Lors d’une conférence de presse
tenue à Tunis le 20 août, le président de l’Institut national de la statistique
(INS), Jameleddine Ben Rejeb, déclarait qu’une croissance économique de 4 %
cette année est possible, à condition d’améliorer la sécurité dans le pays et
de fixer une date définitive pour les élections présidentielles et
législatives.
Depuis le début du mois,
partenaires patronaux et sociaux – Utica
(Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat), Conect
(Confédération nationale des entreprises citoyennes de Tunisie) et UGTT (Union
générale des travailleurs tunisiens) – appellent en chœur à la formation d’un
nouveau gouvernement. En vain jusqu’à présent, alors que le déficit commercial
se creuse (+ 7,7 % pendant les sept premiers mois de l’année) et que le montant
des investissements directs étrangers (IDE) n’a pas retrouvé son niveau d’avant la révolution (- 13,9 %
sur 2010 d’après l’Agence de promotion des investissements étrangers/Fipa).
De son côté, l’INS vient
d’indiquer que si le volume d’investissements avait augmenté de 23,1 % dans les
industries manufacturières au premier semestre 2013 par rapport aux six premiers
mois de 2012, l’investissement extérieur avait reculé de 1,3 %. La situation de
la balance des paiements a été jugée suffisamment fragile par l’Association des
économistes tunisiens pour que l’Asectu mette aussi en garde l’ensemble des
responsables politiques, sociaux et économiques contre les conséquences pour la
reprise économique de la persistance de l’instabilité politique et sécuritaire.
Une situation « infecte » selon le ministre des Finances, une économie qui « agonise » selon l’Utica
Pour l’ex-ministre des Finances
Houcine Dimassi, la situation est « infecte » en raison des
violences, des grèves multiples, de l’inertie politique et administrative et du
manque de visibilité en Tunisie. Pris dans la nasse des grèves, le groupe
Latécoère s’est résolu à rapatrier la moitié de sa production dans le pays en
France et au Mexique. Si le français Bic a fait le choix d’une implantation sur
place, d’autres entreprises de l’Hexagone ou italiennes et allemandes, comme le
spécialiste de la chaussure de sécurité Jal et le spécialiste de l’électronique
automobile Continental Automative, on, quant à elles, décidé de quitter la Tunisie.
L’Utica s’alarme. Sa présidente,
Wided Bouchamaoui (notre photo), a affirmé récemment que « l’économie tunisienne
agonise ». Pour sa part, la paralyse politique et le manque de sécurité pouvant
peser sur l’investissement et le tourisme, l’agence d’évaluation financière Standard and
Poors (S&P) a décidé, le 16 août, de baisser de deux crans -de BB- à B – la
note souveraine de la Tunisie, assortie d’une perspective négative.
Un plan pour le tourisme
Le gouvernement cherche les
moyens de parer à une dégradation possible du tourisme, ce secteur ayant
enregistré une amélioration au premier semestre (+ 1,8 % du taux des nuitées,
de 0,2 % des recettes, de 4,8 % du nombre de touristes par rapport à
janvier-juin 2012), en lançant un plan pour « renforcer la communication
numérique sur la situation en Tunisie, inviter des tour-opérateurs étrangers et
diffuser des témoignages de touristes en Tunisie », relève le Service
économique régional de Tunis.
Houcine Dimassi s’inquiète aussi des
répercussions sur l’économie tunisienne de la mauvaise santé de l’économie en
Europe et de la montée des cours de denrées stratégiques comme les carburants
et les produits alimentaires. Dans un communiqué de presse, l’Utica vient de
renouveler son appel en faveur d’un nouveau gouvernement « qui se penchera
sur les difficultés de l’économie nationale et sur les préparatifs des
prochaines échéances électorales ». Une nouvelle dégradation de la
situation, craint-on à Tunis, entraînerait S&P à dégrader
encore la note souveraine de la Tunisie.
François Pargny