C’est en France le 13 septembre, à l’occasion du « forum des filières d’excellence et des écosystèmes territoriaux » Filex France à Paris, que Jean-Luc Ansel, le président de France Clusters et fondateur du pôle de compétitivité Cosmetic Valley, et Mourad Bouattou, le président du réseau Algeria Clusters et du Cluster Boisson Algérie (CBA), ont signé une convention de partenariat.
Une lettre d’intention un peu passée inaperçue, qui mérite, néanmoins, d’être mise en valeur pour au moins deux raisons : la première est qu’Algeria Clusters est une association toute jeune, datant de 2017, qui s’inscrit dans la politique d’industrialisation voulue par l’État algérien pour réduire le déficit commercial du pays. Une structure comme le CBA n’a lui-même émergé qu’en 2015. Et donc France Clusters s’inscrit ainsi dans la stratégie nationale.
Le défi des clusters algériens de se structurer
Deuxième raison, les deux partenaires ont signé, en dépit de l’instabilité politique actuelle en Algérie, ce qui montre, de part et d’autre, une détermination certaine à développer des relations bilatérales.
À cet égard, le communiqué de presse « Pour l’émergence de projets de collaboration et d’opportunités commerciales entre la France et l’Algérie », publié le 25 septembre, est clair. Il s’agit d’accompagner « les efforts d’innovation et d’internationalisation des membres des deux réseaux » et de « faciliter l’accès à des opportunités d’affaires et de financement, notamment au niveau européen et dans l’espace méditerranéen ».
D’où la nécessité pour les clusters algériens « de se structurer », explique au Moci Xavier Roy, directeur général de France Clusters. D’ores et déjà, le réseau français des clusters, pôles de compétitivité et outils d’accélération des PME apporte à son partenaire méditerranéen un accès à ses formations.
La politique opportuniste de France Clusters
Comme dans tous ses partenariats internationaux, France Clusters développe une politique opportuniste. L’association s’est ainsi engagée au Congo et au Cameroun, travaille aujourd’hui à la constitution d’un cluster numérique entre les îles de l’océan Indien (Madagascar, Maurice, Seychelles, Comores, La Réunion).
Dans le cas de l’Algérie, c’est la rencontre entre le CBA et France Clusters au sein de The Next Society, un rassemblement de plus de 300 organisations et 2 500 entrepreneurs de sept pays méditerranéens, initié par la plateforme de coopération pour le développement économique en Méditerranée Anima Network, qui a permis le rapprochement avec Algeria Clusters. Ensuite, France Clusters a profité de l’organisation de son premier forum Filex pour inviter son homologue à conclure un partenariat officiel.
« Nos membres sont très demandeurs de relations pour eux-mêmes et leurs entreprises en Algérie », expose Xavier Roy. C’est par exemple le cas dans le ferroviaire, où le plan d’équipement algérien aiguille l’intérêt de pôles de compétitivité ou clusters français comme I-Trans (transport, mobilité, logistique), AIF (association des industries ferroviaires), Neopolia (industries diverses), Mecabourg (mécanique, métallurgie, carrosserie), Mecanic Valley.
France Clusters n’en est pas à son premier coup d’essai en Algérie, puisqu’un accord de partenariat a été passé en 2015 avec le World Trade Center d’Alger. « WTC, clusters, fédération professionnelle, CCI locale, nous cherchons à pénétrer ce marché par tous les moyens disponibles », précise Xavier Roy.
Les nouvelles briques de l’industrialisation
Dans une très intéressante étude, publiée en mars 2019 et intitulée « Clusters au Maghreb. Entre mondialisation et territorialisation » (voir le fichier attaché à cet article), l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) dresse un état des lieux, notamment en Algérie, des clusters existants.
Sans véritable localisation, ils y sont au nombre de cinq : le CBA, le Cluster de la Mécanique de Précision (CMP), Algeria Digital Cluster (ADC), Cluster Énergie Solaire (CES), tous quatre soutenus par l’État, et le Cluster de l’huile d’olive de Bouira. À titre d’exemple, en exposant sur le salon parisien Viva Technology cette année, le cluster numérique ADC a montré clairement sa volonté de plonger dans le grand bain de l’international.
Dans le cadre de l’industrialisation de l’Algérie, d’autres briques vont émerger. Sont ainsi annoncés des clusters dans la pharmacie et les biotechnologies, la plasturgie, le lait, la tomate et les dattes. En signant une convention avec son homologue algérien, France Clusters se place donc le plus en amont possible d’un mouvement d’industrialisation, qui reste, toutefois, lent à se développer.
La nécessité de la patience
« Nos membres sont tout à fait conscients qu’en Algérie il faut du temps. Ceux qui connaissent déjà le pays savent qu’il faut revenir au moins trois fois par an pour un jour déboucher », souligne Xavier Roy.
En attendant, côté français, on estime avoir initié un mouvement. On espère que, du côté algérien, on va relancer, avec une deuxième rencontre, cette fois-ci à Alger. « De la part de nos vis-à-vis, il y a un véritable appétit pour la méthode », observe Xavier Roy. De quoi être rassuré pour la suite.
François Pargny