Cet article a fait l’objet d’une alerte diffusée le 9 octobre auprès des abonnés de la Lettre confidentielle.
Longtemps absent de l’assurance-crédit court terme à l’export, sauf cas exceptionnel (exemple, au pic de la crise financière de 2008-2009, où pour la Grèce quelques années plus tard), l’État y fait un retour remarqué, de façon permanente. Permettre aux PME et ETI françaises de se couvrir contre le risque d’impayés et ainsi de protéger leur trésorerie pour exporter plus facilement à destination de 17 États jugés “complexes” et vers lesquels une défaillance du marché de l’assurance-crédit export court terme (moins d’un an) a été constatée : telle est l’ambition du nouveau dispositif public-privé de réassurance de contrats d’assurance-crédit court terme « Cap Francexport », lancé officiellement le 8 octobre à Bercy.
La liste des 17 pays, qui pourra évoluer chaque année, comporte des pays en développement et émergents sur lesquels les assureurs-crédit privés sont aujourd’hui fermés : Angola, Azerbaïdjan, Bangladesh, Bénin, Comores, Éthiopie, Guinée, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Koweït, Malaisie, Mongolie, Niger, Nigeria, Oman, Ouzbékistan et Panama. Quant aux entreprises éligibles au nouveau mécanisme, il s’agit des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire), soit des entreprises affichant un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros.
Le mécanisme repose sur un partenariat public-privé : quatre assureurs-crédit, Coface, Euler Hermes, Groupama et Atradius ont accepté de s’associer à Bpifrance Assurance Export, filiale de Bpifrance en charge de gérer les garanties publiques à l’export, qui réassurera, avec la garantie de l’État, leurs opérations d’assurance-crédit court terme à destination de ces 17 États.
Palier les carences du marché privé de l’assurance-crédit
Annoncé lors de la dernière journée Bercy financements export, le 8 mars dernier, Cap Francexport est en l’occurrence le fruit d’une réflexion menée conjointement, ces six derniers mois, par l’État avec les assureurs-crédit privés et Bpifrance Assurance Export, dans le but de renforcer le soutien aux entreprises françaises qui souhaitent développer leurs courants d’affaires à l’international dans des pays où le risque commercial est particulièrement élevé.
Effectif immédiatement, il s’inscrit dans la droite ligne des annonces du Premier ministre Édouard Philippe à Roubaix, le 23 février dernier, pour présenter la stratégie de soutien à l’export du gouvernement, qui vise à résorber le déficit commercial abyssal de la France en relançant les exportations vers ces 17 pays.
« Dans le cadre d’une concurrence mondiale de plus en plus rude, la compétitivité de l’assurance des crédits export est devenue un levier majeur que nous avons reconnu », a ainsi déclaré Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, lors du lancement officiel de Cap Francexport à Bercy. « C’est un levier, a-t-elle ajouté, qui permet aux entreprises françaises de conquérir de nouvelles parts de marché à l’international ». À condition toutefois que l’écosystème de l’assurance-crédit export soit « fertile » et « complémentaire », « avec des financeurs, des assureurs, des acteurs publics, des acteurs privés », a-t-elle poursuivi. Objectif : réduire le risque d’impayé, qui effraie les exportateurs, tout en leur permettant de proposer à leur client un délai de paiement.
« Dans le cadre de la concertation que nous avons mené avant l’élaboration du projet de la Loi Pacte, nous avons constaté que parfois dans certains pays difficiles le secteur assurantiel pouvait se montrer très frileux en raison des risques importants associés à ces pays », a justifié la secrétaire d’État. « Il est plus difficile, a-t-elle poursuivi, de couvrir des crédits export de court terme vers certaines destinations comme l’Angola, le Niger mais aussi l’Éthiopie ou l’Ouzbékistan ». Or, l’absence de cette couverture assurantielle conduit souvent à restreindre les canaux de financement des opérations des petites entreprises, en particulier, qui sont plus vulnérables. « Parfois même elles sont conduites à abandonner des projets d’exportations », a regretté Delphine Gény-Stephann.
Partage des risques
« Nous ne croyons pas que l’intervention directe de l’État soit toujours la meilleure solution, nous voulons une approche au sein de laquelle l’État agit en complémentarité du marché plutôt qu’en substitution du marché », a signalé Delphine Gény-Stephann. Le nouveau mécanisme est innovant car les rôles sont partagés : État et assureurs privés d’un côté, et au milieu Bpifrance Assurance Export, la filiale de Bpifrance depuis le 1er janvier 2017 . « Cap Francexport est un dispositif public de réassurance court terme permettant aux assureurs-crédit privés d’être réassurés par l’État en cas de défaillance de marché sur certains pays », a résumé Eric Lenoir, président d’Euler Hermes France.
Concrètement, les exportateurs pourront bénéficier de complément de couverture court terme sur une liste de pays bien définie, au nombre de 17 cette année. Deux solutions sont proposées : une garantie de couverture complémentaire qui permettra de doubler les garanties des assureurs-crédit, et une garantie de couverture intégrale pour couvrir des acheteurs qui ne seront pas couverts.
L’État s’appuiera sur la dotation des assureurs-crédit et leur expertise en matière d’évaluation du risque pour fixer les plafonds de couvertures.
La menace ou le risque d’impayés est le frein essentiel à l’exportation pour 60 % des dirigeants d’entreprises, a encore précisé président d’Euler Hermes France. « De manière globale, on peut dire que le risque d’impayés s’accentue à l’exportation, on constate une hausse de 8 % en 2018 et une hausse autour de 5 % en 2019 », a précisé Eric Lenoir. « La première contribution des assureurs à l’économie productive, c’est de prendre des risques, ce sont des preneurs de risque », a rappelé pour sa part Arnaud Chneiweiss, délégué général de la Fédération française de l’assurance.
Venice Affre
Pour prolonger :
– Financements / Export : Bercy renforce son arsenal pour doper les exportateurs
– Guide Gérer les risques d’impayés à l’export – 1ère édition 2018