L’export est d’actualité en ce début de mois de février, avec la publication, le 7, du bilan 2018 du commerce extérieur, la tenue à Paris du premier séminaire des nouveaux conseillers internationaux de la Team France export (TFE) et une présentation de ce nouveau dispositif d’accompagnement des PME à l’international au salon des Entrepreneurs. Le moment est donc bien choisi pour faire un point d’étape avec Christophe Lecourtier, directeur général de Business France.
Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé au Moci, ce dernier livre de nombreux détails sur le bilan et la feuille de route de la TFE, notamment dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de moyens avec l’État. Avec deux messages principaux : à l’adresse des entrepreneurs français, « la Team France est en marche » et, à l’attention des acteurs privés de l’accompagnement, notamment ceux de l’OSCI qui s’inquiétaient encore récemment d’en être exclus, « la TFE compte faire toute leur place aux acteurs privés ».
Le Moci. Vous venez de signer une convention en Auvergne-Rhône-Alpes pour la mise en place d’une Team France Export mais il y a encore des « trous dans la raquette » : où en êtes-vous de la mise en place de ce dispositif dans les Régions françaises ?
Christophe Lecourtier. L’année dernière, la problématique était de créer cette Team France Export (TFE) ; depuis le début de l’année 2019, on a clairement basculé dans sa mise en œuvre opérationnelle. Elle existe, elle va produire ses effets. Pour nous, l’enjeu est désormais d’accompagner cette mise en œuvre pour être sûrs qu’elle atteint tous les objectifs, quantitatifs et qualitatifs qu’on lui a fixés.
Elle est déployée aujourd’hui dans toutes les régions, sur la base de l’alliance entre les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et Business France, à l’exception de la Bretagne, avec laquelle nous devrions trouver rapidement une formule qui respecte à la fois l’organisation bretonne et la philosophie de la TFE.
Du point de vue des collectivités régionales, huit accords formels ont été signés et trois autres sont très bien engagés : avec l’Île-de-France, conformément à un communiqué conjoint de la de la Région, de la CCI de Paris Île-de-France, de Business France et de Bpifrance publié le 23 novembre 2018, il devrait être conclu après l’adoption du Plan régional d’internationalisation des entreprises (PRIE) par le conseil régional ; avec l’Occitanie et la Corse, j’ai bon espoir que les accords puissent être signés dans les prochaines semaines.
« Aujourd’hui, la Team France c’est 235 conseillers internationaux sur le terrain »
Le Moci. Où en est-on des renforts de Business France dans les CCI ?
Christophe Lecourtier. Nous avons fait à peu près 90 % du chemin. Aujourd’hui, la Team France c’est 235 conseillers internationaux sur le terrain, dont 160 sont issus des CCI et pour le reste, de Business France. En plus des 38 conseillers déjà positionnés dans l’environnement Bpifrance, nous avons quasiment achevé le déploiement des 38 nouveaux postes de conseillers au sein des CCI.
Conformément à ce que nous avions souhaité, nous avons donc une force en place dans les CCI qui, à quelques exceptions près, sont le « guichet unique ». Cette force est caractérisée par une spécialisation sectorielle que nous avons proposée aux Chambres et qu’elles ont acceptée : huit conseillers sur 10 seront « sectorialisés ». Cela permettra de proposer aux entreprises un continuum d’accompagnement, de la France à l’étranger, en fonction de leur profil d’activité dans de grands domaines comme l’industrie, les biens de consommation, les cleantech, l’art de vivre, la santé, l’agrotech…
Bien sûr, notre apport, ce sont des hommes et des femmes qui renforcent les équipes des Chambres, dans un contexte budgétaire contraint pour chaque acteur. Mais cette alliance se fait dans le respect des atouts et des avantages comparatifs de chacun.
Pour les Chambres, ce sont la notoriété, la connaissance du tissu local, et le fait qu’elles sont reconnues comme le principal acteur de proximité, comme en attestent les sondages auprès des entreprises. Pour Business France, ce sont la spécialisation sectorielle et toute une série de process qui permettent, en accord avec les Chambres, d’améliorer l’homogénéité des services, la performance de la relation client et le reporting sur l’usage qui est fait de l’argent public, qu’il provienne de l’Etat ou des Régions. Nous apportons aussi toutes nos données, sur les entreprises, les filières, les marchés à l’étranger, qui seront intégrées dans le pot commun de l’alliance avec les Chambres.
« La Team France est en marche »
Le Moci. À cet égard, où en êtes-vous du chantier des outils numériques de cette « Team France » ?
Christophe Lecourtier. Nous avons proposé à l’État un projet d’investissement dans des outils digitaux, qui consiste en un CRM (système de gestion de la relation client) et des plateformes régionales de solutions intégrant tous les acteurs de la Team France. L’investissement total est de 10 millions d’euros. Sur ce montant, Business France apporte 4 millions sur fonds propres et a réussi à décrocher un financement de 6 millions du Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). C’est vraiment nous, avec le concours des partenaires, qui avons porté ce dossier qui bénéficiera à tous.
Ces outils sont en plein développement. Nous devrions pouvoir livrer au mois de mars le premier lot du CRM dans quelques régions pilotes – Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes-Nouvelle Aquitaine, Île de France- pour le tester en grandeur nature avant de l’étendre, probablement à l’été, dans l’ensemble des régions de France.
Ce qui est important, c’est que tout démontre que nous avons achevé en 2018 la construction de l’essentiel de la TFE et que nous sommes vraiment, en 2019, dans la mise en œuvre : les équipes de coach sont constituées, les outils numériques arrivent, le travail sur les portefeuilles d’entreprises et les objectifs est en train d’être fait.
Pour la première fois, nous réunissons les 6 et 7 février tous ces collaborateurs venus des quatre coins de France à la CCIP Île de France pour une après-midi, à Business France le lendemain. L’objectif est qu’ils se rencontrent et partagent leurs savoir-faire afin de mieux travailler ensemble. Nous avons également prévu d’intervenir au salon des entrepreneurs le 6 février pour faire passer ce message que la Team France est en marche.
Le Moci. Pourquoi communiquer maintenant ?
Christophe Lecourtier. C’est le bon moment car les chiffres du commerce extérieur, qui sont dévoilés le 7 février, montrent que les exportations vont mieux puisqu’elles progressent, pour la deuxième année consécutive, plus vite que les importations. Il y a sans doute chez les entreprises, même si elles ont des motifs d’inquiétude liés à la situation internationale qui peuvent les conduire à y réfléchir à deux fois, une envie plus grande d’aller à l’export. En tout cas nous, nous souhaitons leur dire que nous sommes prêts, nous allons aller vers elles et leur proposer de passer à l’acte.
« Nous avons dû diminuer assez sensiblement, de l’ordre de 12-13 %, notre présence à l’étranger »
Le Moci. On note qu’il y a également eu de nombreux départs de chez Business France…
Christophe Lecourtier. La constitution de la Team France a fait l’objet d’un assez grand redéploiement des effectifs en partant du principe que la bataille de l’export se gagnant dans les territoires, il fallait construire ce réseau France avec un apport de collaborateurs de l’agence. Et par ailleurs, nous sommes amenés comme tous les opérateurs de l’État, à faire des économies et des réductions de postes. Nous avons donc dû diminuer assez sensiblement, de l’ordre de 12-13 %, notre présence à l’étranger, avec des formules de remplacement respectant nos standards qui, nous l’espérons, feront que l’impact sera aussi neutre que possible sur les entreprises et, j’y reviendrai, feront toute sa place au secteur privé.
Ici à Paris, la question a été posée aux collaborateurs de savoir s’ils souhaitaient aller en Région. Pour des raisons diverses, la mobilité n’est pas toujours un choix très facile. Certains ont opté pour cette mobilité interne, d’autres non. Nous avons proposé, pour ceux qui le souhaitaient, la possibilité de mener un projet personnel hors de l’agence dans le cadre d’une formule de rupture conventionnelle collective (RCC). Elle a eu un certain succès puisqu’un peu moins de 40 collaborateurs ont quitté l’agence, tous sur la base du volontariat et dans de bonnes conditions d’indemnisation, avec un projet personnel que nous les avons aidé à développer avec le concours d’un cabinet spécialisé. Certains avaient en tête leur projet depuis très longtemps. Personne n’a été poussé dehors.
Le Moci. La construction de la Team France, c’est aussi à l’étranger. Toutes les opérations CSP et DSP promises ont été réalisées, sauf en Espagne et en Russie. Quel est le calendrier des prochaines opérations, dans ces derniers pays ? Envisagez-vous de nouveaux pays d’expérimentation dès cette année ?
Christophe Lecourtier. L’essentiel de notre plan de redéploiement à l’étranger a été réalisé en 2018. Nous avons fait six concessions de service public (CSP) dans des pays importants comme Singapour, la Belgique, ainsi qu’en Hongrie, au Maroc, en Norvège, aux Philippines. Et nous avons, par appel d’offres, choisi deux partenaires pour des marchés de service public au Japon et à Hong Kong, deux autres pays très importants.
En 2019, nous avons prévu de traiter, assez vite, probablement au premier semestre, quatre autres marchés. Le premier, vous l’avez mentionné, c’est la Russie, où nous allons proposer avant l’été des solutions très opérationnelles pour des PME françaises qui souhaitent se développer dans ce pays en impliquant les acteurs privés présents à Moscou. On va vraiment être dans un esprit « Team France Export », où Business France continuera à orienter des PME vers le marché russe et s’appuiera, selon des standards bien définis dans l’appel d’offres, sur les acteurs privés qui auront été choisis au terme de l’appel d’offres. La même chose sera faite dans les marchés un peu moins importants mais non négligeables que sont le Kazakhstan, le Liban et la Grèce.
Le Moci. L’Espagne n’est plus à l’ordre du jour ?
Christophe Lecourtier. Sur l’Espagne, l’analyse récente qui a été faite par nos tutelles comme par nous conduit à juger qu’il n’est pas pertinent pour le moment de modifier le statu quo. Les conditions ne sont pas réunies. Le bureau de Business France, qui performe très bien, poursuit ses activités dans le cadre actuel.
En 2019, la TFE va « embarquer le plus grand nombre possible d’acteurs privés »
Le Moci. Et le secteur privé ?
Christophe Lecourtier. 2019 sera l’année du privé. Pour moi c’est très clair, cela signifie embarquer le plus grand nombre possible d’acteurs privés.
Nous commençons très vite, le 6 février, par une convention avec les CCEF (conseillers du commerce extérieur de la France), qui ont certes une mission de service public mais qui sont des personnalités du secteur privé. Cette convention va définir très précisément les conditions dans lesquelles le réseau des CCEF en région et à l’étranger sera porteur de solutions, qu’elles concernent le parrainage ou des solutions financières. Concrètement, les CCEF seront branchés sur les plateformes de solutions, en France et à l’étranger.
Le Moci. Tout le monde est-il d’accord pour rejoindre ces plateformes ?
Christophe Lecourtier. Personne n’y est obligé, nous on démarche tout le monde pour les différents compartiments : le financement, les aides, les questions de ressources humaines, la logistique, les problématiques douanières, le conseil stratégique, etc.
Ce que l’on souhaite, c’est que la plateforme réponde à son ambition : ne pas intégrer une organisation pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle propose. Il faut qu’elle soit porteuse d’une solution qui réponde à une question, nous ne voulons plus de portail administratif où chacun parle plus de lui que de ce qu’il peut apporter aux entreprises clientes.
La plateforme est orientée client. Elle doit permettre à l’entreprise de se poser toutes les bonnes questions préalables grâce à un pré-diagnostic de ses forces et de ses faiblesses et, en fonction des résultats, d’aller chercher les solutions pour avancer et aboutir, une fois qu’elle sera confortée, à une prise en main par un coach pour mettre en place un plan de développement à l’international.
« Je peux vous confirmer que les OSCI sont officiellement revenus à la table de discussion »
Le Moci. Que répondez-vous aux critiques de l’OSCI, dont les membres craignent d’être marginalisés par l’alliance Business France – CCI ?
Christophe Lecourtier. Je ne méconnais pas ces critiques d’autant plus qu’on a dialogué avec l’OSCI depuis le début du projet. Je fais un peu mon mea culpa, c’est vrai que l’on a passé beaucoup de temps en 2018 à cimenter l’alliance des acteurs publics car il fallait évidemment créer le cœur du dispositif avant d’y associer d’autres acteurs. Peut-être n’avons-nous pas suffisamment maintenu le dialogue avec les acteurs privés et Etienne Vauchez nous l’a rappelé. Ce cœur du réacteur, ce sont les Régions, les CCI, Bpifrance et Business France. Il est maintenant constitué dans la plupart des Régions. Je l’ai déjà indiqué, ma volonté est qu’en 2019, on puisse s’ouvrir très largement au privé.
Outre les CCEF qui en sont une composante, la TFE va proposer aux OSCI mais aussi aux CCI françaises à l’étranger (CCIFI) de pouvoir, aux deux bouts du parcours de l’entreprise de France au marché étranger, faire valoir leurs solutions. En France, cela s’adresse essentiellement aux OSCI, que ce soient les sociétés de négoce ou les sociétés d’accompagnement à l’international (SAI).
Il y a eu un peu de friture sur la ligne à la fin de l’année dernière, nous nous en sommes expliqués, et je peux vous confirmer que les OSCI sont officiellement revenus à la table de discussion avec l’objectif d’aboutir très rapidement à des réponses concrètes comme celles que j’évoquais précédemment. Ces acteurs souhaitent, comme moi, que ces discussions débouchent concrètement sur leur arrimage à la plateforme des solutions et, à l’étranger, sur leur référencement.
Qu’est-ce que cela signifie ? En France, on est sur la logique que je vous ai décrite : il n’y aura pas une galerie dédiée à l’OSCI, ce seront aux membres de dire quelles solutions ils peuvent proposer aux entreprises selon leur besoin, qu’il s’agisse de représentation commerciale pour les sociétés de négoce ou d’accompagnement pour les SAI. Je suis acquis à l’idée –et j’en ai parlé aux CCI de France- que les solutions des OSCI puissent être d’abord des solutions complémentaires des nôtres, pour des services que la Team France Export n’offre pas, typiquement ce que font les sociétés de négoce.
Mais je n’ai pas de difficulté, et je l’ai écrit dans mon rapport, avec l’idée de faire figurer sur nos plateformes régionales des solutions portées par certaines OSCI et qui soient concurrentes des nôtres, une alternative à l’offre du service public. C’est un point essentiel : ma vision du service public n’est pas celle d’un service public qui exclut ou qui cantonne les acteurs privés dans une friche. C’est celle d’un service public qui n’a pas de difficulté à proposer, à travers la plateforme des solutions, une offre alternative de la nôtre, qui propose un accompagnement de bout en bout de l’entreprise. Ce sera à cette dernière de faire la part des choses entre ce que lui offre le service public, ce que lui offre le secteur privé, et pourquoi pas le meilleur des deux !
À l’étranger « nous allons référencer, via des appels à candidatures, les acteurs privés »
Le Moci. Comment cela va-t-il se passer à l’étranger ?
Christophe Lecourtier. Nous allons référencer, via des appels à candidatures, les acteurs privés qui peuvent être soit des CCIFI soit des sociétés privées, et qui sont porteurs de solutions complétant celles qu’on offre à nos clients. Nous, nous sommes en charge de l’amorçage, la découverte, les premiers pas sur un marché avec le choix d’un distributeur ou d’un importateur. Si cette étape est couronnée de succès, l’entreprise va avoir d’autres besoins : établissement d’une représentation commerciale ou création de filiale, conseils juridiques et fiscaux, portage salarial, hébergement, etc.
Ces services, qui sont d’ailleurs à plus forte valeur ajoutée que ceux que nous proposons, nous sommes convaincus de plusieurs choses : la première c’est que nous n’allons pas aller sur ces terrains là, nous ne franchirons pas la frontière entre l’amorçage/prospection et l’ancrage ; la deuxième est, qu’en revanche, nous avons intérêt à donner à l’entreprise plus que les pages jaunes de l’annuaire local pour trouver le prestataire qu’il lui faut. Nous allons donc référencer les acteurs en fonction de leurs atouts et devenir ainsi apporteur d’affaires à ces acteurs dans les différentes rubriques de solutions que j’ai déjà citées.
Dans tous les marchés possibles, nous allons ainsi référencer les acteurs, ayant de préférence une composante française -notamment pour des soucis de langue-, afin de pouvoir orienter vers eux nos clients. Et ces acteurs auront le droit, une fois référencés, de mettre sur leur site Internet ou leur carte de visite « solution Team France Export ». On peut ajouter que plus la TFE en France mobilisera des entreprises, plus ces acteurs référencés à l’étranger verront leur activité et leur chiffre d’affaires augmenter.
On entre vraiment dans une logique de solidarité, solidarité d’abord public-public au service du client, pour lui offrir un parcours sans coutures, le plus loin possible dans l’aventure du développement international, mais aussi solidarité entre le public et le privé puisque nous devenons apporteur d’affaires et que nous cassons toute muraille de Chine ou tout mur de Berlin qui pourrait exister entre les intérêts des uns et des autres. Nous comptons beaucoup sur les CCIFI et les OSCI pour jouer ce jeu là et constituer autour de nous une large palette de solutions.
Afrique, Chine, Allemagne : « J’ai demandé aux patrons de ces zones de réfléchir à des innovations de toute nature »
Le Moci. Dans la stratégie nationale annoncée par le Premier ministre en février 2018, il était question du renforcement de Business France en Afrique, en Chine et en Allemagne alors que l’on commence à entendre parler de certains désengagements dans d’autres zones, comme aux État-Unis, où il est question de la fermeture du bureau d’Atlanta. Pouvez-vous nous faire un point sur ce sujet ?
Christophe Lecourtier. En ce qui concerne les CSP et marchés de service, nous achevons donc deux vagues d’attribution, une en 2018 et une autre en 2019, que j’ai évoquées. On se donnera ensuite un peu de temps, au moins 18 mois, pour évaluer la performance des nouveaux dispositifs.
Parallèlement à cela, on a retenu trois géographies principales que nous considérons comme prioritaires pour les entreprises françaises. Je vous confirme qu’en Afrique, en Chine et en Allemagne, nos effectifs demeurent absolument stables ce qui aujourd’hui, dans le contexte d’une réduction de 13 % de notre effectif, montre que ce sont des zones prioritaires à nos yeux.
Par ailleurs, j’ai demandé aux patrons de ces zones de réfléchir à des innovations de toute nature pour permettre de faire encore plus avec le même nombre de collaborateurs. Ils deviennent ainsi des laboratoires.
Un exemple avec la Chine. Le marché de services à Hong Kong à été attribué à la CCIFI qui était notre concurrent historique et qui est désormais notre associée, devenant le guichet unique d’accueil et partageant avec nous le plan de charge. Et en Chine continentale, nous avons ouvert à Shenzhen un bureau partagé avec la CCIFI pour la Chine du Sud, une région où le réseau commercial français était peu présent, et les collaborateurs mènent des actions conjointes pour les entreprises françaises.
Vous mentionnez les États-Unis : notre objectif est une stabilité des effectifs dans ce pays, l’équipe nord-américaine travaille très bien, ce qui n’interdit pas de réfléchir à des redéploiements. Nous avons décidé de conserver le bureau de Houston et de fermer le bureau d’Atlanta.
Le Moci. Et sur l’Allemagne ?
Christophe Lecourtier. L’Allemagne est d’abord pour nous une destination de grands salons internationaux. Notre objectif est, tout en conservant notre présence sur les grands salons mondiaux allemands, de davantage axer le travail de nos équipes sur l’accompagnement individuel des entreprises vers le marché allemand proprement dit. Le climat est peut-être moins favorable en ce moment puisque l’économie allemande ralentit, mais dans notre autre activité qu’est l’Invest, on relève que l’Allemagne est devenue, en 2017, le premier investisseur étranger dans le secteur industriel en France.
Le Moci. Allez-vous renforcer le réseau en Afrique ?
Christophe Lecourtier. Ce que nous avons fait, c’est de confier l’animation de ce réseau à un patron et des collaborateurs de la nouvelle génération, jeunes, dans certains pays. Comme l’a dit le Président de la République c’est le continent de la jeunesse et pour mieux comprendre ces marchés aujourd’hui, il faut être de la même génération. On a un patron au Nigeria qui a une trentaine d’années, une patronne au Cameroun également, de même qu’en Éthiopie. Et là encore, on va essayer de tisser un réseau en s’appuyant également sur les acteurs privés.
L’enjeu pour nous, c’est que ce sont des marchés très attractifs pour les entreprises françaises, mais paradoxalement, si les marges sont élevées, l’information économique est rare est donc le risque est élevé. Pour moi, la solution est de multiplier les partenariats avec des acteurs locaux pour faire bénéficier aux entreprises françaises de leurs connaissances. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : sur le plan économique, la France s’est fortement désengagée d’Afrique depuis une décennie. Avec le retrait de certains grands réseaux bancaires français au profit de groupes étrangers, notamment marocains, on a perdu de précieux capteurs. Pour recréer une position commerciale plus forte, on va donc essayer de retrouver des capteurs avec des acteurs privés, y compris les Chambres de commerce.
Cela reboucle sur mon idée d’année du privé ! La TFE compte faire toute leur place aux acteurs privés, que ce soit sous la forme de CSP, de marchés de services, ou de référencement de services complémentaires. Je l’ai dit à toutes mes équipes : 2019 sera vraiment l’année du privé, une année où on va vraiment intégrer, raccrocher, embarquer dans la Team France Export le plus d’acteurs privés possibles mais d’une façon ordonnée et qui repose sur les solutions qu’ils procurent et non pas seulement sur la marque ou l’organisation qu’ils représentent.
« Toutes les réformes que nous menons doivent être faites en préservant un équilibre financier durable de l’agence »
Le Moci. Vous avez signé récemment avec l’État une « COM » – convention d’objectifs et de moyens-*, qui succède donc à une « COP » – convention d’objectifs et de performances- pour la période allant jusqu’à 2022. Quels sont ses objectifs ?
Christophe Lecourtier. Le changement de terminologie a son importance : on a des engagements sur les objectifs, mais en contrepartie, on a aussi des engagements de l’État sur les moyens. Nous sommes le premier opérateur public français à avoir signé un COM sous cette législature. Je me suis beaucoup battu pour cela, et ça nous offre un cadre de stabilité et de prévisibilité que l’on avait perdu. En échange on nous demande beaucoup de rigueur.
Concernant les objectifs, dont plusieurs seront partagés avec les CCI, ils sont simples : c’est la mise en œuvre de la stratégie, avec des indicateurs jusqu’à 2022 qui concernent l’activité, Export et Invest, et aussi la mise en œuvre des réformes, avec le déploiement de la TFE des outils digitaux en France, mais aussi le nombre de pays dont on se doit se retirer.
Il y a enfin un élément important pour moi, que je souhaiterai laisser lorsque je quitterai un jour cette agence que je connais bien depuis longtemps : c’est la logique d’équilibre financier du modèle économique. À la fin de la période, en 2022, on devrait être à peu près à 55 % d’autofinancement, contre 35 % à l’époque où je suis arrivé à la tête d’Ubifrance, il y a une dizaine d’années, et environ 51 % aujourd’hui. Toutes les réformes que nous menons doivent être faites en préservant un équilibre financier durable de l’agence. Business France ne pourra pas jouer durablement ce double rôle d’opérateur et d’agrégateur de solutions portés par d’autres, de pivot du système si son équilibre financier est mis à mal.
Propos recueillis par
Christine Gilguy et François Pargny
*Pour plus de détails sur les objectifs du COM 2018-2022, lire : Accompagnement / Export : les objectifs de la nouvelle convention d’objectifs et de moyens de Business France