement comme un thème de la réunion de Paris, la monnaie : régulièrement le franc CFA est remis en cause – et pas seulement son nom, mais aussi son intérêt. Par ailleurs, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui regroupe 15 nations (les huit de l’Uemoa + Sierra Leone, Liberia, Ghana, Nigeria, Cap Vert, Gambie, Guinée Bissau), ambitionne de se doter d’une monnaie commune, l’Eco, en 2020.
La position de Paris est bien connue : on estime que le CFA possède des atouts majeurs, comme la stabilité économique, la lisibilité du taux de change, la maîtrise de l’inflation. On brandit le contre-exemple du Ghana, dont la monnaie, le cedi, ne cesse de dégringoler, nourrissant une inflation élevée, tournant autour de 9 %. Pour autant, on s’accorde sur le fait que le franc CFA va évoluer pour tenir compte de la volonté des partenaires africains.
Quant à l’Eco, le président français Emmanuel Macron, lors de la dernière conférence des ambassadeurs, a donné le la, en déclarant que la France est prête à accompagner la création d’une monnaie commune.
Reste que personne à Paris ne pense que l’échéance de 2020 pourra être tenue. Les autorités françaises sont persuadées que le Nigeria, qui est la puissance régionale, refusera d’adopter l’Eco. On se souvient, d’ailleurs, qu’Abuja avait décidé de rejoindre au tout dernier moment la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), promue par l’Union africaine.
Lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Lors de la réunion de la zone franc, deux « focus » devraient être consacrés au financement du terrorisme et au blanchiment d’argent, le premier concernant plutôt l’Uemoa et le second plutôt la Cemac.
Le 13 avril 2018 pour leur réunion semestrielle à Brazzaville (Congo), les ministres des finances des États de la zone franc s’étaient accordés sur un document réalisé avec le concours de la Banque mondiale, appelé « Plan d’action en faveur de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) dans la zone franc » (voir fichier joint en pdf).
Pour chaque région, une quarantaine de mesures était retenue pour renforcer les cadres juridique et institutionnel, élaborer des politiques efficaces, organiser la coordination entre prévention et répression et renforcer, en aval de la chaîne, le volet pénal. Le taux global de réalisation serait de l’ordre de 40 %. Il reste donc encore beaucoup de chemin à faire.
Un point sur le Sommet France Afrique de Bordeaux
La matinée du 11 octobre à Paris s’ouvrira par une réunion restreinte des ministres, gouverneurs et du président de la commission de la Cemac. Elle sera suivie par la réunion plénière des 16 ministres des Finances et des 4 banquiers centraux de France et de la zone franc, à laquelle participeront également d’autres acteurs majeurs, comme les représentants des institutions internationales. C’est à cette occasion que seront traités tous les grands thèmes : macroéconomie des régions, lutte contre le blanchiment et le terrorisme, optimisation des dépenses publiques et utilisation raisonnée des PPP.
Le déjeuner qui réunira l’ensemble des participants permettra un échange de vues. Le Monsieur Afrique de l’Élysée, Franck Paris, devrait faire un point sur les préparatifs du Sommet France-Afrique sur la Ville durable. Suivra une réunion restreinte des ministres, gouverneurs et du président de la commission de l’Uemoa.
Une conférence de presse devrait clôturer la journée. Aucune annonce fracassante n’est attendue. La prochaine réunion de la zone franc sera sans doute annoncée. Selon le principe d’alternance en vigueur, elle devrait être accueillie dans une capitale africaine.
François Pargny