1.1 Quels sont mes motifs, pourquoi exporter ?
Nombreuses sont les raisons qui peuvent pousser une entreprise à vouloir se développer à l’international : saturation du marché national, perte de clients, de parts de marché, excédent de stocks, arrivée de nouveaux concurrents, réponse à une demande… L’entreprise se tourne vers les marchés étrangers car elle n’a pas d’autre choix pour survivre, mais elle le fait sans grande conviction et surtout sans véritable stratégie.
A contrario, certaines vont intimement lier développement international et développement de leur entreprise en initiant une démarche active : développer leur notoriété, diversifier leurs risques, devancer les concurrents, profiter de l’effet de saisonnalité du produit, utiliser les aides du gouvernement…
En fonction du motif de l’internationalisation, les enjeux seront bien sûr plus ou moins importants pour l’entreprise. De ce fait, la stratégie et les moyens mis en place seront totalement différents.
Important !
C’est pourquoi parmi les questions clés servant de base à l’élaboration d’une stratégie de développement international, celle-ci doit être placée en première position par l’entrepreneur : pourquoi l’international ?
Quels sont mes objectifs à court, moyen et long termes ? Est-ce un moyen pour mon entreprise de pallier une situation provisoirement difficile sur le marché national, ou est-ce une étape qui va radicalement changer l’image de mon entreprise ?
Quelles vont être les conséquences ?
C’est ici que l’entreprise va initier la mise en place d’un outil d’analyse de ses capacités de développement, et surtout de la corrélation entre ses objectifs et ses moyens : Le diagnostic export (voir Étape 2).
1.2 Une question primordiale : le choix des marchés
Pour l’entreprise qui se contente de répondre à une demande, le choix paraît simple puisqu’elle ne choisit pas elle-même. Ce sont les clients qui viennent à elle. Pourtant, cela ne l’est pas.
Prenons un exemple
La société LMC fabrique des accessoires de cuisine, et participe au salon des arts de la table à Paris. Au cours du salon, elle initie trois contacts avec des importateurs potentiels qui se disent tous intéressés par une commercialisation de ses produits sur leurs marchés : une entreprise russe, une entreprise brésilienne et une entreprise canadienne. Quelle réponse la société LMC va-t-elle leur apporter ?
Réponse A : « Oui aux trois importateurs, je démarre ainsi mon activité internationale à moindre coût puisque je n’ai pas eu à réaliser de prospection active. »
Réponse B : « Je prends du recul afin d’être sûr que ces trois marchés représentent vraiment des axes de développement prioritaires pour mon entreprise. »
Quel est le danger de la réponse A ?
Je m’engage avec des entreprises que je ne connais pas, sur des marchés que je ne maîtrise pas, au risque de voir l’image de mon produit « made in France » être ternie par un mauvais choix de partenariat local. Or, cette décision va avoir des conséquences au plan interne : je vais devoir produire pour eux, adapter peut-être mon produit pour eux, dédier des personnes aux relations commerciales avec eux…
Quel est le danger de la réponse B ?
En différant ma décision, je risque de passer à côté d’une opportunité de développement pour mon entreprise. Ces importateurs vont aller voir des fabricants plus réactifs, et je devrai ensuite batailler deux fois plus dur pour m’imposer sur ces marchés…
Pas facile de prendre ce type de décision, et pourtant…
En fonction de la réponse à la question 1.1 « Pourquoi » et à la mise en place d’un diagnostic export, les possibilités immédiates de développement vont déjà se profiler : l’Europe proche ou le grand export ? Les pays asiatiques ou d’Europe de l’Est ? Il est évident que nous ne pourrons pas faire une étude de marché poussée sur l’ensemble de ces destinations, nous n’en aurions ni le temps ni les moyens.
Nous allons donc sélectionner les pays cibles que nous souhaiterions prospecter, et déterminer les critères de choix les plus représentatifs pour notre activité : proximité géographique, langue de travail, aspects interculturels, image des produits français, évolution de la demande, concurrence locale, stabilité politique, sécurité du marché… que nous allons noter sur la base d’une recherche d’information ciblée sur ces critères, après les avoir pondérés en fonction de leur importance.
Les notes ainsi obtenues vont nous permettre de hiérarchiser ces marchés du moins porteur (note finale la plus faible) au plus porteur (note la plus élevée), et c’est ensuite sur ces derniers que nous pourrons réaliser une étude de marché approfondie.
Nous avons réalisé une matrice de sélection des marchés qui servira de base à l’élaboration de notre stratégie de développement international (voir exemple ci-dessous en PDF ).
1.3 Adapter son produit et son mode de commercialisation
Là encore, partons d’un exemple concret
La société LMC fabrique des sacs à main de luxe type besace en cuir multicolore qui connaissent un véritable succès sur le marché français. Forte de cette réussite et attirée par le pouvoir d’achat local, la direction décide de diffuser sa gamme sur un marché asiatique en inondant les points de vente. Un an plus tard, une grande partie de la marchandise reste invendue sur le marché local.
Quelle a été l’erreur commise par la société LMC ?
Racontée de cette manière, l’erreur paraît évidente : la société LMC a cru pouvoir vendre à l’identique un produit sur son marché local et sur les marchés internationaux sous prétexte de son succès en France. Or, ce n’est pas parce qu’un produit marche bien en France qu’il sera accueilli tout aussi favorablement ailleurs.
Ne vous méprenez pas : si l’erreur semble basique, il s’agit bien là du principal motif d’échec des entreprises qui débutent à l’export.
En effet si nous reprenons l’exemple de la société LMC, plusieurs motifs peuvent expliquer la frilosité des consommatrices locales sur ce produit : les femmes asiatiques, étant plus petites de taille, préfèrent des sacs de dimensions plus réduites. Elles privilégient en outre les couleurs classiques aux couleurs criardes, et enfin certaines fermetures des sacs à main de la gamme de la société LMC ne sont pas considérées comme sécurisées par les acheteuses, ou ne sont tout simplement pas conformes à la législation locale.
Ce constat va donc nous amener à la plus grande prudence par rapport au choix des produits qui seront commercialisés localement : standards ou spécifiques, coloris, forme, taille, texture et bien sûr normes en vigueur, sans oublier le niveau de prix auquel nous allons pouvoir proposer nos produits.
Parallèlement à ce dernier point, nous ferons bien sûr intervenir les éléments logistiques qui nous permettront de répondre à la question : Comment acheminer mes produits ? (Voir Étapes 6 « Préparer ses expéditions » et 8 « L’expédition ».)
En termes d’action, c’est l’étude de marché qui nous permettra de collecter l’ensemble de ces informations et de répondre ainsi précisément aux questions posées précédemment : Quels produits vais-je proposer à quels clients en fonction de quels circuits de commercialisation ? (Voir Étape 3 « L’étude de marché ».)
Mais avant d’aller plus loin, il va falloir réfléchir au mode de vente et/ou de distribution localement : vais-je vendre en direct aux consommateurs locaux (B-to-C) ou vais-je essayer de privilégier les partenariats avec des intermédiaires chargés de commercialiser mes produits sur leur marché (B-to-B) ?
Tout dépendra de la typologie des produits, mais également des pratiques commerciales locales propres à chaque marché prospecté. C’est l’étude des circuits de distribution identifiés grâce à l’étude de marché qui nous permettra de répondre à cette question.
Quel que soit le mode d’approche du marché, le consommateur local devra lui aussi être étudié car les questions « comment vais-je vendre et qui va acheter » sont bien sûr indissociables.
Check-list des points essentiels concernant le produit
– Définition et adaptation de la gamme de produits à exporter
– Définition des normes à respecter
– Définition des caractéristiques techniques
– Définition du conditionnement et de l’emballage
– Définition de la marque et de la protection du produit
– Définition de l’étiquette et du marquage
– Définition du niveau de qualité
– Définition des services attachés au produit
– Définition du cycle de vie des produits
1.4 Identifier les risques pour mieux s’en prémunir
À travers ces différentes questions qui vont nous permettre de bâtir notre stratégie de développement international, nous connaissons maintenant nos objectifs et les enjeux pour notre entreprise. Nous savons quels marchés cibler en priorité, et quels produits leur proposer à travers quels circuits de distribution.
Une des clés primordiales sans laquelle notre opération serait vouée à l’échec consistera à lister l’ensemble des risques pouvant intervenir dans cette démarche, pour nous permettre de rechercher les moyens de s’en prémunir. Or, à l’international la multiplicité et la complexité des risques auront tôt fait de décourager certains.
Le tableau page 16 propose une liste très synthétique des risques, avec les actions préventives à mener et les organismes auprès desquels l’entrepreneur pourra trouver conseils et aides. Nous renvoyons par ailleurs à l’Étape 7 de ce guide concernant les risques (financiers et juridiques).
Pas de panique, à chaque risque – ou presque – sa couverture !
Pour un exportateur débutant, la difficulté résidera dans l’anticipation et la couverture de ces différents risques. C’est pourquoi, là encore, l’étude de marché permettra de les identifier mais aussi de nouer les premiers contacts avec les différents organismes d’aide à l’exportation en France, dont vous trouverez la liste à la fin de ce chapitre et tout au long de ce guide, à chaque fois qu’ils sont pertinents.
1.5 Ajuster objectifs et organisation
Il ne suffit pas d’avoir comme objectif de désirer s’implanter dans toute l’Europe et une partie des marchés internationaux pour doubler son chiffre d’affaires en cinq ans. Il va falloir posséder en interne les moyens d’atteindre ces objectifs. Là encore, il s’agit de poser les bonnes questions. C’est toujours grâce au diagnostic export (voir Étape 2 « Le diagnostic export ») que nous allons pouvoir répondre à l’ensemble de ces questions, mettre en place le « qui fait quoi » du développement international et le « quand », sous-entendu : « Quand serai-je prêt pour me développer sur ces marchés, avec quel rythme de déploiement et de progression ? »
Cette analyse nous permettra peut-être de répondre dès maintenant à l’une des questions essentielles : « Faut-il attendre les premiers résultats pour embaucher quelqu’un dont ce sera la fonction ou faut-il dès à présent recruter quelqu’un pour développer l’export ? »
Questions autour de mon organisation
– Qui va réaliser les études de marché ?
– Qui va se renseigner sur les aides nationales, européennes ?
– Qui va mettre en place la campagne de communication ?
– Qui va réaliser les brochures, les documents supports en anglais ?
– Qui va aller prospecter ?
– Qui va gérer les garanties bancaires ?
– Comment allons-nous financer les investissements ?
– Comment allons-nous pouvoir augmenter la capacité de production ?…
1.6 Combiner investissements et rentabilité
Exporter coûte cher, et ces investissements peuvent parfois freiner l’enthousiasme des exportateurs d’autant plus que la rentabilité est rarement immédiate : études de marché, adaptation des produits et de l’outil de production, prospection sur place, supports à la vente, communication sont autant de postes de dépenses dont l’entreprise devra tenir compte. C’est le budget de prospection qui nous permettra de lister l’ensemble de ces dépenses que nous mettrons en parallèle avec un estimatif des recettes sur chaque marché (voir plus loin Étape 6, § 2).