Pour les PME de l’agroalimentaire, disposer des bonnes ressources humaines à l’international, lesquelles sont forcément limitées en nombre, est essentiel. De même, s’assurer des bons financements, sans sous-estimer les coûts d’un projet, est indispensable.
Ces deux thématiques ont été au cœur des Rencontres agroalimentaires, organisées, le 30 août, par la task force Agroalimentaire de Medef International, co-présidée par l’Ania (Association nationale de l’industrie alimentaire) et l’Adepta (Association des équipementiers de la filière).
Zapping et guerre des talents
« En matière de ressources humaines, les employeurs sont maintenant confrontés au zapping des générations actuelles », soulignait Laurent Repelin, président de Geco food Service, une association d’industriels tournée vers la consommation hors foyer.
Or, « partout, nous sommes confrontés à une guerre des talents, que ce soit pour des ingénieurs ou des techniciens et de maintenance. Dans un pays comme la Chine, on cherche des gens formés et adaptables », témoignait ainsi Nicolas Fayol, responsable des Relations sociales du groupe Lesafre.
Il donc crucial que le responsable des ressources humaines en entreprise se pose les bonnes questions avant de partir à l’aventure, assurait Laurent Repelin. Deux questions lui paraissent incontournables :
- Est-ce que je dois recruter un développeur ou un défricheur ?
- Est-ce que mon entreprise a besoin d’un responsable pour gérer une crise ou une zone mâture ?
Parmi les conseils que donne encore le dirigeant français : réaliser les entretiens d’embauche en langue étrangère (anglais ou autres, selon la zone de compétence), s’assurer que les candidats connaissent le produit de la société, son métier et ses réseaux, et qu’ils possèdent « un savoir être » : capacité à être transparent avec les partenaires, à mettre en adéquation leurs objectifs avec ceux de l’entreprise, à convaincre tout en faisant preuve d’une certaine humilité, etc.
Les moyens d’une grande entreprise agroalimentaire, comme Lesafre, ne sont pas forcément celles d’une société de taille même moyenne. Pour sa part, la direction Grand export du groupe d’aucy (une dizaine de personnes) a adopté la solution du volontariat international en entreprise (VIE). Ces VIE « peuvent être partagés », insistait le directeur de ce département, Nicolas Jauzion.
Il se félicitait ainsi d’avoir embauché une VIE aux États-Unis récemment. « En trois mois, relatait-il, cette jeune m’a rapporté une information précieuse, que je n’aurai même pas pu obtenir après deux voyages sur place ».
F. Blanc (conseiller agricole) : « agir groupé »
L’autre grand sujet des Rencontres était le financement. Un thème qui a permis aussi aux différents conférenciers de s’exprimer sur la politique d’appui public à l’export.
Conseiller pour les affaires agricoles pour la Grande Chine et Mongolie et ancien conseiller économique à Shanghai, François Blanc insistait ainsi sur la nécessité de la préparation en amont d’un projet en Chine. Avec au moins trois préoccupations : ne pas sous-estimer le coût d’un projet, à l’inverse ne pas en surestimer les bénéfices, et, prendre toutes les précautions juridiques indispensables pour protéger sa marque et sa technologie.
« Dans certains cas, ajoutait François Blanc, créer une filiale locale dans l’agroalimentaire peut être une bonne idée, mais il faut le préparer ». Et, comme le marché chinois est compliqué, il peut être plus raisonnable de commencer par Hong Kong et Taïwan.
Compte tenu des exigences du marché de la Chine, François Blanc conseille « d’agir groupé » et, pour cela, de s’adresser au réseau d’appui export : Bpifrance, Business France, Chambres de commerce et d’industrie (CCI), conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), cabinets d’avocats, dont certains spécialistes de l’agroalimentaire.
O. Sergent (Mecatherm) : partisan du « chasseur solitaire »
Réagissant aux propos de François Blanc, le PDG de Mecatherm, Olivier Sergent, indiquait qu’il ne croyait pas « au chasser en meute » et qu’il était plutôt un partisan du « chasseur solitaire ». Pour autant, nuançait-il, « cela ne signifie pas qu’il ne faut pas travailler ensemble, mais si je crois à des échanges en matière de logistique, d’assistance ou de suivi juridique, je crois peu au partage de contrat et de démarche commerciale ».
Basée à Strasbourg, l’entreprise de boulangerie industrielle a bénéficié en 2015 du tout premier crédit export de Bpifrance, dans le cadre du rachat d’un crédit fournisseur accordé à un client au Mozambique. La banque publique est devenue un partenaire, même si elle travaille aussi avec d’autres établissements financiers. De son côté, en créant ce nouvel outil à l’époque, la banque publique a comblé un vide en matière de crédit export, en finançant des projets pouvant aller jusqu’à un plancher de 1 million d’euros.
Reste encore à inventer des solutions pour des projets encore plus petits. Celles-ci existeraient dans d’autres pays – l’Allemagne a été citée par les différents intervenants – mais pas en France. Or, regrettait François Burgaud, président de l’Adepta, « il y a des projets de 200 000 euros, des mini-laiteries par exemple », qui ne peuvent pas trouver de crédit export dans l’Hexagone.
« On n’a pas toutes les solutions, au-dessous on ne sait pas faire, mais on y travaille », a réagi Hugues Latourrette, directeur adjoint des Financements export de la banque publique. Une solution, dans l’immédiat, selon lui, peut-être de trouver un ensemblier pour obtenir un projet suffisamment important.
Le partenariat Mecatherm-Bpifrance en Afrique
Sur le sujet du crédit export, Hugues Latourrette a mis l’accent sur l’indispensable respect des règles juridiques du pays destinataire du projet.
Le cas de l’Angola a ainsi été évoqué. Dans ce pays, Mecatherm a installé pour un partenaire local une ligne de boulangerie industrielle. Cette affaire était assortie, comme pour le projet mozambicain, d’un rachat de crédit fournisseur par Bpifrance. Reste que la banque publique a « payé » l’entreprise française avec six mois de retard.
Explication donnée par Hugues Latourrette : « le partenaire de Mecatherm n’avait pas tenu compte de toutes les contraintes administratives et a donc dû reprendre une partie des démarches ». L’export, « on sait que çà va coûter de l’argent et de la trésorerie », avouait Olivier Sergent, mais, dans le cas présent, « avoir deux millions d’euros dehors pendant six mois, çà m’a rendu nerveux ».
H. de Villeneuve (Cobasa) : en Angola, « préparer le terrain »
Emmanuel Macron est annoncé l’an prochain en Angola et en Afrique du Sud. Les organisateurs des Rencontres agroalimentaires avaient ainsi décidé de consacrer un focus à ces deux pays. En 2018, la France y a exporté respectivement 80 millions et 173 millions d’euros de produits agroalimentaires.
Selon Henri de Villeneuve, président du cabinet Cobasa et représentant du Medef International en Afrique australe, les principales opportunités en Afrique du Sud seraient les exportations de blés, boissons et équipements agricoles, les prises de participation dans les coopératives agricoles, l’accompagnement d’opérateurs blancs, recherchant plutôt des étrangers que des Sud-Africains noirs, pour des partenariats technologiques.
En Angola, Henri de Villeneuve conseille de « préparer le terrain » dans un pays où « les exportations passeront forcément par des investissements », car, si « cette nation importe 85 % de ses besoins en consommation alimentaire », malgré ses nombreuses ressources naturelles (pétrole, minerais divers…), l’État « n’a pas un rond ».
Par ailleurs, dans l’agroalimentaire, il ne faudrait pas regarder seulement dans la région de Luanda, la capitale, mais aussi à l’extérieur, notamment à l’est vers Malange et au sud vers Lubango.
François Pargny