Annoncé pour ouvrir le 4e Forum franco-coréen d’innovation industrielle, le 28 novembre à Paris, le ministre de l’Économie et des finances Bruno Le Maire avait finalement laissé ce soin à sa nouvelle secrétaire d’État Delphine Gény-Stephann.
Un peu hésitante pour une de ses premières sorties officielles – elle a été nommée le 24 novembre – l’ancienne dirigeante de Saint-Gobain a rappelé que l’impôt sur les entreprises en France devait passer de 33,3 % à 25 % en cinq ans et qu’un fonds de 10 milliards d’euros allait être consacré à l’innovation. Par ailleurs, elle a confirmé l’importance de l’innovation dans la relation bilatérale avec la Corée du Sud, depuis la mise en place de ce forum en 2014. Il a été ponctué cette année par la présentation de six accords de coopération* et la signature de deux déclarations d’intention entre entreprises des deux pays.
« C’est le fruit de trois années d’intense coopération », s’est félicité Un-gyu-Paik, le, ministre sud-coréen du Commerce, de l’industrie et de l’énergie, qui a rappelé que lors du 3e forum à Séoul, la voiture autonome avait été retenue comme une priorité « dans l’espoir d’aboutir à une nouvelle technologie ».
Un des deux mémorandums a été signé dans l’industrie numérique par le spécialiste français des systèmes de contrôle embarqués Faar Industry, les coréens Waities, Ilmile, et l’Université nationale de Kyungpook (KNU). Le deuxième accord concerne les objets par Internet, et a été paraphé par le champion tricolore Sigfox et son partenaire coréen Amotech.
« Ces deux accords illustrent le fait que des entreprises innovantes savent mutualiser leurs efforts d’innovation pour lutter contre une concurrence de plus en plus forte », s’est réjouie à son tour Delphine Gény-Stephann.
Le secteur privé coopère avec la recherche et l’université
« La technologie dépend de sa capacité d’imagination. La France est forte dans les technologies de recherche fondamentale, la Corée dans les tests et la commercialisation », a souligné encore le ministre coréen de l’Économie et des finances, insistant au passage sur « les complémentarités » et « la volonté commune dès le départ de faire participer les secteurs privés pour développer un système de coopération bien adapté à la nouvelle économie ».
Ainsi, Sigfox coopère avec les coréens Amotech, Mediconex et l’Institut de recherche en électronique et télécommunications (Etri) sur un projet de capteurs adaptés à la sécurité des personnes atteintes de démence. « Amotech déploie notre réseau radio en Corée, lequel sera prêt fin 2019. Notre marché est celui des fabricants d’électronique. Pour la Corée, c’est la possibilité d’exporter dans les 35 pays où nous sommes, représentant 700 millions de personnes », a expliqué Rodolphe Baronnet-Frugès, Executive Vice-President Networks & Operators de Sigfox.
Le projet de véhicule autonome
« Dans le cadre de la coopération bilatérale, la Corée depuis 2014 a financé de nombreux projets dans l’e-santé, les infrastructures, la voiture intelligente et le véhicule autonome », a encore pointé Heui-Jae Pahk, président de l’OSP (Office of Strategic R&D Planning).
Lors du deuxième forum en 2015, trois domaines de coopération avaient été fixés : numérique, nanotechnologies et déjà à l’époque le véhicule autonome. C’est ainsi que le projet de véhicule autonome Dangun a été présenté en juin 2016, puis officialisé quelques mois plus tard en septembre. Piloté par l’Université de Hanyang, il associe les français Renault, Valeo et l’Ensta Paris Tech, Valeo en Corée du Sud, Renault – Samsung Motors, LG Electronics, Katech et Control Works.
Le projet est double : proposer un système d’aide à la conduite en cas de ralentissement du trafic (relaxation…) et guider le véhicule en cas de décision difficile à prendre, par exemple, si un obstacle se présente. « Aujourd’hui, nous avons livré deux Zoé en Corée du Sud. Les deux voitures sont en train d’être équipées et les premières expérimentations seront réalisées au début de l’année prochaine. Enfin, début 2019, les démonstrations finales seront effectuées à Séoul et en région parisienne », a détaillé Virginie Maillard, Vice-President Research Innovation & Strategy chez Renault.
Bpifrance et la Kiat ciblent les PME
La coopération bilatérale monte en puissance. « On a accéléré, il y a plus de projets en 2017, notamment dans la santé numérique, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle et les systèmes embarqués », a précisé Pascal Faure, le directeur général des Entreprises à Bercy. Un partenariat qui doit beaucoup aux modes de financement mis en place et à ses acteurs, Bpifrance d’un côté, l’Agence coréenne pour l’innovation (Kiat) de l’autre.
En 2017, 17 projets ont été présentés dans le cadre d’appels d’offres conjoints de la banque publique et de son partenaire coréen. « Des cofinancements ont ainsi été accordés à 15 entreprises offrant des solutions collaboratives et à des centres de recherche et universités pour un budget total de 17 millions d’euros », a ainsi dévoilé Patrick Cornet, responsable des Programmes collaboratifs internationaux chez Bpifrance.
Les bénéficiaires sont essentiellement des PME, parfois associées à de grandes entreprises, auxquelles la banque française apporte ses services d’accompagnement et de financement. Dans la pratique, les deux partenaires s’appuient sur l’existence d’un accord bilatéral liant Bpifrance et la Kiat et d’un accord multilatéral permettant d’intégrer aux projets d’autres partenaires en capacité de proposer des subventions.
Les sociétés retenues peuvent opérer seules ou en joint-venture, l’accès aux marchés européens ou asiatiques constituant un atout supplémentaire. « Pour 2018, Bpifrance et la Kiat se sont engagés à augmenter de 50 % la somme des collaborations bilatérales et, en profitant de l’élan donné par l’opération French Fab, côté français, d’accroître les coopérations PME-grandes entreprises », a indiqué Patrick Cornet. L’intérêt étant pour les premières de pénétrer plus facilement de nouveaux marchés. Pour les secondes, c’est l’occasion d’accéder à des solutions d’innovation.
François Pargny
* Les six projets sont :
– dans le véhicule autonome, le projet Dangun (voir-ci-dessus) ;
– dans l’industrie numérique, trois projets : Microleed-Techworksplus-Elvisiontech-Keti, Glophotonics-Ayin Tech Corp et Angel Assistance-Wonderful Platform ;
– et dans l’énergie, deux projets : Air Liquide-Hyundai et Saint-Gobain-S-Fuelcell
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