Cet article a fait l’objet d’une mise à jour le 27 octobre à 15H00 suite à une demande de précision du député LRM Jacques Maire. Le texte ayant fait l’objet de précisions est en italique.
Un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur provisoire, le 21 septembre, de l’Accord économique commercial global (AECG) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) entre le Canada et l’Union européenne (UE), le gouvernement a dévoilé, le 25 octobre, le plan d’action promis par le gouvernement et porté par quatre ministères (Europe et affaires étrangères, Transition écologique et solidaire, Économie et finances, Agriculture et alimentation), « pour assurer une application exemplaire » de l’accord de libre-échange (ALE).
Dans le contexte d’une méfiance persistante des opinions publiques vis à vis des accords de libre-échange (ALE), de quoi permettre au président Emmanuel Macron de tenir son engagement d’analyser et prendre des mesures pour gérer « l’impact attendu du CETA sur l’environnement, le climat et la santé », comme le précise le compte-rendu du conseil des ministres, sans remettre en cause les engagements européens de la France.
Les trois axes du plan gouvernemental
Le plan d’action a été présenté au comité de suivi national des dossiers de politique commerciale par les secrétaires d’État Jean-Baptiste Lemoyne (Europe et affaires étrangères) et Brune Poirson (Transition écologique et solidaire) à l’issue du Conseil des ministres du 25 octobre. Il contient trois lignes de force :
1- « Assurer que le CETA fera l’objet de modalités d’application exemplaires pour garantir que les normes sanitaires et environnementales seront appliquées, qu’elles seront préservées et qu’elles ne seront pas menacées des recours abusifs d’investisseurs étrangers. Les travaux et les effets du CETA seront suivis rigoureusement et en toute transparence, en lien étroit avec la société civile. Les contrôles renforcés garantiront que les normes européennes sont appliquées dans les faits aux importations de toutes les origines ».
2- « Mettre en œuvre des actions complémentaires au traité pour renforcer la coopération internationale sur les enjeux climatiques. La France portera, bilatéralement avec le Canada et au sein de l’Union européenne (UE), des actions concrètes pour lutter contre le changement climatique et réduire les émissions de gaz à effets de serre, en lien avec les nombreuses initiatives en cours au niveau international. La France relancera également les discussions au niveau national et européen pour réduire l’empreinte carbone des carburants ».
3- « Améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans les accords commerciaux. La France demandera le renforcement de l’ambition des chapitres sur le développement durable dans les accords commerciaux et une mise en œuvre contraignante de leurs dispositions. L’objectif est d’assurer la pleine cohérence des accords commerciaux avec les politiques européennes contribuant au développement durable et à la protection sanitaire et phytosanitaire. En particulier, la France demande que l’Accord de Paris constitue une clause essentielle pour les accords commerciaux de l’UE ».
Une suite de la mission d’évaluation conduite par Katheline Schubert
Ce plan d’action a été mis sur pied à la suite du rapport plutôt critique sur les aspects environnementaux du CETA réalisé à la demande du gouvernement par une commission ad hoc d’experts, constituée autour de Katheline Schubert, économiste professeur à l’Université de Paris I, spécialiste de l’environnement. Le 13 septembre, parallèlement à la remise de ce rapport au Premier ministre Édouard Philippe, Katheline Schubert avait participé au comité de suivi national des dossiers de politique commerciale qui avait été réuni par Jean-Baptiste Lemoyne et Brune Poirson pour définir la marche à suivre sur le CETA et mettre en chantier ce plan d’action.
En aucun cas dans ce plan d’action il n’est question de remise en cause du CETA. La notion de « veto climatique » évoqué dans le rapport Schubert n’a par exemple pas été retenue, ce que déplorent d’ailleurs les organisations non gouvernementales (ONG) Fondation pour la Nature et l’Homme, Institut Veblen et Foodwatch, dans un communiqué de presse commun du 25 octobre.
Clairement pro-européen et en quête d’un renforcement politique de la France au sein de l’Union, le président de la République ne remet pas en cause fondamentalement la politique commerciale de l’UE. Il prône une Europe plus protectrice, comme le montre ses récents combats à Bruxelles pour la révision de la directive européenne sur les travailleurs détachés *, en partie gagné, et pour un meilleur équilibre dans les ALE entre ouverture et protection, une idée plus difficile à faire partager à la Commission européenne et dans les États membres **.
Les reproches des ONG
Pas sûr toutefois que le plan gouvernemental parvienne à taire les inquiétudes. En l’état, et si l’on s’en tient au texte, il semble satisfaire au moins partiellement les attentes exprimées au sein même de la majorité, par un groupe de 18 députés de La République en Marche (LRM) conduits par Jacques Maire et Matthieu Orphelin. Dans une lettre, ces élus avaient listé quelque 28 recommandations inspirées des conclusions du rapport Schubert pour encadrer le CETA sur des sujets comme les importations de viandes, les carburants ou les OGM, dont la mise en œuvre systématique du « principe de précaution », autre version du fameux « veto climatique ».
Toutefois, pour Jacques Maire, qui a coordonné ce groupe de travail et a salué la mise en place de ce plan dans différents médias, cette initiative est déjà une avancée notable. «Le plan d’action est conforme à l’esprit des recommandations des députés, a-t-il fait savoir au Moci. Un grand nombre de dispositions ont été reprises et précisées dans des domaines clés : élevage, sécurité sanitaire, climat, transparence des négociations… Les députés maintiendront le groupe de travail CETA en activité jusqu’à la ratification pour s’assurer de l’avancement du plan d’action. La mise sous contrôle des risques potentiels du CETA est essentielle pour une mise en œuvre bénéfique pour les français ». Le député doit d’ailleurs s’envoler le 29 octobre pour le Canada, avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat à l’Europe et aux Affaires étrangères, pour un déplacement de trois jours consacré à l’accord qui le conduira à Ottawa et à Toronto, ainsi qu’au Québec, à Montréal. Il s’agira notamment d’expliquer ce plan d’action aux autorités et à l’opinion publique canadiennes.
Les ONG citées plus haut restent, elles, très critiques, n’hésitant pas à qualifier l’initiative gouvernementale de « plan d’inaction» : « le CETA reste un accord incompatible avec l’Accord de Paris [sur le changement climatique] qui engendre une hausse des émissions de GES et promeut les investissements dans les industries polluantes » et « rien n’est proposé pour interdire les nouveaux OGM et les OGM cachés ». S’agissant enfin de la politique commerciale européenne, elles affirment que « l’octroi et le maintien d’avantages commerciaux devraient être directement conditionnés au respect des engagements contractés dans le cadre de l’Accord de Paris à travers une clause à l’intérieur même des accords de commerce ».
De quoi donner le ton alors que pour la fin de l’année, la Commission européenne espère conclure deux nouveaux ALE, avec le Japon le Jefta (Japan-EU Free Trade Agreement) et avec les États membres du Marché commun du Sud (Mercosur).
Christine Gilguy et François Pargny
* Lire, à ce sujet, l’article de la Lettre confidentielle du Moci du 26 octobre : UE / Travailleurs détachés : victoire réelle ou en demi-teinte pour la France ?
** Lire, à ce sujet, l’article de la Lettre confidentielle du Moci du 26 octobre : UE / Commerce : E. Macron peine à imposer sa vision d’une Europe plus protectrice
Pour prolonger :
CETA / AECG : Paris promet un plan d’actions sur l’environnement, la santé et le climat
France / Libre-échange : la commission Schubert épingle le CETA sur l’environnement, la santé et le climat
ALE / Export : Français et Canadiens font la promotion du CETA au Medef
UE-Canada / Agroalimentaire : les fromages et les vins, grands vainqueurs du CETA
UE-Canada / Douane : comment devenir “exportateur enregistré” pour profiter du CETA