Selon les sources, on estime qu’entre 20 et 25 % des transactions de commerce international dans le monde ont fait l’objet d’opérations de compensation. Près de 80 pays la pratiquent assez régulièrement. Et TOUS les pays, sans aucune exception, y ont recours de temps en temps, en particulier dans le domaine de l’armement. Selon certaines sources sur Internet, près de 30 % des exportations américaines seraient traitées en compensation. Voici quelques techniques de base.
3.1 Le troc (barter)
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C’est la forme la plus ancienne et la plus simple. Elle remonte à la nuit des temps, avant l’invention de la monnaie. Elle consiste en un échange de marchandises ou de services dont les valeurs équivalentes n’induisent pas en principe ou alors partiellement de flux financiers. En plus des classiques et connues opérations réalisées par des constructeurs automobiles français, camions contre café en Colombie, véhicules légers contre jeans en Tunisie ou escargots en Chine… on voit de plus en plus de PME obligées de se plier à cette pratique pour pouvoir pénétrer certains marchés à la grande exportation. L’éventail des transactions est large et parfois quelque peu surréaliste :
– pièces détachées d’avions contre poissons ;
– poulets contre pétrole ;
– accessoires électriques contre miel…
Cette forme de compensation est plus particulièrement pratiquée en Afrique, en Asie du Sud-Est, à Madagascar, à Cuba…
Devant les risques encourus par les intervenants, les banques ont mis en place des techniques plus ou moins sophistiquées pour garantir les intérêts de leurs clients
– cautions croisées ;
– crédits documentaires ou lettres de credit standby croisés ;
– comptes de séquestre (escrow accounts).
3.2 Le contre-achat (opération tripartite, en anglais counter buy)
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Dans cette forme de compensation, très prisée des pays d’Amérique latine et des pays d’Europe de l’Est, l’exportateur doit trouver lui-même l’acquéreur du produit offert par l’importateur, avoir recours à un intermédiaire. L’opération peut représenter la totalité ou un pourcentage déterminé de la valeur du contrat de vente.
Particularités
a) L’opération fait l’objet de deux contrats totalement indépendants :
– l’un pour la vente de produits exportés et stipulant un paiement en devises ;
– l’autre délimitant l’opération de compensation, montant, durée, produits éligibles pour la compensation.
b) Les opérations d’achat et de vente ne sont pas nécessairement réalisées dans les mêmes délais.
En règle générale, pour des raisons de sécurisation des opérations, le deuxième contrat est dénoué en premier.
Il y a plus d’une vingtaine d’années, un industriel français avait ainsi reçu une proposition d’une centrale d’achat chinoise lui proposant, en contrepartie des produits délivrés, un lot de brouettes démontables. L’exportateur avait bien trouvé un acheteur potentiel pour ces brouettes, mais l’opération ne s’est pas réalisée, les Chinois ayant refusé d’expédier des modèles de démonstration avant la conclusion du marché.
3.3 La compensation anticipée
C’est une variante du contre-achat. L’exportateur importe des produits ou services du pays de son futur client, en prévision de flux d’exportation.
Cette stratégie suppose une parfaite connaissance en amont des capacités d’exportation des pays souhaitant importer des produits ou des services. Il peut s’agir d’opérations au coup par coup ou bien de stratégie organisée sur le moyen ou le long terme.
Pour réaliser de telles opérations, la société exportatrice devra se muer en acheteur potentiel et prospecter le pays de son client.
La principale difficulté réside dans l’identification des produits exportables et réellement commercialisables.
3.4 La compensation industrielle
La compensation industrielle peut se faire sous deux formes, le buy-back et l’off set.
Le buy-back, appelé parfois, mais rarement, l’achat en retour
Cette technique est très classique et très pratiquée, la fois en Asie et dans les pays de l’Est.
C’est une forme de sous-traitance.
Le fournisseur livre par exemple un produit semi-fini et l’acheteur le paie en produit fini. Ou encore, dans le cadre de la réalisation d’une usine clés en main, l’entreprise réalisatrice sera payée sur plusieurs années en produits fabriqués. Le risque est essentiellement technique, la malfaçon. De plus, ce sont des opérations qui se déroulent sur de longues années et donc cette notion de risque perdure dans le temps.
Ce sont souvent des opérations qui concernent des projets à moyen ou à long terme : le paiement s’étalant sur des périodes assez longues, le prix des marchandises peut évoluer de façon significative.
Il y a aussi le risque que le pays de l’importateur modifie sa politique de compensation de façon défavorable.
Quelques exemples : installation d’une conserverie au Sénégal, paiement en conserves de poisons ; en Tanzanie, livraison clés en main d’une filature contre achat de filés de coton.
L’off set : cession de know-how
Très fréquent dans les secteurs à forte technologie (ferroviaire, métro) et plus particulièrement dans celui de l’armement.
Le vendeur doit s’engager à faire fabriquer une partie du produit dans le pays de l’importateur. Il cède parfois son savoir-faire. Mais, surtout, il doit le plus souvent réinvestir une partie du montant de l’opération dans des entreprises locales, avec parfois une obligation de résultat, sous peine de pénalités. Cette technique est courante dans les pays du Golfe.
Check-list des risques dans les opérations de compensation
1. Risques de marché
– Marché saturé : l’acheteur propose à la compensation des produits pour lesquels il n’y a aucun débouché à l’international.
– Impossibilité de réexporter le produit : assez fréquent dans les pays en voie de développement : le marché local est saturé et le produit proposé est frappé d’une mesure d’interdiction d’exportation.
2. Risques de produits
– Problèmes de conditionnement et de stockage du produit rendant complexe l’opération.
– Qualité défectueuse : l’acheteur propose un produit difficilement vendable sur le marché international du fait de sa mauvaise qualité, voire de son prix trop élevé.
– Non-respect de normes techniques internationales.
– Etc.
3. Risques financiers
– Effondrement du cours du produit.
– Produit faisant l’objet d’une saisie-arrêt.
– Non-respect par l’importateur de ses engagements dans le cadre de livraisons échelonnées.
– Délai d’écoulement du produit compensé générant des frais financiers élevés.
4. Durée et complexité des opérations
– Opérations de troc peuvent s’étendre sur 1 à 2 ans, voire plus dans certains cas.
– Opérations de contre-achat peuvent s’étendre sur des périodes allant de 4 à 5 ans.
Les risques sont nombreux dans de telles opérations. Comment s’en protéger ? La méthode la plus simple est de dresser une check-list de questions à se poser avant toute autre action et d’y apporter des réponses (voir « Check-list » ci-dessous).
Check-list des questions pertinentes sur la compensation
– A-t-on essayé d’autres solutions ?
– Quel est le bénéfice pour le vendeur ?
– Le pays a t-il une politique de compensation ?
– L’acheteur a-t-il les autorisations nécessaires ?
– Quels sont le montant et la nature de la contrepartie ?
– Quel est le différentiel de prix (disagio) ?
– Le produit est-il sur la liste des produits autorisés ?
– Quel est le marché ? quels sont les acheteurs potentiels ?
– Si matière première, volatilité des cours
– Entrée en vigueur des contrats
– Possibilité de faire appel à des tiers (contre-achat ?)
– Délais d’exécution : calendrier des opérations
– Pénalités en cas de non-compensation totale
– Clauses résolutoires