Une réforme du code des investissements a été adoptée l’été dernier, avec comme objectif manifeste de créer un cadre plus attractif pour les investisseurs étrangers. Qu’en est-il exactement ? Voici un décryptage de la spécialiste Cristelle Albaric, du cabinet Simon Associés.
Le Parlement algérien a adopté, le 17 juillet 2016, une nouvelle réforme relative à l’adoption d’un nouveau Code de l’investissement (Loi n° 16-09 du 29 Chaoual 1437 correspondant au 3 août 2016 relative à la promotion de l’investissement). Les nouvelles dispositions auront pour objectif principal de faciliter l’insertion et l’arrivée d’investissements étrangers et d’augmenter l’attractivité de l’Algérie. Ce nouveau code prévoit :
• Une exonération ciblée des droits de douane.
• Un ajout de taxes additionnelles.
• Une extirpation de la règle 51/49 % et du droit de préemption du Code de l’investissement.
• Une simplification administrative pour les nouveaux investissements étrangers.
• La possibilité de recourir à l’arbitrage ad hoc.
Quel est le contexte économique dans lequel cette réforme intervient ?
L’Algérie est dotée de grandes ressources d’hydrocarbures ; à cet effet, elle est classée dans les dix premiers producteurs mondiaux de gaz et dans les vingt premiers producteurs mondiaux de pétrole. À noter qu’elle est aussi un État membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Depuis la fin de l’année 2015, les cours du pétrole ont chuté vertigineusement. Sans aléa extrinsèque, un désé-quilibre entre l’offre et la demande conduit inévitablement à une baisse ou une hausse des prix. L’augmentation importante de la production de barils de pétrole américains a conduit à avoir une offre supérieure à la demande.
De plus, l’effet de contraction de l’économie européenne, par sa croissance molle, et de l’économie chinoise, par une croissance ralentie, toutes deux consommatrices de pétrole, a eu pour conséquence une diminution de la demande de pétrole, renforçant le déséquilibre entre offre et demande. De ce constat économique, l’Algérie, tributaire de ses ressources gazières et pétrolifères, accuse, comme l’Arabie Saoudite ou le Bahreïn, une perte de revenus conséquente. Contrairement aux deux pays du Golfe, le plus grand pays du Maghreb enregistre une balance commerciale déficitaire. Ce résultat vient du fait que les deux ressources susmentionnées sont génératrices de 95 % des recettes de l’État.
En conséquence, les autorités algériennes ont proposé des mesures afin de rendre leur pays attractif aux investisseurs étrangers. Ces mesures sont matérialisées par une réforme du Code de l’investissement, considéré jusqu’alors comme trop étatiste et protectionniste, finalisée le 17 juillet 2016, par le vote du Parlement algérien.
La règle 51/49 % et le droit de préemption
1. La règle 51/49 %
Cette règle a été instituée par la loi de Finance de 2009 et insérée dans le Code de l’investissement dans l’article 4 bis. Lorsqu’un investissement étranger est effectué en Algérie, subordonné par la création d’une société, cette dernière doit être détenue à 51 % par des intérêts algériens. Cette collaboration obligatoire avec les locaux n’encourage pas les investisseurs étrangers. Aussi, les autorités algériennes ont vu la problématique que pouvait poser cette règle.
Cependant, alors que la réforme initiale du Code de l’investissement devait supprimer cette disposition, il n’en a rien été.
Cette règle a juste fait l’objet d’une extirpation du nouveau Code de l’investissement pour retrouver son fondement juridique dans l’article 66 de la loi de Finance 2016.
2. Le droit de préemption
Le droit de préemption est la faculté de l’État algérien, ainsi que de ses entreprises publiques, à pouvoir acquérir les parts sociales ou actions sur les cessions d’activités par des étrangers prioritairement à tout autre intéressé. Le droit de préemption est régi par l’article 4 quinquiès du Code de l’investissement. Cette disposition a été âprement discutée et débattue. Au même titre que la règle 51/49 %, elle fait l’objet de critiques pour son frein aux investissements étrangers dans le pays.
Pour que ce droit de préemption soit effectif, une procédure d’enregistrement ou de déclaration de vente de parts sociales ou d’actions devait être faite devant les autorités compétentes. Une fois la procédure effectuée, les autorités devaient attester expressément de leurs intentions d’acheter ou de refuser d’acheter les parts sociales ou actions vendues.
Cette procédure a été modifiée par la loi de Finance 2014 qui, en allégeant la procédure d’agrément en faveur des projets d’investissements étrangers directs ou d’investissements en partenariat avec des capitaux étrangers, a supprimé la condition de soumission des projets d’investissements susvisés à l’examen préalable du Conseil national de l’investissement. Cet examen était un préalable au droit de préemption.
La proposition des auteurs du projet de réforme était « de se satisfaire, pour la minoration de valeur des transactions de l’espèce, du droit de préemption institué par le Code des procédures fiscales, sous réserve de son extension aux actions et parts sociales ».
Le nouveau texte prévoit, dans les articles 30 et 31, que toutes les cessions d’actions ou de parts sociales, ou actifs, par ou au profit d’étrangers seront soumises à une autorité du ministre chargé de l’investissement. Les cessions indirectes supérieures ou égales à 10 % des parts des entreprises étrangères dans une société algérienne doivent passer par le Conseil des participations de l’État, dont les objections « motivées » ouvrent à l’État algérien un droit de préemption sur ces actifs.
En résumé, le droit de préemption, au même titre que la règle 51/49 %, a été extirpé du Code de l’investissement, sans en perdre sa vigueur. L’Algérie, depuis des années, est attachée à son indépendance acquise en 1962, laissant des traces aussi bien dans les mémoires que dans le droit. Dès lors, l’Algérie a à cœur de ne pas laisser des pans de son économie et de sa souveraineté aux mains de puissances ou d’investisseurs étrangers. Au risque de se priver de puissants investissements pouvant aider son économie moribonde depuis la chute du cours du pétrole, et la crise sociale intervenue postérieurement à la fin de la guerre civile.
Néanmoins, les autorités algériennes, conscientes du rôle d’une libéralisation maîtrisée, ont l’envie et l’objectif de faciliter les investissements étrangers.
• La modification du régime fiscal et douanier pour les investissements étrangers
La loi de Finance 2016 articule protectionnisme et ouverture aux investissements étrangers. Dans son article 52, l’empreinte du protectionnisme est omniprésente. En effet, dans le cadre de la protection des filières locales industrielles naissantes, sont ajoutées des taxes additionnelles, sous formes de TVA et de Taxe Intérieure de Consommation, applicables sur des produits finis importés similaires à ceux produits en Algérie et relevant des filières industrielles.
Des droits de douanes ont été fixés ou ont été revus à la hausse sur des produits importés dans le but d’encourager les investisseurs étrangers à produire localement, plutôt que de produire à l’étranger pour ensuite faire rentrer leurs produits sur le marché algérien. Cette mesure a pour but premier de diminuer le chômage par une industrialisation soutenue dans le pays, que ce soit par des locaux ou des étrangers. La loi de Finance 2016 décide, dans son article 54, que « sont exonérés des droits de douane, l’essence et le gasoil réimportés dans le cadre des opérations de traitement du pétrole brut algérien à l’étranger effectuées par Sonatrach (entreprise publique algérienne) sous le régime économique douanier de l’exportation temporaire pour perfectionnement passif. »
La loi de Finance 2016, dans son article 55, décide de formuler une exception au principe général qui sous-tend la réalisation d’investissements étrangers, directs ou en partenariat par recours au financement local. L’article 4 bis du Code de l’investissement actuel indique que « les financements nécessaires à la réalisation des investissements étrangers, directs ou en partenariat, à l’exception de la constitution du capital, sont mis en place, sauf cas particulier, par recours au financement local ».
La loi de Finance complète cette disposition : « Néanmoins, le recours aux financements extérieurs indispensables à la réalisation des investissements stratégiques par des entreprises de droit algérien, sont autorisés, au cas par cas, par le Gouvernement. » Cette exception laisse une porte d’entrée aux investisseurs étrangers.
• Les facilités administratives pour les investisseurs étrangers
Lorsqu’un investisseur étranger souhaite s’implanter en Algérie, les difficultés administratives s’amoncèlent, au rang duquel la multiplicité des formulaires et la lenteur de l’administration. L’investisseur devra remplir pas moins de 7 formulaires :
• déclaration ANDI : l’investisseur devra s’identifier, ainsi que donner des éléments complémentaires et détaillés sur sa structure et les grandes lignes de son projet d’investissement,
• constat d’entrée en exploitation,
• demande d’avantages d’exploitation,
• demande de modification de liste,
• état d’avancement du projet d’investissement,
• demande de modification de décision d’octroi d’avantage,
• canevas des grands projets.
L’apport de cette réforme a été la simplification, un seul document d’enregistrement suffira, pour conférer le droit à l’investisseur à tous les avantages auxquels il est éligible. Il sera, cependant, obligé de respecter le délai de réalisation du projet qui est inscrit sur l’attestation d’enregistrement. Ce document n’a pas encore été édicté par les autorités algériennes, il semble prévu en même temps que l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’investissement.
• Le règlement des différends État-investisseur
Une révolution a été amorcée envers les investisseurs étrangers dont les États d’origine n’auraient pas signé et ratifié une convention bilatérale ou multilatérale avec l’État d’accueil, l’Algérie. En effet, l’article 17 du Code de l’investissement érige en principe la compétence exclusive des tribunaux nationaux pour tout différend entre l’investisseur étranger et l’État, sauf si une convention entre le pays de nationalité et le pays de l’accueil prévoit le recours à un autre mode de règlement, ou si un accord spécifique existe. La réforme permet de s’émanciper de ce principe, si dans le contrat entre l’investisseur étranger et l’Algérie, est insérée une clause permettant aux deux parties de recourir à un arbitrage ad hoc.
Ce changement de dimension a pour objectif premier d’augmenter les potentiels investisseurs venus de pays n’ayant aucun lien juridique avec l’Algérie. Le système judiciaire algérien n’a pas très bonne réputation pour bon nombre d’investisseurs, souvent considéré comme trop proche du pouvoir. Dès lors, émanciper les différends qui pourraient s’élever entre un investisseur et l’État algérien est de nature à aller dans un sens positif.
Cristelle Albaric, associé du département droit international
du cabinet SIMON ASSOCIES
Sources de référence
Journal officiel algérien n° 46 du 3 août 2016 ; Code de l’investissement en Algérie version consolidée de 2015 ; Loi de finance 2009 ; La loi de finance 2014 ; La loi de finance 2016 ; Site de l’ANDI ; Ordonnance du 20 août 2001 relative au développement de l’investissement ; http://www.ilboursa. com/marches/algerie-adoption-du-nouveau-code-de-l-investissement_ 9686 ; http://www.amb-algerie.fr/2491/loi- de-finances-2016-mesures-dincitation-a-linvestissement/