Lorsque l’on décide de faire une étude de marché, il y a un certain nombre d’éléments clés à réunir, d’informations à ne pas oublier si l’on ne veut pas passer à côté de l’essentiel.
Ces éléments clés sont parfois regroupés autour de deux types d’informations : la potentialité du pays et son accessibilité. Ceci constitue une approche possible, mais nous préférons travailler et aller chercher l’information en nous concentrant sur quatre domaines :
– la demande ;
– la concurrence/l’offre locale ;
– la distribution ;
– les freins à l’accessibilité/la réglementation.
Détaillons maintenant ces quatre domaines.
3.1 La demande
Les acheteurs potentiels
Les questions à se poser dans le cadre de cette recherche sont les suivantes :
– Quel est le produit/service idéal souhaité par le marché ciblé ? L’entreprise doit se poser la question même si son produit semble éloigné du produit idéal comme cela peut être aussi le cas de ceux de ses concurrents. Dans cette réflexion, vous devrez vous intéresser à l’emballage du produit, l’étiquetage, le design, le conditionnement, etc.
– Quels sont les acheteurs potentiels de vos produits ? Quel est leur profil ? Quelles sont leurs motivations pour changer de fournisseur ? S’agit-il de filiales de groupes internationaux que votre entreprise livre déjà dans d’autres pays ?
Il faut aussi vérifier où sont situés les clients potentiels car cela aura une influence directe sur la logistique d’acheminement de vos marchandises, de votre stockage local éventuel, dans la recherche de vos distributeurs.
Les prescripteurs potentiels
Outre les acheteurs potentiels, il est nécessaire d’identifier également les acteurs qui pourraient vous aider dans votre démarche, qui pourraient préconiser vos produits auprès des prospects. On parle ici de prescripteurs.
Exemple
Notre société de conseil à l’export a récemment été amenée à accompagner une société primo-exportatrice du second œuvre du bâtiment au Maghreb. Afin de faire connaître les produits de cette entreprise, elle s’est attachée à trouver localement les cabinets d’architectes. Ces cabinets ont ainsi pu proposer le moment venu les produits de cette entreprise lors de demande de renseignements pour un chantier futur (voir en fin d’Étape 2, Un exemple concret de diagnostic export).
Quantifier la demande
En plus de votre connaissance des clients potentiels, il vous faudra quantifier la demande pour vos produits. Pour cela, voici une équation simple :
demande = production locale + importations – exportations
La demande locale est égale à la production locale augmentée des importations et diminuée des exportations.
Important !
Bien souvent, nous oublions pour certains pays de considérer qu’ils sont eux-mêmes capables de fabriquer et d’exporter et nous négligeons dans notre calcul de prendre en compte la partie exportations.
Il est parfois difficile d’approcher la demande locale sans avoir fait de mission localement ou sans relais locaux. Néanmoins, en fonction des marchés, on peut faire sans trop se tromper des évaluations qui tiennent compte des tendances des dernières années.
Il est important d’arriver à bâtir de telles hypothèses, car même si le pays n’est pas encore très développé pour vos produits/services, il est essentiel de se positionner en amont dans cette phase de démarrage et d’être ainsi un précurseur/leader.
Outre l’évaluation de la demande actuelle et future en termes de chiffre d’affaires potentiel, il faut aussi évaluer la demande en termes de volume (unités vendues) lorsque cela est pertinent pour votre activité.
Un élément aussi à regarder concerne l’éventuelle saisonnalité des ventes de vos prospects avec toutes les conséquences sur la saisonnalité des achats et les problèmes de logistique que cela entraîne.
Le prix de vente possible
Un vaste sujet, mais très important. Les produits/services que vous souhaitez commercialiser sont-ils compétitifs sur le pays ciblé ? Là, plusieurs possibilités existent :
– soit votre entreprise a développé un produit unique sur le marché, ce qui vous permet de pratiquer un prix élevé. Dans ce cas, s’il y a une demande vous vendrez sans problème à ce prix.
– soit, et c’est le cas le plus général, votre produit/service rencontre des produits alternatifs dans le pays ciblé.
Il nous semble alors judicieux de procéder de la manière suivante :
Première situation : vous avez des informations, voire une idée sur le prix moyen pratiqué dans le pays ciblé.
Faites alors le calcul suivant : retranchez de ce prix les commissions d’agent ou vos frais locaux, si vous avez l’habitude de travailler avec des agents, ou retranchez le coût de distribution habituel sur vos produits. Du prix obtenu, retranchez les droits de douane, les taxes ainsi que le coût de transport de votre usine au client final, c’est-à-dire tous les frais liés à votre opération export. Vous obtiendrez ainsi le prix « départ votre usine » possible pour être au niveau du prix du marché du pays cible.
En ce qui concerne le coût de transport, demandez à votre transitaire une cotation d’un conteneur sur le port principal du pays. Si vos expéditions sont faites de manière générale avec des plus petits lots, prenez comme quantité de cotation un lot moyen.
Avec ce calcul de prix, il vous appartient de valider si vous pouvez sur le long terme vendre à ce niveau de prix, sachant que vous devrez probablement faire des efforts pour pénétrer ce marché.
Vous pouvez également envisager de ne considérer dans votre prix que les frais variables + fixes liés à votre développement export, ou encore seulement les frais variables export. En d’autres termes, avoir une politique de prix export agressive. Dans ce cas, il faut vous assurer, sous peine de graves désillusions, que le reste de vos autres frais soient couverts par vos ventes domestiques.
Deuxième situation : vous n’avez aucune information sur les prix pratiqués localement.
Dans ce cas, partez du prix auquel vous vendez habituellement sur le marché domestique et faites la démarche inverse de celle décrite ci-dessus, à savoir :
au prix départ, ajoutez le coût de transport, les droits et taxes locales, le transport local, si besoin les commissions ou marges des distributeurs et vous obtiendrez votre prix dans le pays ciblé.
La mission que vous organiserez localement après votre étude de marché vous permettra de valider, par les discussions que vous aurez avec vos prospects, si votre prix est ou non compétitif.
Atteindre vos prospects
Une fois vos acheteurs potentiels et les prescripteurs identifiés, il vous faudra envisager les moyens pour atteindre cette cible.
On peut, entre autres, lister les moyens suivants : médias, presse locale spécialisée, publi-reportage, newsletter, e-mailing, phoning, etc. Attardons-nous cependant sur deux possibilités pour atteindre notre cible de clientèle : les salons et foires, et les colloques, conférences, séminaires.
– Salons et foires
En tant qu’entrepreneur, vous serez sollicité pour participer à des foires internationales, par exemple la Foire d’Alger. Même s’il peut donner un renom à votre entreprise, ce genre d’événement est à notre sens trop général pour être profitable à vos affaires. Toutefois, au cas où une foire spécialisée existerait, privilégiez cette approche en combinaison avec un mailing ciblé ou une action de phoning préalable et des visites de prospects dans la foulée. Si vous ne souhaitez pas exposer, visitez au moins ce salon pour y récolter des informations.
– Colloques, conférences, séminaires
Une autre idée est la participation à des colloques, conférences ou séminaires en tant qu’intervenant. Ceux-ci, par essence même, sont ciblés sur votre métier. Là encore, en y faisant un exposé précédé d’un mailing et de phoning, vous pourrez attirer les prospects. Ces événements offrent parfois la possibilité d’exposer.
Check-list des points essentiels
Pour aborder la demande du marché ciblé :
– chercher les acheteurs et prescripteurs potentiels de vos produits ;
– évaluer le potentiel quantitatif du marché (valeur et volume) ;
– évaluer le prix de vente possible ;
– étudier les moyens d’atteindre vos prospects.
3.2 La concurrence/l’offre locale
Bien connaître ses « ennemis » futurs est primordial dans une étude de marché. Cela signifie que faire une étude de marché sans tenir compte de la concurrence et de sa capacité à réagir à votre arrivée est vide de sens.
Que faut-il essayer de savoir sur l’environnement concurrentiel du pays cible ?
Les acteurs de la concurrence
Tout d’abord, à l’exception d’un territoire vierge (cela peut exister si votre produit est unique), il faut analyser précisément la concurrence. Une connaissance des divers concurrents au niveau de leur situation, en particulier actionnariale, vous apportera des informations clés :
– sont-ils indépendants ou font-ils partie de groupes/organisations internationaux ? En général, s’ils font partie d’un groupe international, vous avez déjà dû les rencontrer sur votre marché domestique ;
– sont-ils indépendants ? Dans ce cas, ils peuvent devenir potentiellement pour vous des cibles de rachat à terme, en particulier si le dirigeant est âgé et sans successeur désigné ;
– leur origine et leur date de création ancienne peuvent vous donner des informations quant à la pérennité du marché et l’importance de celui-ci.
Bien sûr, il faut déterminer si les concurrents fabriquent ou non localement, s’ils transforment, ou encore s’ils ne font que de la distribution.
Il est essentiel, ensuite, de faire la liste des marques commercialisées par ces concurrents et de vérifier la réalité de leur protection dans leur pays afin de ne pas vous trouver en position délicate si vous avez un nom de marque proche.
Le conseil de Pierre
Là encore, bien que la démarche soit assez difficile, essayez de connaître les parts de marché de chacun de vos concurrents. Si vous possédez un contact local, établissez un relevé de prix pour chaque concurrent. Ces informations vous permettront d’affiner votre stratégie. Faut-il attaquer le leader du marché ? En avez-vous les moyens ? Vaut-il mieux vous concentrer sur les clients du concurrent n° 2 ou sur ceux du concurrent n° 3 ?
Les gammes de produits des concurrents
Outre les prix et la position sur le marché de vos concurrents, concentrez-vous sur les gammes de produits ou de services vendus.
Quand on parle de gamme de produits, étudiez avec minutie les caractéristiques, l’étendue de la gamme. Si un concurrent que vous connaissez bien sur votre marché domestique a sur le pays ciblé une gamme restreinte, cela peut signifier que les autres gammes ne sont pas commercialisables pour des raisons de prix par exemple ou de réglementation locale.
Exemple
Nous avons pu observer, lors d’une étude de marché pour des eaux de toilette sur les marchés du Golfe, qu’il valait mieux vendre en 50 ml qu’en 100 ml, car la concurrence proposait des produits seulement dans ce type de volume, et ce, pour des raisons de prix.
Essayez aussi d’analyser comment les produits vendus par vos concurrents se rapprochent du produit idéal, afin de trouver un positionnement concurrentiel.
Un point peu travaillé, voire souvent oublié dans les études de marché, concerne la localisation de la concurrence. Or, lorsque vous abordez un marché, il est judicieux de faire un « mapping », une cartographie du pays où l’on situerait les concurrents, les clients potentiels, les principaux points d’entrée pour vos marchandises, les axes routiers, etc. Cette cartographie vous permettra, tel un général d’armée, d’organiser une stratégie d’attaque de ce marché cible.
Check-list des points essentiels
Pour explorer la concurrence :
– étudier qui en sont les acteurs ;
– étudier leurs gammes de produits ;
– étudier leur localisation et leur mode de commercialisation.
3.3 La distribution
Bien évidemment vous avez vos idées sur la manière dont vos produits sont commercialisés sur votre marché domestique.
Lors de votre approche du pays cible, vous allez trouver divers moyens de distribution de vos types de produits : cela peut aller de l’agent à la vente directe en passant par toutes les possibilités du type distributeurs, magasins spécialisés, GMS, grossistes, importateurs, franchisés, licence, joint-venture, etc.
Faut-il calquer votre stratégie sur celles de vos concurrents ? Ce sera à vous de le déterminer en fonction de vos produits et du marché local.
En tout état de cause, le plus important est de comprendre les raisons du choix de vos concurrents : obligation de créer une joint-venture pour être présents ou autre…
De même, étudiez la chaîne de distribution pour déterminer sa longueur, sa complexité, les
intermédiaires, les stockages. Renforcez cela par une étude du nombre de points de vente et leur localisation.
Les divers canaux de distribution peuvent s’être spécialisés dans une gamme de produits : haut, moyen ou bas de gamme. Une étude approfondie des gammes de produits vendus par chacun des réseaux vous permettra d’identifier quel est le réseau le plus approprié pour vos produits.
Exemple
Alors que la distribution de produits de vaisselle haut de gamme peut être limitée, par exemple au Maroc, au niveau du nombre de points de vente, elle peut être très présente aux Émirats Arabes Unis, voire en Chine.
De même, lorsque vous recherchez un agent (c’est souvent le cas pour les primo-exportateurs), il faut identifier les agents pour les produits/services dans votre métier ou dans des métiers connexes, voire les agents de la concurrence.
Le conseil de Pierre
Dans certaines occasions, il peut se faire que l’agent d’un de vos principaux concurrents soit dans l’obligation d’arrêter de travailler pour lui. Cela peut être une opportunité pour vous.
À titre d’exemple, il nous est arrivé de profiter de la création d’une filiale de vente en Chine d’un de nos confrères pour contacter son ancien agent et signer un contrat de représentation avec lui. Nous avions les produits, il avait les clients !
Une fois votre réseau de distribution sélectionné, il faudra trouver les moyens de l’animer et de le motiver pour vendre vos produits. Là encore, pensez à valider auprès de ce réseau ses besoins et la saisonnalité/période de ses achats.
Check-list des points essentiels
– Pour choisir celui qui sera le plus approprié pour vos produits, étudiez avec minutie les réseaux de commercialisation existants, leur complexité, leur degré de spécialisation, leur localisation.
– Pour trouver un agent, cherchez d’abord ceux qui connaissent le mieux votre métier, y compris chez vos concurrents.
3.4 Les freins à l’accessibilité/la réglementation
C’est un sujet qui est souvent mal cerné, mais bien évidemment primordial dans votre étude.
En quoi est-il primordial ?
Vous pouvez avoir négocié un contrat de vente avec votre acheteur et l’avoir livré, mais vous n’aviez pas tenu compte du fait que votre produit devait être conforme à certaines réglementations locales. C’est dans ce cas un retour assuré de la marchandise ou, au mieux, un blocage en douanes avec tous les coûts inhérents à cette situation à votre charge.
Que rechercher ?
– Lors de votre étude de marché et pour ce qui concerne la réglementation, le premier obstacle à lever est celui des droits de douane et taxes qui seront appliqués sur votre produit lors de son arrivée dans le pays cible en tenant compte du pays d’origine et de sa nature.
Même si cela ne vous concerne pas directement car vous vendez avec un Incoterm de type FOB port d’embarquement (voir Étape 6), la réglementation concerne votre client. Elle vous concerne donc indirectement.
– Prenez aussi en compte les frais liés à des homologations pour passage des normes locales. Dans bon nombre de pays, les normes européennes, si elles existent, sont reconnues et peuvent se substituer aux normes locales.
Outre les coûts que vous devrez intégrer dans votre structure de prix export, il vous faut considérer les délais d’homologation. En effet plus les délais sont longs, plus votre « time to market » (c’est-à-dire votre arrivée sur le marché) et vos premières ventes sont repoussées.
– Bien évidemment, vous pouvez être confronté dans certains pays à des autorisations de type licence d’importation. En général, votre client est déjà au courant de ces pratiques.
– Envisagez également les législations/réglementations futures : dans les produits chimiques désormais, un fournisseur chinois doit, par exemple, intégrer dans sa réflexion la réglementation européenne Reach sur le danger et la toxicité.
– Pensez à interpréter la législation : dans le cas d’un pays avec des droits de douane relativement importants, cela peut signifier qu’il protège son industrie/sa production locale. Dans ce cas, il faut envisager un accord de partenariat avec une entreprise locale ou encore songer à avoir votre propre fabrication locale. Bien souvent, une entreprise locale protégée dans son marché aura tendance à « s’endormir sur ses lauriers » et votre arrivée risque fort de la déstabiliser, ce qui vous permettra une pénétration plus rapide.
Check-list des points essentiels
Lister toutes les informations générales propres à votre métier :
– droits et taxes ;
– homologations éventuelles des produits ;
– existence ou non de licence d’importation ;
– projets de nouvelles réglementations ;
– objectifs de la législation locale.