Les Assemblées générales (AG) sont souvent, pas toujours, des évènements convenus. La dernière AG, le 25 juin, de CCI France International (CCIFI), l’association tête de pont des 124 Chambres de commerce et d’industrie (CCI) françaises dans 93 pays, appartiendrait plutôt à la seconde catégorie, donc à l’exception.
Christophe Lecourtier, le directeur général de Business France, était invité à présenter la politique de référencement qu’il entend appliquer à l’étranger dans le cadre du nouveau dispositif d’accompagnement public à l’international Team France Export. D’après les témoignages recueillis à l’issue de la réunion par Le Moci, cette politique suscite de vives critiques de la part des CCI françaises à l’international (CCI FI), parfois même virulentes. De quoi s’agit-il ?
La TFE rompt le lien direct entre CCI en France et à l’étranger
Un petit rappel, d’abord, s’impose. Dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale en matière de commerce extérieur, des Équipes de France à l’export, appelées Team France Export (TFE), ont été constituées dans chaque région de l’Hexagone. Leur socle est composé de Business France, de la Région et de la CCI de la région concernée, de Bpifrance.
A l’étranger, la constitution de TFE passera par des concessions et marchés de services publics ainsi que par le référencement de prestataires privés. Ne figurant pas automatiquement dans les TFE, les CCIFI se trouvent ainsi coupées du lien direct qu’elles entretenaient jusqu’à présent avec les CCI territoriales françaises. D’où la crainte d’un manque à gagner en termes d’affaires, et donc une perte de recettes.
Les CCIFI, qui sont des opérateurs privés avec une mission de service public, n’apprécient pas et le font savoir. « Nous avions avec les CCI françaises des journées Pays dans l’Hexagone. Comme Business France est organisé sectoriellement, ce type de manifestations disparaît », regrette Michel Lozac’h, qui dirige CCI France Malaisie.
Le référencement porte sur quatre domaines
Par ailleurs, depuis le lancement de la nouvelle stratégie nationale en matière de commerce extérieur par le Premier ministre, le 25 février à Roubaix, Business France a choisi de se désengager de plusieurs pays, ce dont ont profité les CCIFI locales, ainsi que des membres de l’OSCI (Fédération des entrepreneurs du commerce international) dans le cas de la Russie. Dans les autres pays, l’opérateur public a décidé de conserver l’amont (accès au marché, prospection) et de confier l’aval à des acteurs privés, CCIFI ou sociétés d’accompagnement type OSCI, ou cabinets d’avocats.
Dans ces pays, exposait Christophe Lecourtier, lors de l’AG du 25 juin, Business France va donc lancer un appel à référencement, comprenant quatre volets, simultanément sur son site et celui de l’ambassade de France concernée. Pour chaque volet, « de un à trois partenaires seront retenus », précise Michel Lozac’h.
Les quatre volets sont les suivants : droit et fiscalité, administration et gestion des filiales (comptabilité, portage salarial), représentation commerciale (agents…), hébergement et domiciliation.
Business France contrainte d’accorder la gratuité sur deux ans
« Nous avons une coopération avec Business France depuis longtemps. Le problème, c’est que l’on ne nous dit pas quel critère va être retenu. S’agira-t-il du moins disant ou du mieux disant ? Il est clair que s’il s’agit du moins disant, ça ne nous intéresse pas », coupe, avec un flegme tout germanique, Frédéric Berner, directeur de CCI France Allemagne.
Ce 25 juin, à l’issue de l’Assemblée générale, certains de ses collègues avaient bien du mal à cacher leur colère. Pour un dirigeant en Europe, ce système de référencement est « un scandale ». Pour un autre en Afrique, c’est « une ignominie ». « En plus, Business France voulait qu’on paie le référencement », s’emporte un troisième responsable.
De fait, Business France avait prévu de faire payer un ticket d’entrée aux prestataires référencés, pour « frais administratifs ». Les CCIFI n’ont pas été les seules à s’y opposer : l’OSCI est également montée au créneau. Sous la pression de ces acteurs privés, l’opérateur public a finalement accepté, dans un premier temps, un an de gratuité, avant de se résoudre à allonger cette durée à deux ans.
Certaines CCIFI en quête de nouveaux partenaires
« De toute façon, au bout de deux ans, nous verrons bien si le nouveau dispositif est rentable », explique Habib Gaïda, le directeur de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI), qui a déjà commencé à chercher de nouveaux partenaires dans l’Hexagone.
Directeur commercial et gérant de la Chambre de commerce franco-tchèque, Michal Macko tient des propos similaires. « Nous allons rechercher de nouveaux partenaires, Régions ou pôles de compétitivité, pour développer des coopérations comme nous le faisons déjà avec Plastipolis, le pôle de plasturgie d’Auvergne Rhône Alpes et de Bourgogne Franche-Comté ».
« On ne comprend pas très bien pourquoi Business France s’est retiré de certains pays et pas d’autres », s’étonne pour sa part Michel Bisac, qui préside la CCI algéro-française (CCIAF). Si les relations de la CCIAF avec le bureau de Business France à Alger sont bonnes, ce n’est pas le cas avec la maison mère à Paris. « Nous avons demandé un rendez-vous à Christophe Lecourtier, qui l’a accepté », complète Réda El Baki, le directeur de la CCIAF.
Les CCIFI répondront néanmoins à l’appel à référencement
Le nouveau président de CCI France International, Renaud Bentégeat, tout en appelant Business France à la « sagesse », appelle les CCIFI à répondre aux appels à référencement. De fait, toutes les chambres citées ont, malgré la grogne, assuré qu’elles soumissionneraient pour obtenir les quatre lots.
« Nous sommes légitimes, assure Michal Macko. Malgré la petite taille de la République tchèque, nous nous plaçons au douzième rang des CCI françaises à l’étranger en terme d’appui aux entreprises ». Même raisonnement du côté de Kuala Lumpur : « Nous figurons dans le Top 5 pour notre capacité d’accueil, avec trois centres d’affaires représentant 80 postes de travail, et dans le Top 8 pour l’appui aux entreprises, avec un million d’euros de chiffre d’affaires annuel », énumère Michel Lozac’h.
La CCI France Malaisie répondra d’autant plus à l’appel à référencement de Business France qu’elle y voit un autre intérêt :« Comme les CCI françaises à l’étranger ne sont pas dans la TFE, seule une délégation peut nous aider à maintenir nos relations avec nos homologues en France. Nous aurons plus droit de leur parler », se félicite le directeur de la CCI France Malaisie.
Une manière de contourner la TFE ? Reste à gagner sa place dans les référencements. A suivre.
François Pargny