1.1 CGV et CGA
Des conditions générales de vente (CGV) ou des conditions générales d’achat (CGA), lesquelles prévalent ?
La réponse est simple, les premières. Mais avant de donner plus de détails, il faut se poser une autre question, la bonne question : à quoi servent les CGV ?
À s’opposer aux CGA et, surtout, à inciter l’acheteur à respecter son obligation principale : payer !
De manière tout à fait logique, les CGV sont toujours l’exact opposé des CGA. Les Anglo-Saxons l’ont d’ailleurs bien compris : dans l’échange de ces documents, ce que nous, parfaits gentlemen, appelons l’échange des consentements, eux parlent de « battle of forms »…
Dans de nombreux pays, ce sont les CGV qui prévalent. C’est d’ailleurs le cas en France avec le renforcement de l’article 441-6 du Code de commerce qui stipule : « Les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale ».
Dans les pays anglo-saxons, on fait plus particulièrement référence à la théorie du « last shot » qui signifie que les dernières conditions envoyées non contestées par l’autre partie constituent la base légale du contrat.
Il est alors impératif pour le vendeur de prévoir, dans la chaîne de documents échangés lors de l’offre et de la commande, un accusé de réception de commande, portant au verso ses CGV.
Important !
Les CGV figurant au verso de la facture n’ont qu’une valeur de rappel et aucune valeur juridique : elles sont portées trop tardivement à la connaissance de l’acheteur pour lui être opposables.
1.2 Les clauses essentielles des contrats et des CGV à l’international
Les clauses exigeant une rédaction spécifique à l’export sont au nombre de trois :
– Le paiement et le prix
Il est essentiel de prévoir le mode de paiement, la devise du paiement et le lieu de paiement.
– Le transfert de risques
Cette clause est directement liée au choix de l’Incoterm (voir Étape 6 « Préparer l’expédition »).
– Le contentieux
Là, il s’agit de traiter la clause attributive de compétence, le choix du droit applicable en cas de litige, la clause d’arbitrage.
Plutôt que de longs discours, voici quelques exemples de rédaction, en français et en anglais, de clauses spécifiques à l’export traitant de ces sujets et à faire figurer dans les CGV ou dans les contrats.
Exemple n° 1
Rédaction d’une clause liée au paiement
– En français
Règlement, délai
« Sauf stipulation contraire figurant dans nos confirmations de commandes, nos marchandises sont payables en euros par virement bancaire, 30 jours net date de facture. L’acquéreur ne sera libéré de ses obligations qu’à réception des fonds par notre banque.
Toute entrée en relation fera l’objet soit d’un paiement anticipé, soit au minimum du paiement d’un acompte de 30 % avant livraison ou début d’exécution de la réalisation de la prestation.
Pour nos opérations avec l’étranger, nos conditions de règlement restent les mêmes quant aux délais, mais les paiements se feront soit par virement Swift [voir définition plus bas] au compte bancaire désigné, soit par crédit documentaire irrévocable et confirmé par une banque de notre choix.
Les commandes dont le règlement est prévu par crédit documentaire ou garanti par une lettre de crédit standby ou toute autre sûreté, telles que caution ou garantie, ne seront honorées qu’à réception de la notification de l’ouverture d’un crédit documentaire opérationnel sans condition particulière ou de l’émission de la lettre de crédit standby, caution ou garantie exigée.
À l’exception de paiement effectué avant livraison ou à la réception de la marchandise, aucun escompte ne sera accordé pour paiement anticipé. »
– En anglais
Terms and delay of payment
« Unless stipulated otherwise in our order confirmations, our goods are payable in euro by bank transfer within 30 days from the date of invoice. The buyer will only be relieved of its obligations upon receipt of the payment by our bank.
Any new business relations will be established subject to either an advance payment or at least a down payment of 30 % before delivery or before the service begins to be performed.
For our operations with foreign countries, our term of payment will be the same, but payments will either be by SWIFT transfer to the designated bank accounts or by irrevocable documentary credit confirmed by a bank of our choice.
The orders for which payment is provided for by a documentary credit or is guaranteed by a standby letter of credit or any other type of security, such as a bond or a guarantee, will only be executed upon receipt of notification of the opening of an operational documentary credit without any particular conditions or the issue of a standby letter of credit, bond or guarantee as required.
Except for payments made before delivery or upon receipt of the goods, no discount will be granted in the case of an early payment. »
– Repère –
Définition du virement Swift
Swift signifie Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications. Il s’agit d’un réseau de télétransmission bancaire qu’utilisent les banques pour se transmette des ordres et messages standardisés et codifiés liés à leurs activités : virements, garanties, ouvertures/notifications/confirmations de crédits documentaires, etc. (voir plus bas).
Exemple n° 2
Rédaction d’une clause liée au transfert des coûts et des risques
– En français
« Pour les ventes à destination de l’étranger, le transfert des risques et des coûts s’effectuera selon l’Incoterm de l’ICC prévu au contrat, dernière version en vigueur au moment de l’établissement de l’offre. »
– En anglais
« For sales outside of France, the transfer of costs and risks will take place according to the Incoterm referred in the offer, latest version of the ICC in effect at the time the offer is established. »
Exemple n° 3
Rédaction d’une clause liée au contentieux
Un petit commentaire préalable s’impose à propos de cette clause.
Vendre en France, cela ne pose pas trop de problèmes : on applique le droit français et le tour est joué. Mais à l’international ? Chacun des partenaires va vouloir imposer le droit de son pays. Comme on est paresseux et un peu chauvin, on va essayer d’imposer le droit français, mais est-ce une bonne solution ? Pas vraiment à vrai dire…
Les bonnes questions à se poser sont les suivantes : la loi française et une décision rendue par un tribunal seront-elles toujours reconnues à l’étranger ? La réponse est non. À la grande exportation, une bonne centaine de pays ne reconnaissent que les jugements rendus par un tribunal local et conformément à la loi locale !
Dans l’espace communautaire, c’est un peu différent, en théorie du moins. Il existe un règlement communautaire (Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, entré en vigueur le 1er mars 2002.
Son article 33 stipule : « Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une autre procédure. » Mais, l’article 34 de ce même texte dit aussi : « Une décision n’est pas reconnue si… la décision rendue est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis. » Définition suffisamment floue pour ouvrir la voie à un certain protectionnisme permettant de ne pas reconnaître tous les jugements rendus à l’étranger…
De plus, rappelons que la loi française est encore, majoritairement, favorable à l’acheteur. Donc à ne mentionner que si l’on est importateur et non exportateur.
Alors, que faire ? Être plus ouvert et prévoir plusieurs possibilités d’action, en fonction de différents critères :
– du pays du débiteur (reconnaissance des décisions rendues par un tribunal français ?) ;
– du montant de la créance ;
– de la localisation des actifs du débiteur (rapidité d’exécution des saisies) ;
– de l’organisation judiciaire locale (exemple : en Italie, il n’y a pas de tribunaux de commerce et les tribunaux sont donc souvent engorgés ; en Espagne, les tribunaux de commerce ne font qu’enregistrer les différentes étapes de la vie d’une société et ne tranchent pas des litiges entre commerçants, donc même situation qu’en Italie) ;
– compétence et efficacité des tribunaux locaux (lenteur des décisions, corruption…).
D’où notre proposition de rédaction de clause renvoyant d’abord au centre d’arbitrage international de la Chambre de commerce internationale (CCI), réputé neutre, avant d’aborder différentes éventualités. On ne peut faire plus souple !
Proposition de clause
– En français
« Tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci seront tranchés définitivement suivant le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, par un ou plusieurs arbitres conformément à ce Règlement. Si les deux parties décident de ne pas avoir recours à l’arbitrage, le litige sera porté en premier lieu devant le tribunal de commerce de (siège social du vendeur) et le droit applicable sera le droit français. Néanmoins, le vendeur se réserve le droit de porter le litige devant un tribunal du pays de l’acheteur, le droit applicable étant éventuellement le droit du pays du débiteur, voir un droit neutre, droit suisse, par exemple »
– En anglais
« All disputes arising out of or in connection with the present contract shall be finally settled under the Rules of Arbitration of the International Chamber of Commerce by one or more arbitrors appointed in accordance with the said Rules. If the two parties decide not to call on arbitration, the dispute will first be brought before the Court of Commerce of our Head Offices or the Court of Commerce of Paris, and the applicable Law will be French law. Nevertheless, the Supplier reserves the right to bring the dispute before the Courts of the place of the Buyer’s registered office, in which case the applicable Law will be the Law of the country of the Debtor, or a neutral Law, swiss law, for example. »
Pour information, un nouveau droit de l’arbitrage est entré en vigueur en France le 1er mai 2011, traitant, dans son Titre 2, de l’arbitrage international. Pour ne rien oublier, voici ci-dessous en PDF un modèle de liste des risques liés au contrat pratique pour essayer de recenser les clauses qui demanderont une attention particulière.
Avis d’expert Fidal
Sécuriser ses investissements
Le primo-exportateur devra veiller à ne pas négliger la clause de résolution des conflits dans tous les contrats qu’il sera amené à conclure dans le cadre de ses nouvelles activités afin de s’assurer de pouvoir sortir par le haut en cas de conflit avec un co-contractant.
Dans l’hypothèse d’un conflit avec un co-contractant, ne pas avoir prévu de clause de résolution des conflits peut générer des situations extrêmement lourdes, aléatoires et onéreuses. Ainsi il n’est pas rare dans une telle hypothèse que les parties en conflit s’opposent pendant plusieurs années devant les tribunaux pour déterminer le droit applicable ou les tribunaux compétents avant d’aborder le fond de leur litige qui lui-même ne peut être tranché qu’après plusieurs années.
Avoir signé une clause octroyant la compétence des tribunaux judiciaires de pays d’importation sans y prêter attention peut s’avérer également désastreux, le sort du primo-importateur se trouvant entre les mains de juges risquant la plupart du temps de manquer totalement d’impartialité.
Ainsi et afin de sécuriser son investissement, il est chaudement recommandé d’insérer une clause de médiation suivie d’une clause d’arbitrage dans tous les contrats qui seront conclus par le primo-importateur. La mise en œuvre de la clause de médiation assure à l’importateur de pouvoir résoudre à l’amiable le litige à l’aide d’un tiers formé à cet effet en cas d’échec des négociations. Elle permet d’éviter le contentieux lourd et coûteux, de maîtriser la solution, de résoudre le problème en opérant des économies de temps et d’argent mais aussi et surtout de préserver le partenariat créateur de valeur pour l’entreprise.
L’arbitrage en cas d’échec de la médiation permet, si les parties ne sont pas parvenues à un accord, de faire trancher le litige par des arbitres neutres indépendants et compétents devant statuer dans un délai raisonnable. Il est possible de se procurer de telles clauses sur les sites Internet des centres de médiation et d’arbitrage facilement accessibles via Google. Il est toutefois recommandé de solliciter l’opinion d’un avocat qui pourra aider au choix du centre le plus approprié en fonction des enjeux du contrat et de la nationalité des cocontractants.