La France devrait relancer son soutien à la solidarité internationale. Tel est le principal enseignement du dernier Conseil interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui s’est tenu le 8 février à la demande du président de la République. De fait, alors que l’aide publique au développement (APD) était tombée de 0,42 % à 0,38 % du revenu national brut (RNB) en 2016, elle devrait être portée à 0,44 % en 2018-2019, 0,47 % en 2020, 0,51 % en 2021 et 0,55 % en 2022. Ce ratio paraît somme toute modeste, si l’on considère qu’Emmanuel Macron s’était engagé, pendant la campagne électorale, à parvenir en 2030 au seuil de 0,7 % fixé en 1970 par l’Organisation des Nations Unies (Onu).
Un pilotage politique renforcé
Pour piloter cette montée graduelle de l’APD, le Cicid, qui était présidé par le Premier ministre, Édouard Philippe, a décidé d’une nouvelle organisation, avec notamment un Conseil du développement, présidé par le chef de l’État, pour fixer les décisions stratégiques, et un Conseil d’orientation stratégique de l’Agence française de développement (AFD), présidé par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Le patron du Quai d’Orsay, « chef de file de la politique transversale en faveur du développement, en lien avec le ministre de l’Économie et des finances, ainsi que les autres ministères concernés, fera rapport chaque année au président et au Premier ministre sur la mise en œuvre de la trajectoire de l’APD ».
Augmentation des dons et effort accru au Sahel
D’ici à 2022, le gouvernement veut encore accroître la part des dons, qui avait fondu ces dernières années. Ainsi, « la moitié de l’effort en subvention de l’État et les deux tiers des subventions mises en place par l’AFD » devront profiter à 19 pays *, dont les membres de la force G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Tchad) qui cumulent besoins de sécurité et de développement.
Le Cicid rappelle l’importance de l’Alliance pour le Sahel lancée sous impulsion franco-allemande le 13 juillet à Paris, avec les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. Elle se félicite aussi de la coopération avec l’Allemagne, « motrice de la politique de développement européenne », à travers, d’une part, de « l’adoption d’une feuille de route commune 2018-2022 » et, d’autre part, d’une « coopération renforcée entre les opérateurs, notamment l’AFD et la KfW, en particulier au Sahel ».
La France doublera à 200 millions d’euros par an d’ici 2020 la facilitation d’atténuation des vulnérabilités, qui profitera en bonne partie au Sahel. Elle devra aussi verser 500 millions d’euros en 2022 au titre de l’action d’urgence humanitaire. Dans le domaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, Paris renforcera également son appui, notamment en Afrique et, plus particulièrement, au Sahel.
La fusion de l’expertise technique mi-2019
Zones en crise, éducation, climat, égalité hommes-femmes et santé seront ainsi les secteurs de concentration de la France. En particulier, « les volumes de financement à co-bénéfice climat continueront à représenter au moins 50 % des engagements de l’AFD » et l’agence « poursuivra la mise en œuvre de son engagement en faveur des énergies renouvelables, qui est porté à trois milliards d’euros entre 2016 et 2020 ».
Présentée comme « la grande cause du quinquennat », le marqueur de l’égalité femmes/hommes ou genre OCDE « sera renseigné dans les statistiques d’APD pour la totalité des projets » et « 50 % des volumes annuels d’engagements de l’AFD auront un objectif genre principal ou significatif ».
Ces dernières années, le champ d’investigation de l’Agence française de développement n’a cessé de s’étendre. Ce qui explique ses besoins croissants d’expertise technique. A cet égard, la principale information du Cicid est, en fait, une confirmation : Expertise France sera intégré au groupe AFD « à horizon mi-2019 », de façon à disposer d’un intervenant unique. Et il est prévu que dès 2018 les deux organismes devront opérer ensemble afin de dégager un volume d’affaires commun de 25 millions d’euros.
François Pargny
* Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
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Et encore :
– Rapport CIAN 2018 – Les entreprises internationales en Afrique
– Le Guide Moci « Où exporter en 2018 ? » avec plusieurs pays africains : Maroc, Égypte, Nigeria, Sénégal