Les inquiétudes des producteurs européens d’acier à revêtement organique ont été entendues à Bruxelles. Dans un communiqué, la Commission européenne a en effet annoncé, le 3 mai dernier, l’extension des mesures antidumping visant les importations en provenance de Chine – mises en place en 2013 – pour une période de 5 ans. Les droits de douane ont été fixés dans une fourchette de 13,7 % à 58,3 %. Et, c’est une première, ceux-ci ont été déterminées par la nouvelle méthodologie de calcul des droits antidumping, adoptée par l’Union européenne (UE) en décembre 2017 pour renforcer son arsenal de défense commercial. L’occasion de faire un point sur cette nouvelle approche.
Plus de distinction entre économies marchandes et non marchandes
Celle-ci s’applique aux produits importés en provenance de pays où il existe des distorsions importantes du marché ou dans lesquels l’Etat pèse significativement sur l’économie. Contrairement à l’ancienne méthode de calcul, la nouvelle ne fait plus de distinction entre économies marchandes et non marchandes. Elle vise donc à être appliquée, de la même façon, à tous les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) lorsque des distorsions de marché sont décelées.
« Influence forte de l’Etat ou des politiques publiques sur l’économie ; présence importante d’entreprises d’Etat ; discriminations en faveur des entreprises nationales ; manque d’indépendance du secteur financier », autant d’exemples figurant dans le texte et pouvant justifier l’imposition de droits antidumping par Bruxelles. Ceux-ci seront calculés en se référant, soit aux coûts de production et aux prix de vente pratiqués dans des pays où le niveau de développement est similaire à l’Etat visé, soit « en fonction des coûts de production et des prix internationaux, non faussés, pratiqués sur les marchés », précise le document.
Les Chinois n’ont pas répondu à l’enquête de Bruxelles
L’extension des mesures antidumping visant certains produits d’acier chinois à revêtement organique, principalement utilisé dans le secteur de la construction, fait suite à une plainte, déposée fin 2017 à la Commission, par Eurofer. Selon l’Association européenne de la sidérurgie, l’expiration des mesures adoptées en 2013, risquait d’entraîner la réapparition du dumping et du préjudice causé à l’industrie de l’UE.
Pour mener son enquête, l’exécutif européen a envoyé une série de questionnaires aux producteurs de l’Union ainsi qu’aux producteurs/exportateurs chinois, afin d’obtenir des informations sur les prix et coûts à l’exportation, les prix et coûts sur le marché intérieur, les capacités, la production, les investissements, etc. Compte tenu du poids de l’intervention étatique en Chine – en particulier dans le secteur de la sidérurgie – et en l’absence de coopération des producteurs et des pouvoirs publics chinois, qui n’ont pas répondu aux questionnaires envoyés lors du lancement de l’enquête, « la Commission a conclu qu’il n’était pas approprié d’utiliser les prix et les coûts sur le marché intérieur pour déterminer la valeur normale en l’espèce », peut-on lire dans le Règlement publié dans le Journal Officiel de l’UE.
Résultat: ce sont les coûts de production et de vente pratiqués au Mexique, pays au niveau de développement similaire mais où les prix sont jugés non faussés, qui ont servi de référence durant l’enquête. « Sur cette base, la marge de dumping moyenne pondérée, exprimée en pourcentage du prix CAF frontière de l’Union avant dédouanement, s’élevait à 134 % (…). La Commission a donc conclu que le dumping s’était poursuivi pendant la période d’enquête de réexamen », stipule le Règlement.
Autre élément à charge retenu au cours de l’enquête : l’existence de mesures commerciales similaires contre les exportations chinoises en Inde, en Malaisie, au Pakistan, en Turquie et au Viêt Nam. Aux Etats-Unis, l’acier et tous ses produits dérivés sont eux aussi soumis à des droits de douane de 25 % depuis janvier 2018. L’abrogation des droits antidumping mis en place en 2013 aurait donc eu, comme probable conséquence, « une réorientation des produits chinois, destinés à ces pays, vers le marché plus lucratif de l’UE », s’est justifiée la Commission à Bruxelles.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles