Le nouveau président du Cese veut orienter son prochain rapport annuel sur la France sur les questions de compétitivité. Un sujet au cœur de la problématique d’internationalisation des PME françaises.
Le Moci. Le déficit croissant du commerce extérieur est-il un sujet de préoccupation pour l’institution que vous présidez ?
Jean-Paul Delevoye. Oui, mais il y a plusieurs clés d’entrée dans votre question. Premier sujet, comme vous le savez, le Conseil économique et social a pris la dimension environnementale et accueille aussi des représentants de la jeunesse. À l’évidence, l’internationalisation est entrée dans quasiment toutes les saisines gouvernementales ou auto-saisines du Conseil. Il n’y a pas un sujet dans lequel la dimension européenne n’entre et c’est la raison pour laquelle nous développons un partenariat entre le Conseil économique et social européen et le Cese français.
Deuxième sujet qui va complètement conditionner notre avenir : la compétitivité française, qui doit être au cœur de nos réflexions, avec notamment l’évolution préoccupante du poids de l’économie française dans le commerce mondial. Le Cese doit aider la classe politique et les dirigeants économiques à se poser les bonnes questions. Trop souvent, un des arguments avancés, notamment par rapport à l’Allemagne, est la perte de compétitivité en matière de coûts du travail. On s’aperçoit que cette réponse est aujourd’hui insatisfaisante et qu’une des vraies questions est : sommes-nous aujourd’hui sur le bon marché, notre fragilité n’est-elle pas quelque fois camouflée par la puissance des grands groupes avec l’insuffisance des PME intermédiaires, lieux d’innovation, de créativité et d’investissement dans la R&D ?
Au-delà de l’approche simplificatrice du coût du travail, il y a peut-être d’autres sujets comme la sous-capitalisation des PME, l’insuffisance de R&D, les créneaux à haute valeur ajoutée qu’a su conquérir l’Allemagne et pas forcément nous, le fait que trop souvent nous nous sommes réfugiés derrière de grands sujets comme l’aéronautique ou l’agroalimentaire en occultant d’autres secteurs qui auraient pourtant permis de consolider la compétitivité française…
Le Moci. Considérez-vous l’internationalisation des PME françaises comme un enjeu important pour l’avenir du pays ?
Jean-Paul Delevoye. Au-delà de leur internationalisation, c’est le poids des PME françaises qui sera déterminant pour l’avenir du pays et donc, sa capacité ou non à conquérir des parts de marché extérieur. Nous avons un taux de PME de 1 à 10 salariés quasiment équivalent à la moyenne européenne et le phénomène auto-entrepreneur alimente ce secteur. Au niveau des très grandes entreprises, nous avons aussi une position tout à fait remarquable avec des leaders internationaux. Mais dans les PME intermédiaires, de 250 à 2 500 salariés, nous sommes extrêmement en dessous de la moyenne allemande, nous sommes sous-structurés. Nous avons une tête un peu hypertrophiée, une base assez solide, mais un tronc trop faible.
Le Moci. Quelle est votre vision du débat actuel, en France, sur le patriotisme économique, voire le protectionnisme ? Comment pourrait se situer la réflexion d’une institution comme le Cese sur ces questions ?
Jean-Paul Delevoye. Ni dans l’une, ni dans l’autre. En réalité, ces discours sont faits pour faire plaisir et c’est un déni de la réalité. Ériger des barrières favorise le court terme et détruit le moyen terme. En plus, si vous favorisez des partenaires dans un secteur de production donné, vous incitez les autres partenaires à mettre des barrières dans un autre système. La vraie question est : aujourd’hui, les règles du commerce international sont-elles équitables ? Elle est compliquée. On voit bien à l’OMC que les pays qui veulent se développer disent que les droits sociaux et environnementaux freinent leur développement et sont des moyens utilisés par les pays occidentaux pour empêcher leur développement. Mais, lorsqu’il y a des règles déséquilibrées qui faussent la concurrence, il faudrait que nous réfléchissions à des systèmes de taxation à l’entrée qui corrigeraient ces excès.
Propos recueillis par Christine Gilguy