« Notre besoin de
financement est estimé à deux milliards d’euros », a expliqué Abdelhamid
Triki, ministre de la Planification et de la coopération internationale, en
recevant Lemoci.com dans ses bureaux, le 13 mai à Tunis. Depuis la
« révolution du jasmin », plusieurs secteurs « souffrent »,
constate le ministre, comme le tourisme et le transport aérien, et le
gouvernement prévoit cette année une croissance, « comprise entre 0 et 1
% », et une hausse du nombre de chômeurs de « 490 000 à
700 000 ».
C’est dire l’importance du Sommet
du G8, qui réunira les huit premières puissances mondiales, à Deauville, les 26
et 27 mai.
Invitée, tout comme l’Égypte, la Tunisie va pouvoir présenter son plan de
relance économique, qui tient en quatre points : gouvernance,
emploi-formation professionnelle, appui au secteur financier, action sociale et
développement des régions défavorisées, dites de l’intérieur.
Malgré cette invitation, Tarak
Chérif, qui co-préside le Conseil de chefs d’entreprise France-Tunisie, estime
que le soutien de la France reste « timide ». Le gouvernement de
transition à Tunis, qui restera en place jusqu’à l’élection de l’Assemblée
constituante du 24 juillet, est soumis à une forte pression, alors que le pays
fait l’apprentissage de la
démocratie. L’environnement politique et social demeure, de
fait, instable, rapportait Lemoci.com à Tunis, le 11 mai.
Or, après le 24 juillet, un deuxième gouvernement intérimaire sera nommé. Et il
faudra encore que la
nouvelle Assemblée décide d’une nouvelle Constitution pour que
se tiennent, enfin, des élections législatives et présidentielles.
Le gouvernement a pris des
mesures d’urgence, comme des aides aux habitants des régions défavorisées et
des allocations aux familles qui ont fui la Libye. « Mais nous nous
attachons aussi à poursuivre les programmes d’infrastructure », assure
Abdelhamid Triki. Ainsi, un accord vient d’être conclu avec le Fonds arabe pour
le développement économique et social (Fades) pour la réalisation de
l’autoroute Beja-Boussalem au nord-ouest vers la frontière algérienne.
Alors que le projet de port en eau profonde à Enfidha, entre Sousse et
Hammamet, est très controversé en Tunisie, le ministre de la Planification le
défend, car, affirme-t-il, « sa construction est essentielle à l’essor des
régions de l’intérieur ».
« Le développement des
régions de l’intérieur va générer des investissements dans les infrastructures,
l’immobilier ou le second œuvre du bâtiment. Il y aura aussi de nouveaux
investissements, rendus possibles après la disparition du clan Ben
Ali-Trabelsi. Et, enfin, les négociations salariales en cours vont profiter à
la consommation domestique », détaille Habib Gaïda, directeur général de
la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI). Pour le
dirigeant de la CTFCI, « les entreprises françaises doivent être
prêtes », car, « dans un à deux ans, ce sera trop tard ». Enfin,
si l’Union européenne accorde aussi à la Tunisie le statut de pays avancé,
Tunis sera peut-être obligé d’accélérer l’ouverture du marché des services,
notamment dans le commerce (distribution, franchise…).
Pour la création d’emplois, les
investissements directs étrangers (IDE) demeureront essentiels. Or, « je
connais plusieurs groupes internationaux, dont des français avec des projets
d’implantation, notamment dans l’automobile et l’électronique », délivre
Patrice Pierret, directeur de la ligne Tunisie de l’entreprise de logistique OTI
Tunisie (groupe Vectorys). « Certes, les opérateurs économiques se
montrent attentistes à l’heure actuelle, mais, que je sache, aucune entreprise
française n’a fermé boutique », renchérit Tarak Chérif. Bien au contraire,
« toutes les sociétés exportatrices installées en Tunisie, sauf dans le
textile, annoncent des croissances de leurs chiffres d’affaires de l’ordre de 20 % »,
observe Patrice Pierret. Malgré l’instabilité politique et sociale, elles se
déclarent généralement confiantes dans l’avenir de la Tunisie.
François Pargny, envoyé spécial à Tunis