L’image et la réputation des vins français demeurent sans égal dans le monde. Mais la France n’est pas sans rivale, loin s’en faut. Il suffit de penser à l’Italie au Canada ou à l’Australie en Chine. Telles sont les principaux enseignements du Wine Trade Monitor 2018, réalisé par Sopexa auprès de 781 fournisseurs (agents, importateurs, grossistes, soit les deux tiers) et distributeurs (un tiers) de six pays : Belgique, Canada, Chine, États-Unis, Hong Kong et Japon.
Le résultat est sans ambigüité : pour 92 % des professionnels interrogés, l’origine française demeure la référence ; et, en 2017, elle arrivait en tête des ventes globales de 82 % des opérateurs. Plus encore, expliquait, le 18 septembre, François Collache, directeur Vins et spiritueux de Sopexa (notre photo), « l’origine France demeure la priorité pour un opérateur sur deux en 2018-2019 ».
L’Italie, leader au Canada
Toutefois, l’Italie se placerait juste derrière la France, puisque, pour 41 % des opérateurs, ce seront les vins italiens qui gagneront le plus de terrain, l’Espagne complétant le podium avec un score de 39 %.
Si la France va conforter sa position en Belgique, aux États-Unis et à Hong Kong, au Canada c’est l’Italie dont les ventes en volume progresseront le plus dans les 24 mois (56 %) devant l’Espagne (48 %), la France arrivant en troisième position à égalité avec les États-Unis (38 %). Un recul relatif qui peut avoir plusieurs explications : d’abord, une trop forte concentration historique de la France sur le Québec ; ensuite, l’ouverture des monopoles canadiens à une plus grande offre ; enfin, une meilleure adaptation des concurrents au système des monopoles. Ce serait notamment le cas de l’Italie, selon Andrea Ferrero, directeur du Consortium Barolo Barbaresco Alba Langhe e Dogliani.
« De façon générale, commentait François Collache, l’Italie se démarque par sa capacité d’adaptation et d’innovation supérieure, alors que la France dispose d’autres atouts : consommation de vins pour les grandes occasions, bonnes campagnes de communication, prise en compte du développement durable ou constance de la qualité gustative ».
Au Canada plus particulièrement, observait-il, « si la France demeure en tête pour la consommation dans les grandes occasions et le développement durable, pour les autres critères, c’est plus bataillé ».
En Chine, l’Australie domine, l’Italie progresse
En Chine, l’intérêt de l’Italie pour ce débouché est relativement récent. Selon Andrea Ferrero, le patrimoine de cépages autochtones a, toutefois, permis de rattraper le retard historique de l’Italie dans les pays tiers. Le bon rapport qualité-prix aurait également joué son rôle, ainsi que le travail de prospection à l’export des producteurs, qui se sont déplacés à l’étranger.
En Chine, bien que la Chine y ait déjà regagné du terrain, elle ne parviendra pas à se hisser sur le podium des pays fournisseurs en 2020. En effet, les origines dont les volumes progresseront le plus dans les ventes sur les 24 prochains mois seront australiennes (62 %), françaises (46 %) et chiliennes (45 %), avant d’être italiennes (42 %).
« Sur ce marché, l’Australie a fait la preuve de sa capacité d’adaptation et d’innovation », constate François Collache. Et d’expliquer que pour ce pays relativement proche géographiquement, la Chine est devenue « la cible principale, avec de grandes marques qui y ont investi, à l’instar de Constellation, Treasury Wine Estate (TWE) ou Pernod Ricard [fortement implanté en Australie, NDLR] ». En outre, Canberra et Pékin ont signé en juin 2015 un accord de libre-échange, entré en vigueur le 20 décembre de la même année, qui favorise la filière vinicole australienne.
Si, de façon générale, la Chine plébiscite les vins régionaux (bordeaux, chianti…) comme dans les cinq autres pays étudiés par Sopexa, en revanche, arrivent en deuxième position par ordre d’importance les marques, comme La Baronnie, TWE ou Mouton Cadet, ce qui est une spécificité chinoise. Dans les autres pays, c’est le bio qui occupe la deuxième place – la France occupe une position de leader dans ce domaine. « C’est un fait de société », notait François Collache, alors le bio n’est pas un argument de vente dans l’ex-Empire du Milieu. En revanche, la digitalisation dans l’acte d’achat y particulièrement développé.
« Le QR code (code-barres en deux dimensions) est extrêmement utilisé et utilisé partout », indiquait Augustin Missoffe, directeur Sopexa Chine. L’étiquette de la bouteille peut être ainsi scannée sur un téléphone mobile, ce qui permet ensuite de commander directement du vin, qui sera finalement livré en deux heures.
L’avantage de l’étiquette connectée est également de permettre une traçabilité du vigneron jusqu’au consommateur final. D’après Augustin Missoffe, Pernod Ricard a été un des précurseurs avec ses étiquettes connectées, que « l’utilisateur peut scanner avec son téléphone pour s’informer et passer à l’achat ».
Pékin augmente ses droits de douane sur les vins américains
Quant à savoir si le e-commerce de vin peut subir la guerre commerciale entamée entre Washington et Pékin, le directeur de Sopexa Chine s’est montré prudent. Les ventes sur le marché de vins américains se portent bien, malgré la hausse des taxes. En effet, dans la liste des 128 produits américains auxquels Pékin a imposé des droits de douane supplémentaires, de l’ordre de 15 à 25 %, depuis le 1er avril, figure le vin, dont les tarifs globaux sont passés de 48,2 % à 67,7 %. Selon Augustin Missoffe, les professionnels chinois auraient puisé dans leurs stocks. « Difficile maintenant de se projeter, assurait-il. Tout dépendra des stocks encore disponibles dans le futur ».
En 2017, les importations chinoises de vin en provenance des États-Unis auraient augmenté de 44 %, atteignant ainsi 75,6 millions de dollars. La guerre tarifaire entre les deux géants économiques pourrait ainsi ouvrir des opportunités pour la filière française du vin.
François Pargny