La Tunisie devrait élaborer un
programme d’investissements de 26 milliards de dollars avant la réunion des
ministres des Finances du Groupe des huit premières puissances économiques
mondiales (G8), devant se dérouler à Bruxelles, le 12 juillet. A dire vrai,
on en parlait déjà avant le Sommet du G8, à Deauville,
les 26 et 27 mai, et l’on espérait en connaître quelques grandes lignes
rapidement. Mais force est de constater qu’avant comme après
« Deauville », les opérateurs économiques ne sont pas plus fixés sur
les priorités du gouvernement en matière d’investissements publics.
Sans doute, le fait que le
pouvoir soit exercé par un gouvernement transitoire ne facilite pas une
politique de planification. Mais surtout, il est composé, en majorité, de
ministres sans expérience – parfois des technocrates ayant quitté leurs
fonctions de chefs d’entreprise ou de banquiers en Tunisie et à l’étranger –
qui ont dû modifier les priorités géographiques du programme existant pour
tenir compte des besoins des régions de l’arrière pays. De fait, alors que 80 %
des investissements publics étaient prévus dans les zones du littoral et 20 %
dans le reste du pays avant « la révolution du jasmin »,
la proportion est maintenant inversée au profit des régions de l’intérieur. Il s’agit des plus pauvres, celles où la révolte a démarré, gagnant peu à peu
l’ensemble du territoire jusqu’à la capitale, Tunis, comme a pu le constater Le Moci, lors d’un reportage en Tunisie sur les promesses de l’après-jasmin, paru le 22 juin.
Selon Bertrand Furno, le chef du
Service économique régional français à Tunis, « les investissements publics
diminuent en 2011, parce qu’un certain nombre de projets sont décalés dans le
temps ». Pour autant, plusieurs d’entre eux semblent déjà certains d’être préservés
en dépit des nouvelles priorités, dans l’énergie notamment, mais aussi pour le
Réseau ferré rapide (RFR), équivalent du RER parisien pour le Grand Tunis.
Alors que les négociations
salariales entre le patronat Utica et le syndicat de salariés UGTT entrent dans
une phase finale,
on ne sent pas non plus une demande précise d’aide de la part des milieux
d’affaires tunisiens. C’est un peu le sentiment que l’on pouvait avoir en
sortant d’un atelier d’information, organisé à Paris le 15 juin par la Chambre
de commerce franco-arabe (CCFA), en présence d’une délégation menée par la
présidente de l’Utica, Widad Bouchamaoui.
« Qu’est-ce qu’il faut
faire ? Vers quoi nous dirigeons-nous ? », interrogeait ainsi
Raphael Bello, chef du service des relations bilatérales et du développement
international des entreprises à la direction générale du Trésor et de la
politique économique. « Les entreprises françaises, ajoutait-il, ont
décidé de rester, mais il leur faut les signaux pour continuer, avec, en
filigrane, la bataille de l’emploi à mener ». Et Raphael Bello d’appeler à
réduire les barrières à l’investissement, notamment dans les services.
Selon Bertrand Furno, « dans
le cadre des négociations pour un statut avancé avec l’Union européenne, une
plus grande ouverture économique pourrait voir le jour dans le secteur
financier, les télécommunications, le commerce, la distribution et la
franchise ». De même, « une solution pour rééquilibrer le
développement économique vers l’intérieur du pays pourrait être, avance-t-il,
des formules de partenariat privé-public, dont l’avantage est d’aller plus
vite ». Enfin, un autre axe serait de créer plus de valeur ajoutée dans
l’industrie, les services et le tourisme.
« Il faut, dans sa politique
d’attraction des investissements étrangers, que la Tunisie accorde des
incitations supplémentaires pour l’implantation de bureaux d’étude et de
centres de recherche et développement », soutient aussi Jean-François
Limantour, qui préside le Cercle euro-méditerranéen des dirigeants
textile-habillement (Cedith). A court terme, le président du Cedith suggère
« l’organisation de flux d’informations économiques vers les entreprises
tunisiennes » et de rencontres d’affaires « pour des partenariats et
des investissements ».
En matière de formation, l’Agence
française de développement (AFD) est déjà très engagée en Tunisie. Tout comme
la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), avec ses nombreuses
grandes écoles (HEC…) et écoles spécialisées (cuisine, carrosserie…), a
rappelé, le 15 juin, son président, Pierre-Antoine Gailly. Lors de la même
réunion à Paris, Christophe Lecourtier, directeur général d’Ubifrance, a
souligné qu’après « un moment d’atermoiement » les PME françaises
avaient repris le chemin de Tunis. Du coup, le bureau d’Ubifrance dans la
capitale a prévu d’accroître ses opérations collectives de 20 à 25 %. Son
directeur, Jacques Torregrossa, a, au demeurant, promis « d’aider les
Tunisiens à exporter », en mettant à la disposition du Cepex (Centre de
promotion des exportations) « le stock d’études de marché d’Ubifrance dans
le monde ».
Soucieux de répondre aux besoins
des PME tunisiennes, Philippe de Brauer, vice-président de la Commission
internationale de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes
entreprises, a préconisé l’organisation d’un forum de coopération inter-entreprises, à l’instar du forum de partenariat Algérie-France, tenu à
Alger du 29 au 31 mai. Une idée aussitôt reprise par le président de la CCFA,
Hervé de Charrette, qui a souhaité associer l’Utica à cette opération. Pour
l’ancien ministre français des Affaires étrangères, une telle manifestation
doit se dérouler « dans les mois à venir ».
François Pargny