Inspirées par de récents scandales comme le Dieselgate de Volkswagen ou les vols annulés à répétition de Ryanair, de nouvelles règles de recours collectif sont sur les rails, avec l’objectif de permettre aux consommateurs européens de se fédérer en cas de litige face à une entreprise.
Adopté en première lecture par le Parlement européen, à une large majorité, le 26 mars dernier à Strasbourg, le texte sur les recours collectifs doit désormais être négocié en trilogue, ce qui, dans le jargon communautaire, renvoie aux pourparlers entre les représentants des trois institutions, la Commission, le Parlement et le Conseil.
Éviter les dérives des ‘class actions’
« Rien n’est prévu avant l’investiture de la nouvelle Commission » le 1er novembre, précise toutefois Geoffroy Didier (PPE, France), rapporteur sur le texte. « C’est un pari que fait l’Union européenne pour mieux protéger ses consommateurs », ajoute l’eurodéputé français, qui est aussi secrétaire général de LR, assurant que la législation a également pour but d’éviter « tous les dangers et dérives des ‘class actions’ à l’américaine ».
Pour cet avocat, il était en effet nécessaire de garantir des garde-fous afin d’obtenir l’aval de sa famille politique, le PPE, en particulier des membres de la délégation allemande. Vent debout contre ce projet, les élus de la CDU-CSU dénonçaient l’insécurité que ces nouvelles règles risquaient de faire peser sur les entreprises. « Nous avons trouvé un équilibre entre l’exigence légitime de protection des consommateurs et la nécessaire sécurité juridique des entreprises », se félicite Geoffroy Didier.
Recours réservé aux associations de consommateurs
Concrètement, le recours à une ‘class action’ sera autorisé dès qu’un collectif, aussi petit soit-il (deux personnes au minimum), décidera de porter plainte.
Et, pour empêcher que des intérêts financiers ne poussent aux actions collectives, seules les associations de consommateurs agréées par l’État pourront déclencher la procédure. Celles-ci devront avoir au moins un an d’existence, ne pas être en conflit d’intérêts et ne pas masquer un cabinet d’avocat ou un fonds privé. Contrairement aux États-Unis, l’intégralité de l’indemnisation éventuelle des consommateurs leur reviendra.
Choix du tribunal compétent
Autre avancée : le tribunal compétent sera soit la juridiction nationale du lieu de résidence de l’association de consommateurs, soit la juridiction où l’entreprise est enregistrée. Une façon de garantir la même justice pour tous les consommateurs de l’UE.
Lorsque Ryanair avait annoncé l’annulation massive de ses vols, suite à une grève du personnel, les passagers lésés n’avaient pas pu saisir collectivement les tribunaux puisqu’en Irlande, où siégeait la compagnie, les recours collectifs n’étaient pas légalement possibles.
Actuellement neuf États membres sur vingt-huit ne disposent toujours pas de cet outil juridique.
Élargissement du champ d’application
La nouvelle directive remplacera le texte actuellement en vigueur en étendant son champ d’application.
Outre les domaines directement liés à la protection des consommateurs, des actions de groupe deviendront également possibles dans différents secteurs tels que la protection des données, les services financiers, les voyages et le tourisme, l’énergie, les télécommunications, l’environnement ou encore la santé.
À l’avenir les consommateurs européens disposeront donc d’un outil juridique pour se défendre face aux pratiques illégales de certaines entreprises.
Mettre fin à des indemnisations à géométrie variable
C’est d’ailleurs après avoir constaté son impuissance à faire condamner les sociétés coupables de tricherie que la Commission européenne a présenté sa proposition sur les recours collectifs en avril 2018. « L’idée était aussi de mettre fin à des politiques d’indemnisation à géométrie variable », reconnait un proche du dossier, membre de l’exécutif à Bruxelles.
Outre l’absence de législations de ce type dans neuf États membres, l’affaire du Dieselgate a révélé une inégalité de traitement entre les automobilistes lésés au sein de l’UE et les victimes de cette tricherie massive outre-Atlantique.
Alors que 8,5 millions de personnes sont concernées en Europe elles n’ont obtenu, au meilleur des cas, que le changement du dispositif de filtre à particules. Aux États-Unis les 500 000 propriétaires d’une voiture de la marque VW ont été indemnisées en moyenne de 5 000 euros, soit un coût total de près de 15 milliards d’euros pour le constructeur allemand.
Vaincre les réticences
Les négociations en trilogue reprendront une fois que la nouvelle commission aura pris ses fonctions.
« On espère avant la fin de cette année », estime Geoffroy Didier qui s’attaque à son premier gros dossier en tant qu’eurodéputé. Mais il s’attend à des discussions difficiles, « certains membres du PPE pourraient tenter de vider le texte de sa substance », au cours de ces pourparlers à huis clos, confiait-il au Moci.
À côté des Allemands, les représentants des pays de l’Est se sont eux aussi montré très réticents à adopter un texte potentiellement risqué pour les entreprises.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles