« Nous avons un problème de diversification, mais si cette question reste théorique, nous aurons des problèmes », déclarait, au cours du World Economic Forum, Alexandre Barro Chambrier, le ministre de l’Energie et des Mines du Gabon, un pays qui dépend du pétrole et du manganèse (90 % des exportations et presque 50 % du PIB).
« Nous sommes le deuxième producteur mondial de manganèse, mais nous ne le transformons pas. »
Les niveaux stratosphériques atteints par les cours du pétrole et des minerais, même s’ils sont récemment redescendus, ont conforté des modèles économiques fondés sur l’exportation de matières premières. Une manne souvent mal gérée, qui ne profite ni au reste de l’économie, ni à la population. De nombreux pays africains veulent aujourd’hui développer des industries nationales de transformation des ressources minières et conserver sur leur sol la valeur ajoutée ainsi créée. Un discours encore largement incantatoire.
Mais la prise de conscience est là. « Nous ne devons pas oublier qu’en tant que continent, nous avons un pouvoir de négociation. Nous produisons les minerais que d’autres pays n’ont pas et dont ils ont besoin », déclarait Rob Davies, le ministre du Commerce d’Afrique du Sud, au cours du même forum. Et le ministre de suggérer de produire sur place des alliages de titane, dont l’exportation rapporterait plus que celle de la matière brute.
Transformer est devenu le maître mot des dirigeants africains. Et nombreux sont ceux qui envisagent l’étape suivante : produire des biens de consommation sur place, dans des usines appartenant à des entreprises africaines. D’autant qu’une classe moyenne émerge en Afrique. Selon la Banque africaine de développement, 313 millions de personnes en font partie, soit 63 % de plus qu’il y a dix ans. Ils dépensent entre 2 et 20 dollars par jour. Vêtements, téléphones portables, voitures, billets d’avion, restaurants, supermarchés… Cette classe moyenne a des besoins nouveaux et attise les convoitises. Wal-Mart a pris en 2010 51 % du holding sud-africain Massmart. 600 enseignes KFC, en plus des 600 existantes, doivent ouvrir dans les prochaines années. Nestlé a annoncé en juillet 2010 un nouvel investissement de 112 millions d’euros dans 20 pays d’Afrique équatoriale et a récemment investi 53 millions d’euros en Afrique du Sud et 69 millions d’euros au Nigeria… Les besoins sont donc essentiellement satisfaits par des entreprises étrangères.
Les biens de consommation courants sont bien souvent chinois. Peu chers, ces produits viennent combler l’absence de production locale. Mais aussi empêcher son développement. Industrie minière, biens de consommation, services… Les pays africains dépendent encore largement de l’extérieur.
Sophie Creusillet
Mines : le pionnier ghanéen
La politique de gestion des ressources minières menée depuis trente ans par le Ghana fait figure de pionnière en Afrique. Dès 1986, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest qui produit de l’or, des diamants, du manganèse et de la bauxite, a mis en place un code minier. « Un des principes de ce texte, explique Joyce Aryee, P-dg de la Chambre ghanéenne des mines (GCM), était de permettre à 35 % des revenus de l’industrie minière de sortir du pays, mais 25 % devaient aller directement à la Banque centrale. En 1993, nous avons établi une commission des minerais qui accorde, ou non, les licences d’exploration et d’exploitation. Elle a deux rôles : promouvoir le secteur et le réguler. » D’autres pays, comme l’Afrique du Sud et la Tanzanie, possèdent des codes miniers élaborés, mais le Ghana a été le premier pays à passer ce cap législatif. Une avance qui lui a permis de considérer l’impact social de l’industrie minière : salaires ridicules, villes minières isolées (et désolées quand la mine vient à fermer), des infrastructures gravitant uniquement autour de cette industrie… « Nous avons mis en place une pré-licence minière. L’entreprise doit s’engager à développer des relations à long terme et respectueuses avec les communautés locales, précise Mme Aryee. En outre, une compagnie ne peut s’installer que si les assemblées locales sont d’accord. »
En 2010, le Ghana a rejoint le club des pays producteurs de pétrole, dont le pays attend des revenus qui lui permettraient de doubler la croissance de son PIB. Mais le secteur pétrolier ne dispose pas, à l’instar de celui des mines, d’une commission ad hoc… Ce qui laisse craindre les dérives, dont des problèmes environnementaux.
S. C.