La première question à se poser est la suivante : au plan juridique, quelles sont les conditions qui vont prévaloir ?
– CGV (conditions générales de vente / General Terms of Sale)
– ou CGA (conditions générales d’achat / General Terms of Purchase) ?
Dans de nombreux pays, ce sont les CGV qui prévalent. C’est d’ailleurs le cas en France avec le renforcement de l’article 441-6 du Code de commerce : « Les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale. »
Mais dans le cadre de transactions internationales, c’est plus souvent l’approche anglo-saxonne qui est retenue. On fait référence à la théorie du last shot : les dernières conditions envoyées non contestées par l’autre partie constituent la base légale du contrat.
Attention ! Chronologiquement, les dernières conditions envoyées sont celles figurant au dos des factures, mais, dans tous les systèmes juridiques, les conditions générales de vente figurant au verso de la facture n’ont qu’une valeur de rappel et aucune valeur juridique : elles sont portées trop tardivement à la connaissance de l’acheteur pour lui être opposables.
2.1 La clause d’éviction
En principe, on retrouve dans la rédaction des CGA les mêmes clauses que celles figurant dans les CGV, mais bien évidemment rédigées en faveur de l’acquéreur.
Il existe néanmoins quelques clauses plus spécifiques aux acheteurs et plus particulièrement la clause dite d’éviction (hold ou keep harmless ou encore infringement of third party intellectual property rights).
Elle protège l’acheteur contre toute revendication d’un tiers en matière de propriété intellectuelle et/ou industrielle. En clair, elle laisse présumer que le vendeur vend un bien dont il a l’entière propriété ou sur lequel il détient légalement les droits qu’il transfère à son client. La clause prévoit les modalités d’indemnisation en faveur de l’acheteur.
Exemple de clause d’éviction
En français : « Le Fournisseur fait son affaire personnelle de la validité de ses droits de propriété, intellectuelle et industrielle, relatifs aux fournitures ainsi que du libre usage des fournitures vis-à-vis des droits de propriété, intellectuelle et industrielle, de tiers. Le Fournisseur garantit l’acheteur contre toute revendication et/ou réclamation émanant de tiers. Dans le cas où une action serait engagée par un tiers à l’effet de voir interdire, limiter ou modifier l’utilisation, la commercialisation ou la vente des fournitures, le Fournisseur sera seul responsable de toutes les conséquences dommageables qui résulteraient de cette action et indemnisera l’acheteur de l’entier préjudice subi. »
En anglais : « The Supplier shall be personally responsible for the validity of the intellectual and industrial property rights related to the Supplies, as well as the free use of the Supplies as regards the intellectual and industrial property rights of any third party. The Supplier shall hold the Buyer harmless from any complaint and/or claim made by a third party.
In the event a third party would initiate proceedings requesting that the use, marketing, or sale of the Supplies be forbidden, limited, or modified, the Supplier shall be solely liable for the consequences resulting from these proceedings that may give rise to payment of damages and shall indemnify and compensate the Buyer for all damage sustained. »
Autre formule en anglais, plus simple :
« The Supplier shall indemnify the Purchaser against all claims and liabilities, including damages finally awarded against the Purchaser or its customers, for infringements of third party patents or other intellectual property rights. »
2.2 Clauses exigeant une rédaction spécifique à l’import
On peut classer ces clauses en trois grandes catégories :
Clauses liées au paiement et au prix :
– le mode ;
– la devise.
Clauses liées au transfert des risques (choix de l’Incoterm, voir Étape 5) ;
– Clauses liées au contentieux :
– clause attributive de compétence ;
– choix du droit applicable ;
– clause d’arbitrage.
Voici quelques exemples de rédaction de clauses spécifiques à l’import à faire figurer dans les CGA ou dans les contrats :
Clause liée au paiement
– En français
« Règlement, délai
Les factures doivent être adressées à notre service comptable et seront réglées conformément aux conditions figurant sur notre bon de commande. Elles mentionneront impérativement les numéros des bons de livraison accompagnant la marchandise.
Sauf stipulation contraire figurant dans nos bons de commande, les marchandises sont payables en euros par virement bancaire, 30 jours nets date de réception dans nos entrepôts.
En cas de paiement anticipé, un escompte de …% sera appliqué sur notre règlement.
Toute demande d’acompte ne sera honorée qu’à réception d’une garantie bancaire de restitution d’acompte, à première demande, émise par une banque internationale de premier rang. »
– En anglais
« Terms and delay of payment
Invoices must be sent to our accounting department and will be settled according to the conditions listed on our purchase order form. They will in any case mention the goods delivery notes numbers.
Unless stipulated otherwise in our purchase order, the deliveries are payable in euro by bank transfer within 30 days from the date of receipt in our warehouses.
In case of early payment, either made before delivery or upon receipt of the goods, the Buyer will be allowed a discount of… %.
In case of down payment, the payment will be settled only after reception of a down payment guarantee, on first demand, issued by a first class international bank. »
Clause liée au transfert des coûts et des risques
– En français
« Sauf stipulation autre, dans le cadre de nos importations, le transfert des risques et des coûts s’effectuera selon l’Incoterm ICC mentionné dans notre commande, dernière version en vigueur au moment de l’établissement de celle-ci. »
– En anglais
« Unless otherwise stipulated in our purchase order, the transfer of costs and risks will take place according to the Incoterm referred in our purchased order, in accordance with the latest version of the ICC. »
Clause liée au contentieux
Un petit commentaire s’impose. Acheter en France, cela ne pose pas trop de problèmes : on applique le droit français et le tour est joué. Mais à l’international ? Chacun des partenaires va vouloir imposer le droit de son pays. Dans la mesure où le droit français est encore majoritairement favorable à l’acheteur, on a tout intérêt à le privilégier dans nos CGA ou contrats d’achats.
Néanmoins il faut savoir qu’un grand nombre de pays très protectionnistes n’admettent que les décisions de justice rendues par un tribunal local, selon la loi locale… Alors, que faire ?
– En français
« Tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, par un ou plusieurs arbitres conformément à ce Règlement.
Si les deux parties décident de ne pas avoir recours à l’arbitrage, le litige sera porté en premier lieu devant le tribunal de commerce de (siège social de l’acheteur) et le droit applicable sera le droit français. »
– En anglais
« All disputes arising out of or in connection with the present contract shall be finally settled under the Rules of Arbitration of the International Chamber of Commerce by one or more arbitrors appointed in accordance with the said Rules.
If the two parties decide not to call on arbitration, the dispute will be brought before the Court of Commerce of our Head Offices or the Court of Commerce of Paris, and the applicable Law will be the French law. »
Le conseil de Jean-Claude
En plus d’un recours à un tribunal français, prévoir, si les montants le justifient, un recours à une décision d’une cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale.
Notons qu’un nouveau droit français de l’arbitrage est entré en vigueur le 1er mai 2011 – décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage – mentionnant, dans son chapitre 2, « l’arbitrage international », qu’en matière de compétence :
« Art. 1505.-En matière d’arbitrage international, le juge d’appui de la procédure arbitrale est, sauf clause contraire, le président du tribunal de grande instance de Paris lorsque :
1° L’arbitrage se déroule en France ou
2° Les parties sont convenues de soumettre l’arbitrage à la loi de procédure française ou
3° Les parties ont expressément donné compétence aux juridictions étatiques françaises pour connaître des différends relatifs à la procédure arbitrale. »
2.3 Les responsabilités du fournisseur : les garanties légales
L’acheteur doit se prémunir contre les éventuelles défaillances de son fournisseur en matière de qualité et de non-respect des clauses de livraison.
Tous les systèmes juridiques imposent au fournisseur deux obligations principales :
– celle de délivrer la chose (ou la réaliser en cas de prestation de services) ;
– celle de garantir la chose.
Pour ce dernier point, les obligations contractuelles de garanties seront donc liées au droit applicable à l’opération d’importation.
Tout comme pour une opération d’acquisition en France, l’acheteur devra donc se prémunir et, en cas d’inexécution du contrat, il aura trois solutions principales :
– suspendre momentanément l’exécution de ses propres obligations (précaution à prendre : mettre en demeure préalablement l’autre partie et s’assurer que les conséquences ne sont pas démesurées par rapport au préjudice subi…) ;
– engager éventuellement la responsabilité civile contractuelle. Trois conditions doivent être réunies : un dommage, un fait générateur, un lien de causalité ;
– Appliquer des pénalités.
En matière de garanties, la plupart des législations imposent la garantie légale, la garantie des vices cachés et la garantie de responsabilité du fournisseur du fait de la défectuosité du produit.
La portée de ces garanties varie plus ou moins selon les législations locales, la législation européenne étant très protectrice pour l’acheteur.
Pour se protéger contre les malfaçons et /ou retard de livraison, l’acheteur dispose de différents outils, les garanties de bonne exécution (voir plus loin) et les pénalités et dommages et intérêts (penalties and liquidated dommages).
Les pénalités sont principalement de deux sortes :
– Pénalités pour retard de livraison ;
– Pénalités pour non-conformité (notion de « make good »).
Repère
Quelques définitions simples
Rappelons quelques définitions simples : le fournisseur peut être engagé par sa responsabilité civile et/ou pénale.
La
responsabilité pénale ne peut être couverte par des assurances, mais la
responsabilité civile l’est. Il est donc impératif pour des opérations
de montant significatif, d’exiger du fournisseur la preuve de sa
couverture d’assurance responsabilité civile.
Le fournisseur peut être tenté de limiter sa responsabilité mais, en matière de contrats internationaux, les juges ont tendance à considérer ces clauses de limitation de nulle et non écrites.
Voir en bas de page la check-list des principaux risques liés au contrat