Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre au vu de la montée des appels au protectionnisme, le commerce international est encore bien perçu en Europe mais des réserves apparaissent nettement sur ses bénéfices actuels, selon les résultats d’une première enquête d’opinion réalisée par BVA pour la Fintech IbanFirst. Ce qui a convaincu cette dernière de la nécessité d’une campagne sur le thème « Make trade not war ».
Tentés par la fermeture des frontières les Européens ? Ce n’est pas ce que disent les résultats de ce premier baromètre IbanFirst sur la perception du commerce international dans l’opinion publique européenne, du moins au premier abord.
Ainsi, « faire du commerce avec d’autres pays » est globalement une « bonne chose » pour une immense majorité des interrogés, même si les Français, avec 89 %, sont un petit peu moins enthousiastes comparés aux Allemands, 90 %, Anglais, 98 %, Italiens, 94 %, Néerlandais, 96 %.
A noter que ce sondage a été mené du 20 au 25 octobre, auprès de 5000 citoyens de cinq pays : Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni (voir le détail à la fin de l’article*).
Des nuances sur les bénéfices du libre commerce
Toutefois, dans le détail, quelques nuances apparaissent. Ceux qui trouvent que c’est « une très bonne chose » (par rapport à « plutôt une bonne chose ») ne dépassent les 50 % que dans les deux pays les plus libéraux d’Europe : Angleterre (60 %) et Pays-Bas (54 %). Ils ne sont en revanche que 32 % en France, 35 % en Allemagne, et 47 % en Italie.
Des réserves sont également perceptibles, notamment en France, sur les questions relatives aux bénéfices du commerce international.
Côté positif, plus des trois quarts des interrogés dans les cinq pays considèrent que le commerce international renforce les liens d’interdépendance entre pays (78 % France), permet aux consommateurs d’avoir des prix attractifs (76 % en France) et aux entreprises de baisser leurs coûts et trouver de nouveaux marchés (74 % France). Les Français semblent un peu moins convaincus que la plupart de leurs concitoyens européens (plus de 82 à 85 % de réponses favorables chez les Allemands sur chaque sujet, par exemple).
Autre aspect positif : de 72 % (France) à 80 % (Angleterre) pensent que le commerce au sein de l’UE favorise la paix.
Côté négatif, certains effets sont perçus assez fortement aussi bien en France que chez ses voisins.
Ceux qui emportent le plus de suffrages auprès des Européens sont l’effet de dépendance excessive vis-à-vis de l’étranger pour les approvisionnements importants (matières premières, énergie, produits vitaux), avec de 79 % en France à 85 % en Allemagne.
Autres effets négatifs, le fait que les plus riches profitent le plus du libre commerce au détriment des plus pauvres (de 60 % en Italie à 70 % aux Pays-Bas, France 69 %). Quant au protectionnisme, il n’est pas perçu si favorablement que ça car pour la majorité, il accroit les risques de conflits (de 63 % en France à 71 % en Angleterre).
Enfin, les salariés ne sont pas toujours considérés comme franchement gagnants d’un commerce ouvert. Ainsi, si 80 % pensent que les salariés sont gagnants aux Pays-Bas, cette part tombe à 66 % en Angleterre, 54 % en Allemagne, 47 % en France et 42 % en Italie.
Plus d’export, mais pas d’accélération
Cependant, ils sont également nombreux à estimer que leur pays devrait exporter davantage ses produits et services : de 63 % aux Pays-Bas à 84 % en Angleterre, en passant par 66 % en Allemagne, 72 % en France et 81 % en Italie.
Toutefois, concernant les politiques publiques, les Européens sont assez partagés sur la question du renforcement des échanges commerciaux de leur pays, comme si certains ne souhaitaient pas d’accélération dans ce domaine.
Ceux qui y sont favorables sont légèrement majoritaire en Italie (50 %) et Angleterre (52 %) mais très minoritaires dans les autres pays : France 27 %, Allemagne et Pays-Bas 26 % chacun. Dans ces trois derniers pays, la préférence va à un maintien des échanges à leur niveau actuel (45 % France, plus de 50 % pour Allemagne et Pays-Bas).
Quant aux pays avec lesquels réduire ou renforcer ses liens commerciaux, sans surprise, une tendance forte se dégage pour une réduction des liens avec la Russie (de 62 à 81 %, la France étant à 74 %) alors que les pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis emportent au minimum 60 % et plus des suffrages.
Pour la France, le top 10 est : Allemagne (78 %), Italie (77 %), Pays-Bas (75 %), autres pays de l’UE (79 %), Royaume-Uni (64 %), États-Unis (60 %), Inde (42 %), Turquie (32 %), Pays du Golfe (32 %), Chine (31 %). Et la France figure pour sa part dans le top 5 de chacun des 4 autres pays.
Besoin de réinventer le commerce international
IbanFirst, dont les revenus proviennent des paiements internationaux, interprète ces résultats comme confirmant la dégradation, dans l’opinion, de l’image du commerce international et la nécessité de le faire évoluer.
« Cette enquête révèle un rapport des européens à la fois positif et exigeant vis-à-vis du commerce international, analyse Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur d’IbanFirst, cité par le communiqué. Le commerce doit se réinventer pour répondre aux défis de sobriété et d’égalité. Mais, comme les européens le réaffirment aussi, il est essentiel de ne pas casser les liens d’interdépendance et les fils qui nous unissent au-delà des frontières. C’est par le commerce que les pères de l’Europe ont construit un continent de paix. Et nous savons à désormais quel point cette dernière est fragile. »
IbanFirst annonce qu’au vu des résultats de ce premier baromètre, elle a décidé de lancer une campagne de sensibilisation européenne intitulée : « make trade not war » visible dans les médias et en digital.
C.G
* Répartition des personnes (18 ans et plus) interrogées par pays : 1002 Allemands, 1002 Anglais, 1002 Français, 1002 Néerlandais, 1003 Italiens. Le choix des profils a été fait selon la méthode des quotas.