L’un des risques majeurs dans une opération de commerce international est la non-maîtrise des Incoterms de la Chambre de commerce internationale (ICC), aussi bien du côté des entreprises que de celui des banques.
Nous avons pu voir encore récemment une ouverture de crédit documentaire pour un contrat EXW (départ usine) dans laquelle la banque émettrice exigeait la présentation d’un connaissement maritime. Le seul document immédiatement disponible pour le vendeur est l’attestation de prise en charge par le transitaire. Le connaissement dépend du bon vouloir (et de la bonne foi) de l’acheteur ou du transitaire désigné par ce dernier. Mais bon, pourquoi pas, tout est ouvert…
3.1 Quelques grands principes
Les Incoterms (International Commercial Terms) régissent les obligations réciproques du vendeur et de l’acheteur en matière de transfert de risques, de charges, de taxes, de fournitures de documents, mais ils ne traitent en aucun cas du transfert de propriété.
La Chambre de commerce internationale (ICC) a émis la première version des Incoterms en 1936. La dernière version, publication ICC n° 715, est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Attention ! En cas de litige entre les parties, par défaut, ce n’est pas obligatoirement la dernière version qui sera retenue par les juges. Aussi, l’ICC recommande que systématiquement, les entreprises fassent suivre la désignation de l’Incoterm de la version retenue. Exemple : FOB Le Havre Incoterms 2010.
Voici la liste des Incoterms 2010 :
– Pour tout mode de transport
EXW = Ex Works
FCA = Free Carrier
CPT = Carriage Paid To
CIP = Carriage And Insurance Paid To
DAT = Delivered At Terminal (remplace DEQ)
DAP = Delivered At Place (remplace DDU, DES, DAF)
DDP = Delivered Duty Paid
– Pour le transport maritime et fluvial
FAS = Free Alongside the Ship
FOB = Free On Board
CFR = Cost and Freight
CIF = Cost Insurance and Freight
Repère
Les principales modifications de la version 2010 des incoterms de l’ICC
– Extension au marché national de l’utilisation des Incoterms.
– Suppression de 4 Incoterms : DAF, DES, DEQ, DDU.
– Création de 2 nouveaux Incoterms, multimodaux : DAT, Delivered At Terminal et DAP, Delivered At Place. Le DAP est censé remplacer les DAF, DES, DDU…
– Pour les FOB, CFR et CIF, suppression de la notion de transfert des risques « au passage du bastingage ». Et remplacement par la formule « en les plaçant à bord du navire ».
– Introduction de nouveaux documents tenant compte des mesures de sécurité en matière de lutte contre le terrorisme, conformément au règlement n° 648/2005 (amendement sécurité) du Parlement européen et du Conseil en date du 13 avril 2005 (JOUE L117 du 4 mai 2005).
– Prise en compte des nouvelles définitions en matière d’assurances du transport, selon la version révisée des Institute Cargo Clauses.
– Généralisation de l’emploi de transmission de données par voie électronique.
– Clarification dans la répartition des frais (en théorie car demeure le problème des liner terms).
3.2 Règles d’or pour une bonne utilisation des Incoterms
Nous nous limiterons à 6 règles fondamentales à nos yeux :
– 1/ N’utiliser les Incoterms que conformes aux définitions de l’ICC. Attention à l’utilisation de variantes des Incoterms : bien mesurer l’impact sur le contrat de vente, plus particulièrement le prix et le paiement. Par exemple, éviter les CIF landed, si les infrastructures locales ne permettent pas le déchargement des marchandises trop volumineuses ! (cas issu d’une expérience réelle) ;
– 2/ Ne pas utiliser les Incoterms maritimes ou fluviaux pour d’autres modes de transport. Exemple, cesser de mentionner des CIF ou FOB aéroport ;
– 3/ Toujours mentionner la version à laquelle on souhaite rattacher le contrat ;
– 4. Ne pas oublier que les Incoterms ne traitent pas du transfert de propriété ;
– 5/ Éviter les opérations de crédit documentaire avec des Incoterms en D !
– 6/ Ne pas utiliser les Incoterms maritimes avec les ventes en conteneurs ! Le transport en conteneur relève du transport multimodal !
Bien évidemment, le critère de choix d’un Incoterm par rapport à un autre dépend largement du rapport de force vendeur/acheteur. Néanmoins, d’autres critères peuvent être retenus, par exemple :
– transfert des risques et charges le plus tôt possible ;
– pays de destination ;
– concurrence ;
– stratégie commerciale ;
– risque fiscal ;
– formalités douanières à l’import ;
– documents exigibles localement ;
– nature de la marchandise ;
– encombrement de la marchandise ;
– moyens de transport ;
– besoins de financement ;
– maîtrise de la logistique. ;
– infrastructures à l’arrivée ;
– connaissance du client ou du fournisseur (ancienneté des relations commerciales).
Le conseil de Jean-Claude
Avec les Incoterms à destination, plus particulièrement le DAP (Delivered At Place), se prémunir contre les lenteurs des opérations de dédouanement dans certains pays, ou encore l’impossibilité pour l’importateur de dédouaner dans un délai raisonnable, en incluant dans le contrat une clause prévoyant un délai maximum au-delà duquel le vendeur ne serait plus responsable des retards de livraison.
Exemple de rédaction :
« En aucun cas le vendeur ne pourra être tenu responsable des retards de livraison générés par l’incapacité de l’acquéreur à dédouaner dans un délai de xxx jours (voir les délais moyens de dédouanement dans le pays de l’acheteur). Aucune pénalité pour retard de livraison et conformément à l’art. B6 du DAP (ICC 2010) tous les frais additionnels encourus par le vendeur seront à la charge de l’acheteur. »
Ou encore pour se protéger contre l’arrivée tardive d’un navire en FOB :
« Au-delà de xxx jours, nous nous réservons le droit de charger la marchandise sur le navire de notre choix. »
Si le réglement se fait par crédit documentaire :
« Nous déclencherons le paiement contre un document de substitution, connaissement reçu pour embarquement, ou encore, bulletin d’entrée de la marchandise dans un entrepôt (dans ce dernier cas, prévoir que notre prestation sera ramenée à FCA entrepôt de stockage). »