« L’économie va très bien », « les équipes sont au taquet », « la gamme de produits est très profonde », « tout va bien ». Nicolas Dufourcq a plutôt bien résumé l’état d’esprit « optimiste » qui règne chez Bpifrance, à la tête de laquelle il vient d’être reconduit haut la main par les parlementaires pour un mandat de 5 ans, en introduisant la présentation du bilan 2017 de la banque publique et de ses perspectives 2018. Presque une marque de fabrique.
C’est qu’elle est sur tout les fronts : du soutien à la trésorerie des TPE et PME dans les temps difficiles aux prises de participation dans des entreprises jugées stratégiques en passant par le financement de l’innovation -elle est notamment un pilier du soutien à la French Tech-, de la transition énergétique, et désormais, de la modernisation de l’industrie avec le soutien à la « French Fab ». Un bilan dans lequel l’international prend aussi de plus en plus de place, signe que Bpifrance poursuit sa construction méthodique de la « banque publique de l’export » qu’elle veut incarner et qui nous intéresse au premier chef.
La montée en puissance de l’accompagnement
Grâce à des cessions d’actifs, la banque publique devrait dégager un résultat net de près de 1 milliard d’euros (Md EUR) et toutes ses activités sont en croissance : les garanties à des prêts bancaires privés (+ 6 %, à 8,9 Mds EUR) qui ont bénéficié à 61 372 entreprises; les crédits en cofinancement d’investissements (+ 5,8 %, 7,2 Mds EUR) qui ont bénéficié à 6 419 entreprises; les financements court terme, dont les préfinancements du CICE (+5,4 % à 5,9 Md EUR); les aides et subventions à l’innovation (stables à 1,3 Md EUR); et enfin les investissements en fonds propres dans des fonds d’investissement partenaires ou directement des entreprises, qui ont doublé pour atteindre 4 Mds EUR.
Un signe que cette banque de place, qui a pris à bras le corps sa mission de réveiller l’innovation et l’entrepreneuriat en France, joue activement son rôle de stimulant du financement des entreprises. Elle va d’ailleurs désormais au-delà de son périmètre purement bancaire et financier puisqu’une de ses activités nouvelles et montantes relève du véritable « coaching » d’entreprises, avec l’accompagnement des dirigeants sous la forme de conseil, formation ou encore mise en relation.
Quelques 7 500 PME et ETI ont ainsi bénéficié de cet accompagnement l’an dernier. Parmi elles, quelque 400 sont en particulier passées par les différents programmes « accélérateurs » que Bpifrance a mis en place au niveau national et dans la filière aéronautique (avec le Gifas), et qu’elle déploie à présent sur les territoires, dans le cadre de partenariats avec les Régions : après Auvergne-Rhône-Alpes et les Pays de la Loire, Nouvelle Aquitaine, les Régions Ile-de-France, Grand Est et Centre-Val de Loire devraient mettre en place des accélérateurs en 2018.
Cet allant se retrouve dans les activités de financement du développement international des entreprises, que Bpifrance investit depuis sa création avec l’ambition de s’imposer comme la « banque publique de l’export ».
Un « continuum de solutions » à l’export
Après avoir récupéré la gestion des garanties publiques, transférées par Coface l’an dernier à sa nouvelle filiale Bpifrance assurance export, elle se retrouve en effet à la tête « d’une boite à outils complète », où « il ne manque quasiment rien » s’est réjoui Nicolas Dufourcq : aides à la prospection (assurance prospection), financement des ventes (mobilisation des créances export, crédits acheteurs et fournisseurs), financement du développement (prêt export, garantie des cautions et des préfinancements), garanties des prêts des banques françaises, prises de participation dans des filiales étrangères, sécurisation des transactions (assurance-crédit, assurance change), aide à l’implantation à l’étranger (assurance investissement, garantie de projets à l’international).
Ce « continuum de solutions » est complété par de l’accompagnement à l’export, activité pour laquelle elle fonctionne en binôme avec Business France, l’autre grande agence publique du soutien export, pour préparer les entreprises, monter des missions de prospection, les aider à s’implanter et à recruter (volontariat international en entreprise). Fait nouveau : Bpifrance s’associe désormais aussi à des banques commerciales –comme par exemple HSBC, Société Générale, Crédit Agricole…-pour accompagner des PME à l’étranger dans le cadre de missions ciblées. En outre, tous ses « accélérateurs » comportent un volet sur l’international.
L’ambition de porter à 400 millions le montant des crédits export
En attendant, cette montée en puissance s’est traduite, en 2017, par de fortes progressions de ses activités de financement à l’export : les crédits export, lancés en 2015, ont atteint 186 millions d’euros (28 millions en 2016) –dont 75 millions dans le cadre du grand contrat de STX pour un paquebot de croisière-; les financements court terme sous la forme d’avance, lancés en 2015 (sous le nom marketing « avance + export ») ont atteint 119 millions d’euros (+ 10,2 %).
Quant à la nouvelle filiale d’assurance export, elle connaît également une forte croissance de son activité dans le segment des PME, ce qui était un objectif prioritaire du transfert : + 38 % pour le nombre de dossier de demande d’assurance-crédit émanant des PME, + 33 % pour les demandes d’’assurance change.
Pour l’assurance-crédit, toutes tailles d’entreprises confondues, le nombre d’opérations prises en garanties par Bpifrance assurance export a bondi de 36 % et le montant de garanties accordées a atteint 18,9 Mds EUR, en hausse de 13 % sur 2016. Les PME et ETI sont plutôt bien servies : elles forment 60 % des clients de l’assurance-crédit et de l’assurance-change (contre 40 % pour les grands groupes) selon Bpifrance.
L’international, une des trois priorités pour 2018
Pour 2018, l’international est une des trois priorités de la banque publique aux côtés de l’innovation et du financement de la transition énergétique.
En matière de crédit export, l’objectif est ainsi d’atteindre les 400 millions d’euros, soit un doublement du montant. « Nous avons décollé, nos équipes sont aguerries » a estimé Nicolas Dufourcq, annonçant que la banque allait signer au Sénégal, à l’occasion de la visite du président Macron le 2 février, un crédit acheteur de 60 M EUR dans le cadre du projet en cours de construction du TER de Dakar, en coordination avec un pool bancaire mené par BNP Paribas qui doit injecter 200 millions d’euros au total pour électrifier la ligne.
L’objectif sera d’autant plus à portée de la banque publique si le marché iranien se débloque enfin. Le directeur général de Bpifrance a confirmé ce qu’il avait indiqué la veille aux parlementaires lors d’une audition : il espère que le nouveau dispositif de financement de crédits acheteurs en euros pourra être mis en place « fin mai ». « Il est tout à fait possible que ça se fasse, il est tout à fait possible que ça ne se fasse pas, mais si ça se fait, en tout cas on est prêt » a-t-il précisé.
En attendant, cette montée en puissance va être « incarnée » dans les territoires par la poursuite du déploiement de délégués à l’international dans toutes les délégations régionales de Bpifrance.
Christine Gilguy
Pour prolonger :
– Guide 2017 des aides à l’export pour les PME & ETI
– Dossier : L’accompagnement export, nouveau territoire des banques