À l’ère du numérique et d’Internet, que faut-il attendre des nouvelles technologies (digitalisation, blockchain, intelligence artificielle (IA)…) dans les métiers de la gestion du risque de crédit à l’export et dans la gestion des flux financiers internationaux ?
Les participants du dernier panel du 10ème Forum du Moci « Risques et opportunités à l’international », qui s’est tenu le 28 juin à Paris (notre photo), se sont succédé sur le sujet, témoignant sur l’impact des nouvelles technologies du numérique sur l’évolution de leurs métiers.
Plateformes de change pour les PME et TPE
L’entreprise américaine Western Union, pionnière des transferts d’argent pour les particuliers est également « le leader mondial du paiement international, du paiement en devise et de la couverture du risque de change », a déclaré Marc-Elie Caspar, directeur France & Benelux de Western Union Business Solutions, la filiale de Western Union dédiée aux entreprises.
Ayant pleinement intégré les technologies digitales à son activité, la société propose aux professionnels et PME qui développent leur activité à l’international l’accès à des plateformes de transfert de fonds en ligne pour effectuer des opérations dans plus de 130 devises à travers 200 pays et territoires.
La digitalisation des flux internationaux a rendu les transferts plus rapides mais, en contre-partie, des investissements massifs sont réalisés par les opérateurs de plateforme de paiements pour sécuriser les transactions de leurs clients, respecter les règlementation internationales et lutter contre la fraude. Western Union Business Solutions investit ainsi chaque année 250 millions de dollars « sur des questions de conformité, de fraude, de sécurité financière, de lutte contre le blanchiment d’argent et de lutte contre le financement du terrorisme », a dévoilé Marc-Elie Caspar.
Offrir « des plateformes robustes » qui permettent de se couvrir contre le risque de change et ou de payer au bout du monde dans 135 devises a un coût. Cela nécessite « des investissements massifs en terme de digitalisation », a-t-il insisté.
Pour Western Union Business Solutions, les nouvelles technologies doivent servir « le besoin des clients ». Dans cette optique, les cryptomonnaies ne sont pas encore une priorité. « On regarde les cryptomonnaies avec beaucoup d’intérêt mais aussi avec beaucoup de prudence », a confié le dirigeant.
En revanche, la société a lancé en 2016 une nouvelle plateforme BtoB de paiement international baptisée Wu® Edge et spécifiquement « destinée aux TPE et PME ». Elle leur permet de gérer leurs paiements internationaux presque en temps réel et sans frais dans 54 devises. Les nouvelles technologies, a conclu Marc-Elie Caspar, « doivent apporter plus de temps réel et moins de frais ».
Le ‘scoring’ nouvelle génération
La digitalisation a également impacté le métier de la société d’information sur les entreprises, Ellisphere. Acteur majeur du marché de l’information économique, financière et légale sur les entreprises du monde entier, celle-ci propose des solutions 100 % digitales pour fournir en ligne de l’information financière (scoring, compte de résultat, bilan…) sur près de 150 millions d’entreprises de plus de 100 pays.
Pour ce faire, la société d’information BtoB collecte et analyse des informations qualifiées pour ses clients : entreprises (PME, ETI ou grande entreprise) ou acteurs du financement (banques, assurances, investisseurs institutionnels ou privés). Stephen Lord, responsable des projets internationaux et président de l’association BIGnet, a insisté sur « la capacité » d’Ellisphere « à brasser des millions de données par jour » dans sa base de données pour le compte de ses clients.
Cependant, a averti Stephen Lord, « disposer des informations, c’est une chose », les analyser en est une autre. Il faut, a-t-il complété, « être capable de structurer cette information, de la traduire et de pouvoir l’analyser ». Ellisphere dispose à cet égard d’une équipe d’analystes dédiée. En outre, grâce à des algorithmes de troisième génération utilisant le machine learning, Ellisphere a mis au point une solution digitale de scoring destinée à mesurer le risque de défaillance des entreprises.
L’assurance-crédit commence à adapter son modèle aux marketplaces
Devant l’essor du commerce électronique et l’émergence des places de marché sur Internet, la société d’assurance-crédit Euler Hermes a entrepris de revisiter le modèle traditionnel de l’assurance-crédit. Après avoir lancé en 2016 une solution de protection des transactions commerciales destinée aux Fintechs et aux sociétés d’affacturage, l’assureur-crédit a démarré début 2018 un service adapté aux besoins des places de marché.
Les marketplaces jouent un rôle d’intermédiaire dans une transaction commerciale. Elles connectent des fournisseurs et des acheteurs. Cependant les trois parties ont des besoins différents. « Le vendeur a besoin d’être sûr qu’il va être payé, l’acheteur, lui, aimerait bien avoir un crédit pour pouvoir payer en différé, et la marketplace, elle, veut créer un environnement de confiance », a exposé Gilles Portes, responsable des partenariats et du développement digital chez Euler Hermes France.
Fort de ce constat, Euler Hermes a développé une solution d’assurance-crédit spécifique, “à la facture”. Celle-ci s’appuie sur une application informatique, l’API (application programming interface, en français ‘interface de programmation applicative’). Celle-ci est capable de déterminer en temps réel la possibilité de couverture d’une transaction unique entre un fournisseur et un acheteur. Cette solution permet également de définir, toujours en temps réel, un prix d’assurance spécifique, ajusté au niveau de risque de cette transaction. Cette solution « est opérationnelle avec Metalshub, une marketplace qui fait du trading de métaux et d’alliages », a confié Gilles Porte.
Lancée fin 2017, cette place de marché B2B spécialisée dans le négoce de métaux propose à des fournisseurs et acheteurs de réaliser sur sa plateforme des transactions entre eux. Grâce à son partenariat avec l’assureur-crédit, Metalshub propose aux fournisseurs une assurance optionnelle d’Euler Hermes, leur permettant de se couvrir contre le risque d’impayé.
Les sociétés d’affacturage dématérialisent les factures
« Notre métier change aussi beaucoup », a confirmé pour sa part Laëtitia Aparicio, responsable du Développement des partenariats et du Marché export chez Factofrance, établissement financier français spécialisé dans l’affacturage. Un métier que les Fintech, les startup de la finance, bousculent également.
« On parle beaucoup des plateformes, on parle aussi beaucoup en ce moment de tout ce qui est Fintech », a-t-elle poursuivi. Les Fintechs, reconnaît-elle, ont le mérite de « faire souffler un vent de fraîcheur » sur le métier de l’affacturage « et sur sa manière de l’opérer ». Elles ont, d’après elle, « une énorme vertu », qui est « celle de faire bouger plus vite les grands acteurs traditionnels dans tous leurs développements informatiques ».
Mais, Laëtitia Aparicio n’est pas pour autant convaincue. Selon elle, les nouvelles technologies financières ont encore « du chemin à parcourir » en particulier s’agissant de leur « robustesse » devant les questions de conformité et de respect des réglementations auxquelles est confronté au quotidien le métier de l’affacturage, en particulier à l’international.
Pour sa part, Factofrance se sert des nouvelles technologies digitales pour « faire en sorte que l’expérience utilisateur soit optimale, c’est-à-dire hyper-simplifiée », a révélé Laëtitia Aparicio. Factofrance a notamment pour objectif de proposer aux entreprises une solution leur permettant de réaliser des cessions de facture « sur un mode totalement dématérialisée à la fois pour les factures mais aussi pour les justificatifs », a dévoilé Laëtitia Aparicio.
Pour cela, a confié Laëtitia Aparicio, elle s’appuie sur un outil, actuellement en phase d’expérimentation, qui permet aux entreprises de télécharger les PDF de leurs factures en se connectant à un site Internet dédié. « L’utilisateur n’aura qu’à valider sa cession de créance pour la transmettre à son financeur », a-t-elle résumé.
Pour l’heure, Factofrance propose une solution d’affacturage flexible adaptée aux besoins de financement des TPE et PME avec son service FactoFlex. Celui-ci permet à l’entreprise de céder ses factures sur un ou plusieurs clients de son choix. La ligne de financement reste ouverte jusqu’à 300 000 euros d’encours. De plus, en cas d’export, FactoFlex accompagne l’entreprise dans toute l’Europe.
« Financer c’est notre métier, c’est notre ADN de base », a assuré Laëtitia Aparicio. Mais, aujourd’hui, a-t-elle rappelé, les entreprises, PME, TPE et même les ETI, ont besoin d’être accompagnées lorsqu’elles se développent à l’international. C’est le département Cofacrédit de Factofrance qui prend alors le relais avec une offre adaptée et spécifique : il propose un accompagnement dans plus de 100 pays avec des solutions de financement des créances commerciales export en devises, une assurance-crédit export et un service de recouvrement des créances multilingue, par des experts polyglottes. La technologie permet d’accélérer, mais elle a encore des limites…
Venice Affre